Par Olivier Perceval.
Nous serions enfin libres, car le droit au blasphème est officiellement établi.
Il est autorisé d’insulter une religion et ses symboles, mais il est interdit d’en insulter les membres. A titre d’exemple, quand Brigitte Bardot, ancienne actrice française, écrit à propos des musulmans qu’ils « détruisent la France », elle est poursuivie par la justice. En revanche, quand l’auteur Michel Houellebecq qualifie l’Islam de « religion stupide », il est acquitté.
Du coup, il en est de même pour l’Église, Jésus et Marie. Ils peuvent être insultés de la pire manière qui soit, mais les chrétiens en tant que peuple ne peuvent être mis en cause.
Détail : l’Église (ecclésia) est l’assemblée des croyants ; Jésus en est la tête mystique et Marie en est la mère. Dès lors, à chaque fois qu’ils sont insultés, c’est le peuple des chrétiens qui est insulté solidairement.
Cela dépasse semble-t-il l’entendement des journalistes et de l’appareil judiciaire…
Mais sur fond d’affaire Mila. Il s’agit, au-delà de la liberté d’expression, de prendre en compte le fait musulman en France. Depuis le temps que l’on traîne l’Église catholique dans la boue et que les laïcistes pratiquants dénoncent les protestations timides, voire les poursuites qui n’aboutissent jamais comme autant d’atteintes intolérables à la liberté d‘expression, comparées à la réaction des islamistes au bataclan, il y a une nuance qui ne semble pas effleurer les pourfendeurs des religions. Pour le coup, on pourrait s’écrier : « Pas d’amalgame ». Les menaces de morts contre une adolescente ne sont pas le fait de terroristes, mais d’autres adolescents qui font la loi dans les établissements de l’éducation nationale.
Mais si le blasphème est autorisé dans notre société dans le cadre de la législation en faveur de la liberté d’expression, il existe néanmoins la notion d’incitation à la haine en fonction de la race :
« La loi loi de 1881 abolit le délit de blasphème. Néanmoins, en juillet 1972, des limites à la liberté d’expression surviennent avec la loi Pleven, du nom du ministre l’ayant portée, qui vient amender la loi de 1881. La loi – et notamment ses articles 24 et 32 – sanctionne le racisme, qui n’est dès lors plus considéré comme une opinion. L’insulte, la diffamation et l’incitation à la haine, à la violence ou à la discrimination fondées sur la race, l’ethnie, la nation ou la religion sont interdites.
A quoi on ajoutera plus tard l’orientation sexuelle.
Par exemple si je dis : « je n’aime pas les pédés » je tombe sous le coup de la loi. En gros, c’est une nouvelle forme de blasphème laïque strictement interdite et n’ayant rien à voir avec l’exercice de la liberté d’expression. Que la rédaction de Charlie Hebdo fasse bien attention, on peut tout dire, mais pas ça.
Mais si je dis : « la sodomie me fait gerber » là, en toute logique, j’ai le droit car cela ne vise pas les homosexuels, mais leur seule pratique.
Le problème avec la disparition progressive des conventions régissant le lien social, de la hiérarchie des valeurs partagées peu ou prou, d’une certaine verticalité et d’un sens du sacré réduisant à minima les quelques notions de politesse encore existantes, il devient assez fréquent pour les croyants de supporter des propos outranciers et des agissements provocateurs à l’excès.
Aujourd’hui, avec la multiplication des minorités victimaires, on assiste à la fois à l’autorisation du blasphème et à l’interdiction de critiquer des « communautés » tandis que ce qui s’inscrit dans l’histoire, comme l’Islam et la chrétienté peut être battu comme plâtre. (Surtout la chrétienté).
Il s’agit là d’une belle hypocrisie qui désigne accessoirement les bons et les méchants. Clairement il faut évidemment condamner et réprimer sans ambiguïtés, les violences, meurtres et menaces proférés par les fanatiques se sentant humilié. Mais cela n’empêche pas que l’on puisse se sentir réellement humilié et blessé sans être pour autant fanatique. La loi, au nom de la non-reconnaissance du blasphème ne peut plus constituer un recours, avec le risque que certains en déduisent qu’ils doivent faire justice eux-mêmes.
Pour couronner le tout, les discussions autour de la proposition de loi dite Avia remettent une pièce dans le juke box : Elle est destinée notamment à faire retirer sous 24 h tout propos « haineux » sur le net. Or, la haine ne constitue pas en elle-même une infraction dans le droit français au moins. Qui décrétera qu’un blasphème n’est pas un propos haineux ? Ou à l’inverse qu’un propos haineux n’est pas un blasphème ?
Par ailleurs est-ce au nom du droit au blasphème, que les médias et les pouvoirs publics jettent un voile discret sur la profanation des églises et des cimetières qui ont décuplé ces dernières années en France ?
Est-ce au nom du droit au blasphème que l’on cache au public la violence génocidaire dont sont victime les chrétiens d’Orient notamment ?
Ce qui est certain, c’est que ce n’est pas au nom de la liberté d’expression.
L’analyse objective ne serait-elle pas de conclure que le blasphème d’autrefois (essentiellement contre Dieu donc) est autorisé mais que le nouveau blasphème (contre les minorités émergentes) est lui interdit ?
Tartuffe est bien éternel !… ■