Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
C’est le titre, suspect, de l’essai co-signé en 2005 par M. Ghosn, « personnalité multiculturelle », fervent partisan d’une « mondialisation créatrice de valeurs » et « d’un « management sans frontières ». Suspect, on vous dit.
Quand, le 29 avril 2005, il succède à M. Schweitzer, ce dernier lui conseille, pour éviter toute polémique, de « prendre » la nationalité française. Français donc, ni par le sang reçu ni par le sang versé, mais par pur opportunisme. Son voyage en Israël de 2008 illustre bien cet état d’esprit. Aux avocats libanais qui lui réclament aujourd’hui des comptes pour ce déplacement formellement interdit, le Liban et Israël étant « techniquement en état de guerre », M. Ghosn vient de répondre benoîtement y être « allé en tant que Français, en raison d’un contrat entre Renault et une compagnie israélienne. » Qu’on se rassure : il s’est réfugié au Liban en tant que Libanais…
De toute façon, il ne fallait pas attendre qu’à la tête de Renault il privilégiât l’intérêt national français : il fit en revanche ce qu’il fallait pour en faire, fût-ce à marche forcée, une entreprise s’inscrivant pleinement dans une économie mondialisée et financiarisée et son bilan reste mitigé et fortement entaché sur le plan humain par un « management » à la cravache. Il a en revanche parfaitement réussi à arrondir sa fortune personnelle, faisant preuve d’une soif d’argent inextinguible. Aujourd’hui encore, ce citoyen du monde qui percevait 45 000 euros par jour (les gilets jaunes « historiques », ceux de l’automne 2018 apprécieront), cet ex-patron d’une entreprise (ex-?)française, expatrié fiscal aux Pays-Bas, montre son vrai visage.
D’une part, il songerait à rentabiliser sa mésaventure japonaise grâce à un livre et/ou un film (il lui faut quand même « se refaire » après la perte des douze millions d’euros de caution et les frais occasionnés par son rocambolesque voyage de retour au Liban) ; d’autre part, il vient de se dire décidé à réclamer à Renault « sa » retraite chapeau, soit 774 774 euros bruts par an (argent de poche auquel il tient, même s’il avait renoncé à sa fonction le 23 janvier 2019).
C’est donc cet homme de pouvoir, ce richissime trans-national, que Mme Salamé, elle aussi Libanaise (et Française bien entendu, mais qui ne l’est pas ?) est allée interroger mercredi 8 pour France Inter (entretien diffusé vendredi 10). Son extase, eût-elle été moins niaise, aurait renforcé l’aura du personnage.
En fait, M. Ghosn aurait pu être, supputation plausible, un grand commis de l’Etat sous un Ancien Régime où les puissants, du fait même de leur puissance, risquaient gros et étaient en général mieux tenus. Mais, dans une France rongée par l’idéologie multiculturaliste et mondialiste, il avait trouvé, surtout préoccupé de lui-même et de ses intérêts, un terrain de jeu à sa (dé)mesure. ■
* Agrégé de Lettres Modernes.
Retrouvez les Lundis précédents de Louis-Joseph Delanglade.
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Voilà qui est cinglant et définitif ; la conclusion est subtile et bienvenue.