Par Xavier Raufer.
Xavier Raufer donne à Atlantico des entretiens et des articles réguliers, – celui-ci vient de paraître – intéressants pour leur expertise minutieuse des divers domaines de la délinquance, souvent enchevêtrés les uns aux autres. Ils sont un signe de l’état de notre société et de la déliquescence du Pouvoir. Nous ne pouvons manquer de nous en tenir informés.
Xavier Raufer revient ici sur la situation en France et sur la prolifération de la violence et ses causes. JSF
Selon les chiffres publiés par le ministère de l’Intérieur, le taux de délinquance est en nette progression en France. Comment l’expliquer ?
Sans que le pitoyable M. Castaner ait eu le simple courage d’accepter sa responsabilité dans l’affaire, l’Intérieur publie en douce les pires chiffres d’une décennie sur le crime -car si l’on incendie, l’on assassine, l’on séquestre et l’on assiège les forces de l’ordre, plus d’aimables « délits » ni de « délinquants » -bel et bien des crimes et des criminels, passibles de la Cour d’assises ; ce bien sûr, dans un pays doté d’une justice fonctionnelle.
Expliquer le désastre sécuritaire est enfantin : monarchie ratée, la France voit le sommet de son État vivre prosterné devant le souverain. Quand M. Macron dédaigne la sécurité – mépris du calvaire criminel subi par les Français remontant à M. Hollande – l’appareil d’État délaisse la sécurité. Au sommet de l’État, la cohorte de hauts fonctionnaires (préfets… directeurs d’administration centrale…) a vite saisi – comme corps, elle a de cela une pratique séculaire – le sens de la nomination de M Castaner et de Mme Belloubet aux deux postes cruciaux de l’État régalien, l’Intérieur et la Justice : moi, Macron, n’ai rien d’autre que ces deux médiocrités pour occuper les postes – et au fond, je m’en tape.
Exemple. Le chaos du Nouvel-An montre que la plupart des incendiaires et émeutiers proviennent des fameux « quartiers sensibles » – coupe-gorge où les forces de sécurité évitent de rétablir l’ordre. En dialecte bureaucratique, ces zones chaotiques relèvent de la « Politique de la Ville », volet préventif de toute stratégie sécuritaire. Or depuis son élection – trente-deux mois -M. Macron ne fait rien à ce sujet; son « Conseil présidentiel des villes » agonise loin de lui, parmi des démissions en nombre.
Toute la société semble touchée. L’intrusion violente de syndicalistes dans les locaux de la CFDT prouve que la délinquance n’est pas l’apanage des quartiers populaires…
Devenue une médiocre école de commerce, l’ENA n’enseigne plus à ses élèves le sens même de cet État-nation dont, la première, la France fit aussi l’État de droit. Cela s’enseigne aux futurs dirigeants de l’État par la philosophie du droit -non sa pratique ni ses lois, mais son sens même ; ce à quoi sert le droit, cruciale clé de voûte de la société.
Ce concept d’État de droit est aisé à saisir. Lisons ceci : « Tout à l’heure, quand le tribunal aura levé séance, chacun d’entre nous rentrera chez lui – l’un d’un pas vif peut-être, l’autre lentement – sans s’inquiéter ni se retourner, sans avoir peur ni se demander si l’homme qu’il rencontrera est un ami pour lui ou pas, s’il est grand ou petit, s’il est vigoureux ou chétif, sans se poser nulle de ces questions. Pourquoi ? Parce qu’il sait, en lui-même, dans la ferme confiance qu’il a dans l’État, que nul ne viendra l’enlever, ni le frapper, ni lui faire violence ». Démosthène « Contre Midias », 348 av. JC.
Posée sur ce socle splendide, la philosophie du droit apprend que l’ordre est un tout ; que toute société – nulle exception à cette règle – édictant des lois inapplicables ; ou si sa justice en dédaigne certaines ;voit surgir, et vite, l’anarchie générale. On a de cela mille exemples, mais bien sûr, la plupart des actuels gouvernants l’ignorent, tout comme une société française qu’au fond, ils pratiquent moins que la City de Londres ou Wall Street.
Toujours plus graves et fréquentes, les émeutes des banlieues suscitent peu d’interpellations, moins encore de condamnations sérieuses. De là, les Black Blocks passent à l’action, puis les durs des syndicats ; ainsi de suite. Rien de nouveau: « De cité en cité, la guerre civile étendait ses ravages. Pour celles touchées les dernières, les factieux, instruits de ce qui s’était fait ailleurs, allèrent plus loin encore dans l’excès révolutionnaire, grâce à une technique perfectionnée de l’insurrection et à des méthodes de terreur inouïe… On prisait d’avantage les hommes sachant mener à bien des entreprises détestables en les couvrant de grands mots… C’est ainsi qu’avec les luttes civiles, toutes les formes de dépravation se répandirent en Grèce « . « La Guerre du Péloponnèse« , Thucydide, écrit cinq siècles avant notre ère.
Comment expliquer la recrudescence d’actes antireligieux, en particulier ceux commis envers les lieux de cultes chrétiens ?
Analogue problématique : un pouvoir libéral-libertaire délaisse une jeunesse déboussolée. Fascinés par le morbide, le sanguinaire, certains jeunes forment de micro-sectes satanistes, animalistes, etc. L’ordre social – la criminologie dit « incapacitation générale », retient d’usage ces agités de passer à l’acte. Mais comme nul n’est plus puni de ses méfaits -sauf les Gilets Jaunes, férocement réprimés – ce passage à l’acte s’opère sans peine. L' »incapacitation générale » est aisée à comprendre : je volerais bien au supermarché, mais la crainte du vigile… la conduite au poste… mes parents humiliés devant m’y chercher… mon avenir compromis… sont les freins empêchant d’usage le citoyen juvénile de passer à l’acte. Maintenant, si le vigile regarde ailleurs… si le poste de police a flambé… si les parents s’en fichent et si l’avenir est bouché – plus de freins, plus de crainte.
De là à incendier une école ou saccager une église, il n’y a plus loin. ■
Xavier Raufer
Docteur en géopolitique et criminologue.
Il enseigne dans les universités Panthéon-Assas (Paris II), George Mason (Washington DC) et Université de Sciences politiques et de droit (Pékin)
Les analyses de Monsieur RAUFER sont toujours aussi pertinentes . Hélas, ce qui était facilement prévisible se déroule devant nos yeux !
Ce Gouvernement ne fera rien pour lutter contre cette délinquance des « Jeunes », qui lui sert admirablement à pourrir le quotidien des
Français qui ne sont rien dans une Gare …