Par Olivier Perceval.
Il est intéressant de voir à quel point l’« affaire Griveaux » provoque un séisme, non seulement dans le monde politique, mais aussi dans le monde médiatique.
« Mais puisqu’on vous dit que, dans le domaine privé, n’importe qui peut faire n’importe quoi, n’importe comment ! » Telle pourrait être la teneur générale des propos sur les plateaux télé, fusse-t-on président du sénat, ministre ou candidat aux municipales…
Il est vrai que les pantalonnades élyséennes ou ministérielles ne datent pas d’hier, et que les vieux et moins vieux caciques ont émaillé de leurs prouesses extraconjugales,les républiques qui se sont succédé. Élisabeth Lévy y voit une dimension romanesque de la vie publique avec ses alcôves. L’honnêteté oblige à dire que les rois ne se sont pas privés de quelques maîtresses. Nous pouvons toutefois noter qu’ils les assumaient sans complexes.
En l’espèce, tout de même, envoyer une vidéo de ses parties intimes par téléphone, alors qu’on est porte-parole du gouvernement, comme attitude romanesque, il y a mieux. Cela fait plutôt songer à un comportement adolescent…
Quoi qu’il en soit, il fut un temps ou les comportements privés étaient soumis, plus particulièrement en province, à ce que les sociologues appellent « le contrôle social, ». Pour y échapper, les notables d’alors effectuaient des séjours à Paris pour s’encanailler dans l’anonymat de la capitale. « Pas vu, pas pris », résumé de la morale bourgeoise » mais chacun savait les risques encourus…
Plus le village (ou le quartier) était petit et plus les habitants cohabitant dans une grande proximité connaissaient les faits et gestes de chacun, ce qui donnait lieu parfois à des affaires de cloche merle qui ont fait le pain (béni ?) de nombreux auteurs de Balzac à Chabrol. Si le contrôle social pouvait être difficile à supporter pour quelqu’un souhaitant un peu plus d’anonymat, il avait l’avantage aussi de faciliter une plus grande solidarité, car connaissant les malheurs des autres, on se sentait concerné et obligé de les prendre en compte.
Aujourd’hui, nous assistons à la renaissance d’une forme de contrôle social à travers les réseaux sociaux, à la différence notable quand même que les informations personnelles que l’on livre en pâture à nos amis FB sont le plus souvent de notre seule responsabilité.
« Vu et pris ! » : Benjamin Griveaux s’inscrit dans la lignée glorieuse des Felix Faure ou Joseph Caillaux ! Rien de nouveau sous le soleil… L’affaire sort fort opportunément mettant fin à une campagne municipale aux débuts déjà chaotiques. Bien sûr, comme l’auteur du forfait de publication est un réfugié (anti-régime) russe, déjà se profile l’ombre maléfique de Poutine qui ne fait rien que nous embêter (et c’est nous que l’on traite de complotistes !)
Ce qui laisse perplexe, c’est le chœur des vierges mediatico-politiques scandalisées à l’idée qu’il puisse y avoir un jugement moral après la publication de cette imprudente correspondance. La démocratie serait en danger sous prétexte que quelqu’un aurait soulevé le coin du tapis ? Autrement dit,le tabou absolu c’est la morale.
Pour résumer, on peut absolument tout faire dans le privé du moment que c’est légal.
Puisque tout est permis, en quoi est-il gênant de le rendre public ?
Sans doute parce qu’il existe un sens commun, et que les débordements les plus sordides dans lesquels quelques élites se complaisent, ne donnent pas nécessairement une image « romanesque » de cette petite société arrogante. L’électeur (car il faut bien en passer par lui) est encore capable d’être choqué, quoique sécularisé. Il faut donc lui expliquer qu’il a tort et que la morale est hors de propos. Mais qu’est-ce que la morale ? Le Larousse nous dit que c’est « l’ensemble des règles de conduite, considérées comme bonnes de façon absolue ou découlant d’une certaine conception de la vie » A qui veut-on faire croire que l’électeur dans le secret de l’isoloir va voter en faisant abstraction de ce qu’il est, de son histoire, de sa culture ?
Certes, la morale peut changer selon le temps ou le lieu ! Hippocrate peut écrire au IVe siècle avant JC dans son fameux serment « Je ne remettrai à aucune femme un pessaire abortif » ; Matzneff peut écrire à la fin du XXe siècle ce qu’il ne peut plus écrire au XXIe et aujourd’hui Desproges ou Coluche n’écriraient plus les mêmes sketches … Pour autant, toute société s’interroge sur la morale et trouve un consensus qui lui permet de vivre ensemble… Et si ce consensus n’est pas trouvé, c’est bien la nation (et pas forcément la démocratie) qui est en difficulté.
Tous les éditorialistes, à la presque unanimité, disent que Griveaux n’aurait pas dû démissionner de son rôle de candidat mal engagé, mais assumer cette information devant la face du monde. A l’heure des « coming out » de toutes sortes, il s’agit pour tous ces gens-là de plaider leur propre cause privée qui pourrait un jour devenir publique. N’y aurait-il pas un vent de panique sous couvert d’indignation ?
Peut-être, qu’au-delà de la seule légalité, il y a encore en vigueur dans notre société, simplement des codes, hérités de notre culture judéo-chrétienne : Ceux-ci ont la vie dure et relèvent tout simplement de la « morale », mot devenu imprononçable, tant il évoque autre chose que la seule contrainte de l’état de droit. Il fait appel à un vieux concept ancré au fond de chacun de nous et qui s’appelle la conscience. ■
Un homme ou une femme politique doivent être irréprochables ,également dans leur vie privée
Ne pas l admettre c est laisser la porte ouverte à toutes les dérives
» Et tout finira dans la canaille » Nietzsche
J’avoue la plus grande méfiance pour ce terrorisme de la Transparence propagé par le puritanisme parpaillot directement importé des USA, dont la pitoyable affaire Monica Lewinsky fut en son temps la plus parfaite illustration.
On peut totalement être reprochable » dans la vie privée ; c’est une question de « vie privée », précisément ; mais il ne faut ni se ridiculiser dans l’étalage de ses petites manies, ni, surtout se poser en parangon des vertus familiales.
Je me fiche bienb que nos puissants soient de francs coquins ou coureurs de jupoins (ou de jaquettes) ; Henri IV était une sorte de DSK, le Régent ou Louis XV ont montré l’exemple de la débauche, et tutti quanti. Et alors ? C’est une affaire entre Dieu et eux.
De la même façon, je me tape bien que Mazarin s’en soit mis plein les poches : il a rempli aussi celle de l’État.
Cessons le moralisme ! Ce qui arrive à Griveaux est simplement très rigolo, mais en aucun cas une affaire grave : il n’avait qu’à ne pas se laisser prendre ; c’est ça, et seulement ça qu’on peut lui reprocher.
Absolument d’accord avec Jean ; un homme marié et père de famille se doit d’être irréprochable dans sa vie privée.
Réponse:
Oui tout à fait d’accord , les gestionnaires ont la possibilité de faire de grands écarts; que le simple « citoyen » ne peut même pas envisager. Mais quant on utilise les outils numériques, il faut bien se douter que la planète humaine y aura accès. Ce que j’écris ici ne s’effacera plus.
Donc ce n’est pas ( rigolo), c’est au contraire un manque d’intelligence très grave, puisque ce n’est pas digne d’un élève du primaire . Nous ne sommes plus dans l’anecdote, dans le dérapage privé ou public de la personne; nous sommes au sommet de la sottise. Prétendre devenir maire de Paris et réaliser une telle bêtise, ce n’est pas le puritanisme qui prévaut, mais le manque de hauteur d’esprit du prétendant politique.En d’autres termes, c’est un sot. Rassurez vous il n’est pas le seul. (Sot origine celtique, sans esprit.)
Le pire c’est que notre population Française désigne ces gens pour le pouvoir, il est bien connu que nous aimons les « soties » . (farce satirique du XIV°)
Nous touchons là, le fond du problème (politique) contemporain. Les futures élections (soties) présidentielles semblent se traduire par un face à face comme la dernière fois. Une majorité accepte largement les idées du RN mais ne votera pas pour. N’est ce pas le moment historique tant attendu, pour mettre en place des gens intelligents.
Oui les rois ont fait la France; nos petits esprits républicains la démolissent; et là le dieu des hommes , le dieu de l’esprit n’y est pour rien. Il faut rester digne car les accusations sur le dérapage des actions privés peut nous conduire à une soumission de la pensée; et ils y en a qui n’attendent que ça…