Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
Mardi 3 novembre au matin, alors même que, bien entendu, on ne savait encore rien de ce qui allait se passer aux Etats-Unis, JSF titrait sagement : « Avec ou sans Trump, le vent a tourné. Il souffle désormais dans la direction des peuples qui ne veulent pas mourir ».
Fascinés par les Etats-Unis d’Amérique et obnubilés par ce qui s’y passe, la quasi totalité des commentateurs français de l’élection qui vient de porter M. Biden à la Maison Blanche avaient bien entendu choisi le candidat démocrate. Sur la foi des sondages, une (très) large majorité d’entre eux prévoyai(en)t non seulement la victoire de M. Biden mais, emportés par leur passion et surtout prisonniers de leur grille de lecture idéologique, ils n’en finissaient plus de claironner pourquoi, et c’était à leurs yeux le plus important, ce serait une victoire fondée sur un plébiscite anti-Trump et la fantasmatique « vague bleue » dont ils nous ont rebattu les oreilles.
Or, dès le 4 novembre et sans vergogne aucune, les mêmes ont commencé à nous expliquer pourquoi il y avait eu erreur sur ce point jusqu’au 3 novembre. Mme Shalmani le reconnaissait avec candeur et une grande exactitude dans le choix des mots : « Nous avons tout faux » (« 24h Pujadas » du 4 novembre sur LCI). M. Legrand le reconnaissait plus piteusement sur France Inter le jeudi 5 : « Tous les démocrates (au sens partisans de la démocratie libérale) espéraient non pas seulement une victoire de Joe Biden mais le premier signe tangible du reflux de la vague mondiale de populisme. Ce n’est donc pas la fin du populisme. » JSF avait déjà titré le 4 au matin : « Sondeurs, médias et démocrates dépités cette nuit : quoi qu’il en soit du résultat final, la vague bleue n’a pas eu lieu en Amérique ».
La presse française dite d’information (écrite et/ou radio-télévisée, presse publique non seulement incluse mais surtout la plus virulente – à nos frais, rappelons-le) a donc, sauf quelques exceptions, lamentablement failli. Le vrai est que, si M. Trump a été battu, le « trumpisme » est toujours bien vivant puisque le nombre des suffrages obtenus par le président-candidat progresse en pourcentage mais surtout considérablement par rapport à 2016 en nombre de voix, de soixante-trois à près de soixante-et-onze millions, M. Trump dépassant ainsi lui aussi le record établi par M. Obama en 2008 : preuve qu’il a non seulement conservé et conforté son électorat mais attiré à lui de très nombreux électeurs improbables issus de certaines « communautés » (beaucoup d’ « hispaniques » et même des Noir(e)s !). Voilà qui remet en cause toutes les analyses foireuses de la pensée unique à la française.
Les fondamentaux du trumpisme (crise identitaire des Américains blancs, colère face à une mondialisation génératrice d’inégalités, manque de confiance dans l’ » establishment ») nous rappellent, peu ou prou, ceux de nos gilets jaunes. Il n’est dès lors pas anodin que dans les débats médiatiques de l’après 4 novembre, la dénomination de « national-populisme » ait (re)fait son apparition, dénomination qui permet à nos maîtres-à-penser de parfaitement cibler et stigmatiser l’ennemi de ce côté-ci de l’Atlantique. Sont ainsi visés tous ceux qui manifestent de la défiance, voire de l’hostilité à la presse, à la justice, aux « sachants », aux politiciens, aux corps intermédiaires, etc. – ce qui fait quand même en Europe pas mal de gens. Des gens dont un esprit libre et surtout intellectuellement honnête peut comprendre la réaction sans pour autant partager la totalité de leurs sentiments et convictions. Nos journalistes ne sont sans doute pas les plus bêtes du monde mais trop d’entre eux se vautrent dans l’idéologie dominante dont ils ne sont que les serviteurs zélés. ■
* Agrégé de Lettres Modernes.
Retrouvez les Lundis précédents de Louis-Joseph Delanglade.
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source
Au-delà ou en-deçà de la bêtise justement relevée ici, il faut considérer que le journalisme tend de plus en plus à fabriquer l’information. Non pas dans le sens d’un faux-monnayage (qui peut marginalement exister) mais à cultiver, à produire, à élever l’information. Ces termes, à dessein, évoquent l’évolution de l’humanité depuis les chasseurs-cueilleurs jusqu’à la maîtrise complète de notre approvisionnement. Le journalisme chasseur-cueilleur, le vrai, avec ses inévitables alternances de disette et de trop-plein est incompatible avec l’industrie télévisuelle. Alors une large partie de l’information est fabriquée, les journaux ressemblant de plus en plus aux séries, variétés, documentaires, etc. Considérez la place du sport dans l’information : à date fixe, chaque semaine, chaque année une récolte de gros titres et d’anecdotes assurées. De même, les salons, les soldes, les prix littéraires, les césars et molières en fer blanc, etc. La bourse et les statistiques, des « marrons » quotidiens ! les sondages dont il est question dans ce Lundi sont l’une de ces grandes réussites : à volonté, quelque chose de noble à dire et à commenter, l’aura magique du présentateur et des experts entretenue à flot continu…. mieux encore, les sondages (tous fabriqués, au sens propre, dans des « instituts ». Pourquoi ces instituts ? pourquoi pas des « académies » tant qu’on y est ?) ont une vertu performative, susceptible d’influencer l’électeur, donc de complaire aux puissants (qui eux aussi aimeraient « fabriquer » l’élection et échapper aux aléas). Le résultat est devant nos yeux: les journalistes vedettes et les puissants sont main dans la main, maîtres du jeu mais peu à peu coupés des réalités…Le peuple, lui, ouvre peu à peu les yeux.
A propos de l’élection américaine, j’ai entendu des journalistes rappeler leur « catéchisme », le même qu’en 1992 ( référendum), puis en 2005 et lors des présidentielles à propos des électeurs de JM ou M LE PEN, Gilets jaunes à savoir: cet électorat de petits Blancs, peu diplômés, ruraux. Ces gens là se croient sans doute intelligents alors qu’ils ne sont que militants politiques, SOciaux Démocrates ,Ouvertement Mondialistes ,Ecologistes ça donne : SODOME!!!!!!!!!!!!!
Excellent billet de Marc Vergier : il faut des palmarès, des sondages, des images. Les chaînes d’information en continu ne vivent que de l’événement et doivent donc le susciter ou mettre en valeur des insignifiances…
Dans un domaine dont je suis féru, le sport (en chambre et devant la télévision) la multiplication des compétitions n’a pas d’autre raison. On attend avec crainte le jour où le CIO envisagera d’organiser les JO tous les deux ans…
A Pierre Builly, le télé-sportif : Pouvez-vous m’expliquer pourquoi les journalistes ou commentateurs sportifs, à la télévision, continuent de faire de la radio, c’est à dire, ne cessent quasiment jamais de parler, s’y mettant quelquefois à deux, en alternance ou en binôme, ou plus encore. Compassion pour les aveugles ou logorrhée aigüe ? Protection de l’emploi ou m’as-tu-vu et-entendu-isme incontrôlable ? Envoyés dans un auditorium, on les imagine commentant la musique (audiodescription, pour les sourds, cette fois), dans une église, la messe (pour sourds, aveugles et musulmans). Et le public, comment supporte-il cette audiodescription obligatoire, ce bombardement de clichés aussi éculés que les chaussures d’un marathonien, cet étalage d’une érudition dérisoire. Je sais, avec la télécommande, on peut leur couper le sifflet, mais il n’y a qu’une télécommande et, souvent, plusieurs téléspectateurs; et la redevance, on continue à la payer! Pour moi qui persiste à regarder des films muets c’est une torture; et pour vous, cher Pierre Builly ?
Votre point de vue, Marc Vergier, est bien intéressant ; je partage avec vous l’aversion pour le flux inextinguible des propos qui digressent souvent à l’envi et sans pertinence là où le spectateur un peu averti des choses du sport télévisé pourrait fort bien se rendre compte par lui-même ; c’est le cas au football, sport aux règles simples ou au tennis, l’un et l’autre immédiatement compréhensibles.
Mais ce n’est pas le cas au rugby d’aujourd’hui ; je regarde les matches depuis 1959 et, jeune homme, je comprenais parfaitement tout, sans même l’aide de Roger Couderc ; mais depuis quarante ans les règles se sont tellement compliquées qu’il n’est pas mauvais qu’un spécialiste explique pourquoi l’arbitre a pris telle ou telle décision.
Puis dans des sports très techniques, judo ou escrime qu’on ne voit pas très souvent et qui ont souvent besoin d’être éclaicis ; ou dans une arrivée au sprint en cyclisme : je ne suis pas capable, dans les derniers hectomètres, de comprendre les stratégies des équipes de sprinters si on ne me les fait pas saisir.
Je n’ai besoin de personne en athlétisme, mon sport favori, mais je puis apprécier qu’un ancien athlète (Stéphane Diagana, par exemple) donne sa touche technique…
Vous voyez que rien n’est simple ! Cette intervention est assez incongrue dans les pages de JSF, mais vous m’avez interrogé : je réponds !
Vous appréciez les films muets ? Ah, diable ! Je ne connais de bon que « Le cuirassé Potemkine » mais ayant hérité un gros coffret Fritz Lang, je m’évertue à regarder sans bâiller « Mabuse », « Les Nibelungen », « Les espions », « La femme dans la lune » ; et le pire c’est que chaque film dure 4 heures !!