Le choc en retour, comme souvent dans l’Histoire, ne devait pas tarder: après les Français à Moscou ce furent les Russes (et les autres…) à Paris ! On en revient à Chateaubriand: « Quand on voit s’approcher le moment où nous allions être renfermés dans notre ancien territoire, on se demande à quoi donc avait servi le bouleversement de l’Europe et le massacre de tant de millions d’hommes. »(3).
Massacre inutile bien sûr, dans lequel, pacifique et heureuse sous Louis XVI, la France s’était lancée après avoir déclaré aux peuple de l’Europe, qui l’admiraient tant, une guerre aussi inutile qu’inattendue; une guerre dans laquelle elle devait s’épuiser, perdre son bien le plus précieux -sa jeunesse- et dresser contre elle ses voisins; une guerre folle dont la révolution porte seule la responsabilité, et dont le seul résultat tangible fut de mettre pendant quinze ans tout un continent à feu et à sang; avec, pour finir, une France plus petite et moins peuplée, sous le double effet de la perte de territoires et des pertes militaires (4): comment l’héritier, le continuateur et « le sabre » de la révolution aurait-il pu, en effet, revenir sur ce qui était au coeur même de cette révolution: une déclaration de « guerre idéologique » à l’Europe d’avant ce que les révolutionnaires considéraient officiellement comme « L’An Un » de la nouvelle ère?
Et tout cela parce qu’un jour, une poignée d’idéologues a voulu refaire le monde -ce qui n’est pas illégitime…- mais, persuadée d’avoir inventé « le » système politique parfait s’est crue elle aussi parfaite, comme le système qu’elle avait inventé; et a donc prétendu imposer ses rêveries à la France et au monde -ce qui est, pour le coup, parfaitement illégitime…-; en fondant au passage le Totalitarisme moderne, en perpétrant le premier génocide des Temps Modernes, et en déchaînant des torrents de haine qui sont directement à l’une des sources du racisme moderne!….
En parodiant Céline, on pourrait peut-être lui emprunter en quelque sorte un « mot de la fin », un rien désabusé, sur cette épisode napoléonien en particulier, mais aussi sur cet épisode replacé dans son ensemble, dont il n’est qu’un des éléments, à savoir la Révolution Française: « Voyage au bout de la nuit… de la dé-raison héritée de la Raison »
Mais de ces « nuées » meurtrières et guerrières nous ne sommes pas encore revenus. Aujourd’hui encore, l’Occident démocratique et droits-de-l’hommiste, la France en tête, entend exporter et imposer son « système » au monde entier. Il se croit fondé à faire la morale aux uns et aux autres, à s’ingérer dans leurs affaires, au besoin à leur faire la guerre. Croit-on que nous n’en aurons pas les conséquences et que les fruits empoisonnés d’hier céderont la place à des jours roses, des jours idylliques ? La sagesse serait d’en douter, de nous occuper d’abord de nous-mêmes, de laisser les autres à leurs affaires. Le monde n’en serait pas moins pacifique … Il le serait même davantage…
(3): « Mémoires d’Outre-Tombe » La Pléiade, Tome 1, page 847.
(4): 1.500.000 morts à la guerre, et 500.000 français perdus avec les villes forteresses de Philippeville et Marienbourg (cédées toutes deux à Louis XIV en 1659) et Bouillon (la ville de Godefroy!), actuellement en Belgique; les villes de la Sarre, aujourd’hui allemandes (Sarrelouis, fondée par Louis XIV en 1681 et Sarrebrück); Landau, aujourd’hui dans le Palatinat, mais qui fit longtemps partie de la décapole alsacienne (ville française depuis 1648!); Versoix, sur la rive nord du Léman, et une partie du pays de Gex, français depuis Henri IV, aujourd’hui en Suisse; il est à noter que ce n’est pas en 1814, où la France fut simplement ramenée à ses frontières d’avant la Révolution, mais après les « Cent Jours » que ces territoires nous furent enlevés (avec, en prime, une occupation de trois ans et une « amende »de 700 millions de francs!): dernier mauvais coup porté à la France par l’orgueil mégalomaniaque de Napoléon…
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