De bout en bout, le Brexit aura été vécu sur le continent européen – France en tête – comme un pur psychodrame existentiel d’une parfaite irrationnalité.
La propagande a orchestré de tout son poids et démesurément amplifié le phénomène, avec une constance et une efficacité remarquables. Comme si, en touchant au mythe de l’unité européenne selon le vues de la technocratie bruxelloise en charge de la réaliser, la Grande Bretagne, qui n’avait pourtant jamais eu qu’un pied dans cette Europe-là et l’autre dehors, s’en prenait à un objet d’ordre religieux, en quelque sorte sacré, qu’il est illégitime de mettre si peu que ce soit en cause. Sacrilège ? Oui, le départ de la Grande-Bretagne ne pouvait avoir lieu, ne pouvait être voté, s’il l’était, par mensonge et tromperie, il serait revoté … On niait qu’il pût l’être. Si d’aventure il devait l’être, les pires catastrophes s’abattraient aussitôt sur le Royaume-Uni qui devrait revenir la queue basse après que la City aurait été vidée de sa substance et de ses troupes et que l’économie britannique se serait effondrée. Boris Johnson était un clown, n’arriverait jamais à rien, etc. Arrêtons-là cette logorrhée névropathique. On sait aujourd’hui ce qu’il en est et que le Brexit interviendra dans deux semaines, ce 31 janvier.
On commence à douter aussi que Boris Johnson soit un clown, comme on l’avait dit et cru, jadis, aussi de Churchill qui en avait souvent les apparences, parfois même la réalité, mais qui est le modèle de Johnson, comme en témoigne le volumineux volume qu’il lui a consacré.
L’on apprend encore que Boris Johnson, à qui les difficultés ne manqueront certes pas, a un programme politique qui semble singulièrement adapté – à l’exact inverse d’Emmanuel Macron – aux évolutions du monde actuel et aux aspirations populaires que le dit Macron méprise, ne comprend pas ou ne partage pas. Le programme de Johnson, dans le détail duquel nous n’entrerons pas ici, se définit comme un conservatisme patriotique qui entend promouvoir une politique sociale de préférence au libéralisme économique et se propose de délaisser le libéralisme culturel pour la défense des valeurs traditionnelles [1].
Cette politique se rapproche à l’évidence des populismes montants, en Europe et dans le monde. Ce faisant, elle entend épouser un mouvement général vers un cycle en train d’émerger, peut-être appelé à être celui des futures décennies. Un nouveau cycle des peuples et des nations désavouant l’universalisme mondialiste.
Nous savons la société britannique bien malade, comme celles du reste du monde occidental. Il est évident que, malgré sa très large victoire électorale, Boris Johnson devra faire face à des problèmes intérieurs et extérieurs redoutables. A l’intérieur, notamment, celui de l’Ecosse, les résultats électoraux n’ayant point le pas sur des réalités historiques pérennes. A l’extérieur, les négociations post-Brexit avec l’Europe. Michel Barnier, obstiné et besogneux, sera une fois de plus à la manœuvre, mais, selon notre avis, Johnson, fort de l’assentiment du peuple britannique, ne sera pas inférieur à sa tâche, et défendra bec et ongles les intérêts de son Etat. Nous ne croyons guère à l’arrêt des flux économiques existant entre la Grande-Bretagne et l’Europe et il se pourrait bien que les accords bilatéraux se multiplient, relativisant les efforts tenaces de Bruxelles pour a minima justifier son existence et sa prééminence battues en brèche.
La France elle-même n’aura pas tout à gagner du départ britannique. Elle devra – ou devrait – défendre ses intérêts sans en laisser la charge à Bruxelles. Il n’empêche que par delà les intérêts matériels à sauvegarder, devrait exister une vivante solidarité politique des peuples qui, malgré les vices inhérents à la modernité, ne veulent pas mourir. G.P. ■
[1] Philippe Gélie, Le Figaro d’aujourd’hui.
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source
100 % d’accord ! Fallait le dire ……
Bel article . L’on retrouve en tous pays de l’Ouest européen les mêmes soucis et engourdissements mais aussi , Dieu merci , le même réveil .
Au delà et encore à l ‘Ouest , le Président Reagan fut , jadis , moqué comme ex acteur de films série B . Ce qu ‘il y a de bien avec la gauche c’est qu’ elle montre de façon quasi- constante , le chemin à suivre : le sens inverse de ses indications.
Instructive également la Une du Figaro : sur le même plan que l’article précité , présentation élogieuse de Boris Vian ; mais bon , c’est subventionné . Il faut trier !
L’analyse est aussi concise que pertinente…
La France, pays contributeur net à l’UE, devra avec l’Allemagne compenser la contribution du Royaume Uni ; l’Italie a fait savoir qu’elle ne paierait pas plus. Dans le même temps, l’UE augmente son budget de 30%, qui va payer ?
Sujet épineux, mais ô combien intéressant, car l’édifice ne repose que sur la contribution des pays contributeurs nets qui se retrouvent à trois !…
Bonjour. Un article concis qui explique sans parti pris excessif, une réalité qui dépasse les propagandistes anti Brexit ,qui depuis des années
usent et abusent de leurs positions dominantes pour déverser leurs commentaires. Commentaires qui nient le résultat d’élections et qui insultent les électeurs qui ont majoritairement choisi ke Grand large ….