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Encore une fois, l’on n’est pas obligé de partager tous les engagements de Gilles-William Golnadel. Il n’empêche, il assène régulièrement avec lucidité, vigueur et courage un grand nombre de vérités qui portent et sont fort utiles dans le débat public. En l’occurrence, il constate à bon droit que le gouvernement a fait preuve d’irresponsabilité en écartant le recours aux frontières nationales face à la propagation de la pandémie. Il expose que cette mesure pourtant nécessaire est entravée par un inconscient occidental qui n’a que trop duré. On ne peut que l’approuver. [FigaroVox 16 mars]
« Cette allergie urticante à la protection de la frontière-barrière est d’origine psychosomatique. Elle interdit la protection de l’infection comme de l’invasion.»
Avant que d’aborder la nécessaire réflexion à laquelle je tiens sur cette idéologie inconsciente qui nous prive de la protection des frontières nationales, une phrase de précaution.
Je suis légitimiste et légaliste jusqu’au bout de l’esprit. J’ai suffisamment enduré de reproches lors de la crise des «gilets jaunes» pour lesquels j’éprouvais de la sympathie jusqu’à ce qu’ils franchissent la ligne jaune de l’illégalité violente, pour n’avoir pas beaucoup de gages à donner.
Ce président pour lequel je n’ai pas voté est le mien, et je respecterai les édits de son gouvernement, en cette période de crise exceptionnelle, à la lettre et sans discuter.
Ceci posé fermement, je ne compte pas renoncer à mon esprit critique sur un sujet que je considère comme existentiel, et si je ne le fais pas maintenant, les fruits amers de ma réflexion seront gâtés et bons pour les déchets.
Lorsqu’au début de la crise en Chine, diverses voix, d’Éric Ciotti à Marine Le Pen en passant par Nicolas Dupont- Aignan se sont fait entendre pour réclamer des mesures prophylactiques passant par la mise en place de mesures de blocage ou de contrôle renforcé aux frontières aériennes et terrestres nationales, immédiatement, la pensée convenue s’est mise à rire jaune ou à rugir rouge.
Les rugissants taxaient ces propositions d’opportunistes voire de populistes.
Les rieurs ressortaient de la naphtaline caustique le nuage de Tchernobyl.
Ces crétins de la droite extrême, disaient-ils, ces fabricants stupides d’une nouvelle ligne Maginot fantasmatique ignoraient donc que l’on n’arrêtait pas un virus avec un douanier!
C’est une grande spécialité de l’idéologie médiatique gauchisante de reprocher à l’adversaire d’instrumentaliser cyniquement un problème ou de «jouer sur les peurs fantasmées».
Avant-hier c’était l’insécurité imaginaire. Hier le terrorisme islamique et les migrants. Aujourd’hui un virus. Comme si la gauche s’interdisait d’évoquer le chômage, la misère ou plus dernièrement les attentats suprémacistes blancs en Allemagne ou aux États-Unis.
La réalité, si elle n’était obscurcie par la mauvaise foi (que l’on retrouve dans tous les camps) fait qu’il est compréhensible de prendre à témoin les événements factuels pour en tirer des arguments intellectuels et tout aussi légitime, idéologie ou non, de préconiser des mesures conformes à ses idées.
Si effectivement les mesures préconisées par la droite décomplexée reflétaient ses préoccupations idéologiques sur la nécessité générale de frontières nationales protectrices, inversement les objections courroucées de ses adversaires trahissaient leur multiculturalisme internationaliste qu’ils ont bien le droit de professer pour autant qu’ils le confessent.
Réponse à présent aux esprits forts qui prétendaient que les mesures prophylactiques aux frontières n’étaient, étrangement, pas des «mesures barrières».
En préambule, et pour répondre à l’objection ironique du nuage de Tchernobyl, il suffit d’observer que le virus, pour circuler convenablement, contrairement à la pollution nucléaire, a besoin d’un facteur humain et que celui-ci est porteur de l’infection mais aussi d’un passeport. C’est bien parce que le facteur humain est primordial qu’aujourd’hui le confinement est maximal.
On remarquera d’abord, sans en être surpris, que l’esprit critique intérieur semble suspendu, alors qu’on observera que le président honni des États-Unis, à l’extérieur, n’est pas médiatiquement épargné. C’est ainsi, par exemple, qu’il y a quelques jours notre quotidien vespéral avait couvert d’opprobre et de sarcasmes l’Amérique de Trump pour avoir pris des mesures considérées comme inutiles et néfastes concernant ses frontières.
Le Monde est étrangement aujourd’hui plus mesuré s’agissant de l’Europe.
On remarquera surtout que de très nombreux pays qui ne sont pas considérés comme beaucoup moins intelligents que le nôtre, qui est évidemment le plus sensé du monde, ont eu recours à la mesure barrière de la frontière nationale.
C’est ainsi par exemple que la Nouvelle-Zélande, Israël, Singapour, Taïwan, le Maroc et à présent de nombreux pays européens dont la Pologne, l’Autriche et la Slovénie y ont recours. La Turquie du sultan Erdogan a su protéger le sujet ottoman du danger viral venant d’Iran.
Quant à l’Allemagne, elle vient de décider la fermeture de ses frontières avec la Suisse , l’Autriche et la France mal en point.
On remarquera enfin que dans son allocution télévisée de jeudi soir dernier – autant dire un siècle -notre président de la République européiste et antinationaliste avait préconisé la protection des frontières externes de l’Europe et n’avait pas non plus écarté totalement le recours aux frontières nationales.
Ceci en conséquence factuellement posé, l’esprit épris de logique pas forcément idéologique ne peut que se poser scientifiquement la question de savoir l’utilité, à J+20, d’utiliser les frontières externes du continent le plus infecté, alors qu’il eût été sans doute plus efficace de se protéger plus tôt nationalement des pays les plus contaminés.
S’il y a désormais plusieurs semaines, des avions n’étaient pas arrivés de Chine ou d’Iran, et si la frontière terrestre entre l’Italie et la France avait été fermée ou davantage surveillée, est-il vraiment impie de demander si notre pays n’aurait pas été bien mieux protégé?
Sans croire évidemment à la panacée universelle de cette solution partielle, cette réponse nationale aurait été adaptée. A fortiori, au regard de la stratégie attentiste et prudente de retardement adoptée théoriquement par notre gouvernement pour permettre au système hospitalier de faire face, au rebours de la stratégie britannique hardie et politiquement téméraire de contamination massive à fins immunitaires.
Un esprit chagrin et encore plus chagriné ne peut s’empêcher de penser que c’est l’idéologie sans frontières qui a empêché la prophylaxie par la barrière nationale. Et cette idéologie, tellement contagieuse et radicale qu’elle n’a pas épargné une partie du corps médical, puise en profondeur ses racines dans le surmoi tourmenté de l’inconscient occidental contemporain.
L’idée d’arrêter l’Autre, de suspecter, d’empêcher l’étranger de pénétrer est aujourd’hui encore plus difficile à transgresser socialement que le réflexe vital de se protéger ou que le sacro-saint «principe de précaution» appliqué à tort et à travers.
La frontière de l’État-nation occidental est un mot ordurier et de basse police. Le mur, une obscénité plus indécente que la nudité. Il n’est jusqu’à notre étrange mais si moderne pape qui se propose de l’abattre.
Cette allergie urticante à la protection de la frontière-barrière est d’origine psychosomatique. Elle interdit la protection de l’infection comme de l’invasion.
Un exemple parmi mille qui révèlent l’inconscient collectif de certains particuliers: tandis que notre ministre des transports déconseillait aux jeunes Français de se rendre en Lombardie contaminée, les supporters lombards étaient les bienvenus pour assister à un match de football en pays lyonnais.
Traduction de l’inconscient ministériel montrant l’inconséquence gouvernementale: tu ne dois pas entrer chez l’Autre, mais l’Autre peut entrer chez toi…
Preuve est ainsi faite que cette allergie urticante à la protection de la frontière-barrière est d’origine psychosomatique. Elle interdit la protection de l’infection comme de l’invasion. ■
Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Son récent ouvrage, Névroses Médiatiques. Le monde est devenu une foule déchaînée, est paru chez Plon.
La caractéristique de l’idéologie est qu’elle provoque la mort d’un nombre plus ou moins grand d’innocent selon sa virulence. L’idéologie européiste-mondialiste-droits de l’hommiste est certes encore molle comparée à ces glorieuses devancières, Lumières, républicano-terroriste, nazie, communiste dans ses formes soviètique, maoiste, castriste ou nord-coréenne , etc. mais si elle se sent menacée, ce qui est le cas aujourd’hui, elle risque de devenir féroce, comme ses devancières