Très déçus par la dernière émission de Canal Académie, avec Dickès interrogé par Damien Le Guay. Le sujet était alléchant (Jacques Bainville, l’historien oublié, de l’Académie française… – Le « Bouquin » établi par Christophe Dickès, fait redécouvrir Bainville (1879-1936) et le propos de Dickès, comme d’habitude, fort louable : aider à la redécouverte de cet auteur majeur. Tout simplement.
D’où vient, donc, le problème ? De l’insistance de Damien Le Guay, qui vire carrément à la lourdeur, et même parfois à la lourdeur vraiment très lourde : il semble bien – en tout cas, c’est l’impression qu’il donne… – que le but principal de Le Guay dans cette émission est de découpler, en quelque sorte, Bainville et Maurras, Bainville et Daudet, Bainville et l’AF etc…
Le bouquin, qui, lui, n’y est pour rien, reste évidemment à lire et à faire lire… Dans ses 1152 pages, et pour ses 30 euros, il offre – entre autres… – Bismarck, L’Histoire de deux peuples, Les conséquences politiques de la paix, les Contes, des Lettres et des articles (sur Dreyfus, sur le naufrage du Titanic…). Du bon boulot….
Dans le genrerassurez-moi, ma bonne dame, car j’ai si peur, Damien Le Guay y revient cinq ou si fois, avec de gros sabots : vous êtes sûr, Dickès, c’est bien vrai, Bainville n’était pas raciste, comme l’Action française ? pas antisémite, comme l’Action française et Daudet ? pas pour « violence et coups de poings », comme l’Action française ? pas pour les « attaques ad hominem », comme l’Action française ? : n’en jetez plus…. le prochain stade, c’est l’obsession !
Damien Le Guay fait un peu comme Alain-Gérard Slama, à qui nous avons répondu en son temps à la suite d’un de ses articles dans Le Figaro Magazine ( M. le Maudit…. ) : lui qui est si effrayé du « racisme » de l’Action française, alors qu’il est bien clair et net que l’Action française n’a jamais été « raciste », ni écrit la moindre ligne « raciste » – c’est le contraire qui est vrai…; lui qui est si effrayé de l’antisémitisme de l’AF – mais, à l’époque, l’antisémitisme était partout et transcendait allègrement les clivages politiques… – ; Damien Le Guay, donc, ne semble pas être gêné du tout que Voltaire, joyeusement raciste, lui, et furieusement antisémite soit panthéonisé et considéré comme l’une des gloires officielles du Système établi ! Mais comment des personnes intelligentes, cultivées, raisonnables peuvent-elles tomber dans des panneaux pareils ?…..
Le Guay en fait tellement trop qu’à un moment, même le ce jour-là bien peu combatif Dickès remet les pendules à l’heure en lui rappelant, tout de même, « la violence verbale de Zola ou de Clémenceau »….
La vérité toute simple est que, en réalité, si l’Action française a eu des torts et des travers, c’est aussi toute l’époque qui était comme ça; la polémique était partout, et ça cognait dur dans tous les coins et de tous les côtés. Ce n’était peut-être pas terrible – vu d’aujourd’hui… – mais c’était comme ça, et partout : pourquoi le reprocher à la seule Action française ? Aux seuls Daudet et Maurras ? Damien Le Guay s’imaginerait-il, qu’à l’époque, la vie politique française était une aimable volière, peuplée de doux et gentils rossignols au chant mélodieux, où seuls deux monstrueux personnages, Maurras et Daudet, bien sûr, étaient de gros mal élevés ?
« Bainville était le trait d’union entre l’AF et le monde extérieur »; il alliait « le style d’un Voltaire » et « le moralisme d’un La Fontaine »; son Histoire de France fut traduite en neuf langues et elle eut – en plus de la France – un très grand succès… dans l’Allemagne nazie où, « par opposition » comme le fait remarquer finement Dickès, Hitler fit acheter – et lire – par des dizaines de milliers de personnes les livres de ce français hostile à ses visées…: tout cela est juste, et bel et bon.
Il est dommage que ce soit en quelque sorte noyé dans une émission dont la tonalité d’ensemble vise plutôt à critiquer « les outrances de l’Action française » (il avait mangé du lion, ce jour-là, Damien Le Guay ?…..) et à vouloir à tour prix séparer Bainville de Maurras, de Daudet, de l’AF. Si Bainville l’avait voulu, il serait parti, tout simplement, comme tant d’autres qui se sont éloignés, ou ont fait scission : jusqu’au bout, il est resté. Et il a rédigé son article quotidien à sa table de travail, au siège du journal L’Action française, bureau qu’il partageait avec… Léon Daudet !
Osons une objection à la fureur anti-AF du Le Guay de ce jour-là : et si, au contraire de tout ce qu’il a voulu nous dire ce triste jour-là, cette différence qu’il note entre Bainville et Daudet, Bainville et l’AF etc… – différence qu’il note comme tout le monde, d’ailleurs, puisqu’elle est bien vraie, et bien connue de tous, et depuis toujours : ce n’est vraiment pas un scoop !… -. Si, donc, cette différence était à mettre, au contraire, à l’actif de l’AF et de l’esprit qui y régnait ? Que trois personnalités aussi différentes que Maurras, Daudet et Bainville soient restées ensemble toute leur vie : et si c’était, Damien Le Guay, une preuve de l’extraordinaire amitié d’AF, fondée sur l’esprit, pratiquée par ces trois personnes, qu’en effet, tout opposait ?…..
L’Action française ne fut pas sans défauts ? Certes ! Que les mouvements, partis, orateurs, dirigeants et autres… sans défauts et sans reproches lui jettent la première pierre…
Mais, d’avoir réussi ce tour de force de réunir ces trois talents, toute leur vie durant – et dont on pourrait dire, en reprenant La Fontaine, « leurs trois talents ne formaient qu’un esprit / dont le bel art réjouissait la France… » – n’est-ce pas, à proprement parler, une sorte de petit miracle, qui doit être porté à son crédit ?
Marc Vergier sur Histoire ▬ Le 23 novembre 1944…
“Question : Est-ce lui que Charles de Gaulle, à qui il venait proposer sa collaboration, a…”