Par un curieux phénomène d’entraînement entre les grands médias et les réseaux sociaux internet, jouant entre eux, cette fois-ci, d’ailleurs très efficacement, la carte de la synergie, les « révolutions arabes » ont pris l’ampleur que l’on sait et, comme Politique Magazine l’a titré, elles ébranlent le monde.
Il n’est pas exagéré de dire que le couple grands médias et réseaux sociaux a créé et entretenu cette tourmente qui a, pour l’instant, mis à bas deux dictatures (Tunisie et Egypte) et ébranlé plus ou moins tous les régimes arabo-musulmans en place.
Nos grands médias se sont ainsi offert le luxe et la volupté d’être à la fois acteurs, spectateurs et grands répercuteurs du phénomène.
Sans la caisse de résonnance des grands médias, il est probable que la première mobilisation effectuée via les réseaux sociaux n’aurait pas pu se développer comme elle l’a fait. De même, sans eux, rien n’aurait démarré. Mais il est clair que, sur place, les manifestants savaient l’écho qui leur était donné partout dans le monde. Ils se savaient acteurs – à chaque fois de plus en plus nombreux – du grand spectacle mondial ainsi créé, en même temps qu’ils en étaient, eux aussi, spectateurs. C’est ainsi que s’est organisée la « révolution » ainsi montée !
Ce n’est pas que les régimes abattus méritaient grande estime. Corrompus, sans scrupules, pillant, à grande échelle, leurs peuples et les ressources de leurs pays, totalement inféodés à l’aide, naturellement hégémonique, des Etats-Unis, ils n’avaient d’autre mérite que de maintenir l’ordre dans leur Etat et la stabilité dans la région.
Il n’empêche : le délire des grands médias, presqu’immédiatement suivis par les politiques, a été total, incessant, croissant de jour en jour, à la limite du supportable et, pour qui a le sens de l’Histoire et des réalités géopolitiques, franchement ridicule.
Spécialement en France, ils se sont ainsi joué ou rejoué, tout à la fois, la Révolution française, celles de 1848, celle de mai 68, ou, encore, le Printemps de Prague et, pourquoi pas, la chute du mur de Berlin, l’effondrement du bloc soviétique. La libération des peuples, prenant enfin leur destin en main. Et tout ce qu’on voudra d’autre …
Le mythe, devenu si contestable, du progrès, de l’avènement de la démocratie, des Lumières éclairant le monde, un monde sortant de son obscurité, tout cela a été joué, commenté, espéré, dit et redit, au mépris de tout bon sens et de tout réalisme.
Sans craindre, non plus, le ridicule. Car, enfin, des trois hypothèses que l’on peut former pour la suite, la seule retenue par les médias et nos politiques, est, aussi, la seule, qui n’ait aucune chance de se réaliser.
Les trois hypothèses sont les suivantes : le remplacement des dictatures déchues par une forme ou une autre de statu quo ante qui consacre le maintien de la réalité des pouvoirs entre les mains de ceux qui, en fait, le détenaient déjà (L’armée tunisienne ; l’armée égyptienne, l’armée libyenne …) ; la prise de pouvoir par les islamistes qui sont, de fait, la seule force politique et sociale existant dans ces pays en dehors des systèmes en place; enfin, naturellement, l’avènement de la démocratie, à l’occidentale et, si possible, évidemment, à la française ou à l’américaine.
Les gens raisonnables, tel Hubert Védrine, ont dit qu’il faudrait tout de même attendre de voir comment les choses tourneraient. Ce qu’il en résulterait dans un an ou deux. Sarkozy, lui-même, a suggéré l’idée iconoclaste qu’elles pourraient aussi mal tourner … On voit déjà, en Tunisie, l’anarchie se poursuivre. Si les touristes ne sont plus au rendez-vous du prochain été, que mangera-ton, à l’automne ?
Nous prenons date avec le Système. Avec la pensée unique. Avec les délires et les nuées. Date pour dans dix-huit ou vingt-quatre mois. Et nous verrons bien si les pays dont il est question seront ou non plus démocratiques à ce moment-là qu’ils l’ont été jusqu’à présent. Et nous parions que non.
Analyse très juste avec conclusion logique , une démocratie à la républicaine s’obtient avec beaucoup de temps des écueils inévitables et non sans souffances. On en a des cicatrices et nous, nous regrettons encore l’ancien régime. Alors ?