Voici les réflexions que Jacques Bainville a notées dans son Journal, trois jours après la victoire de 1918. En quelques phrases courtes, il dit ce que devait être la suite du siècle qui, d’ailleurs s’étend, de façon frappante, jusqu’à notre aujourd’hui.
… l’Allemagne s’étendrait dans toute l’Europe centrale et sa masse écraserait le continent.
14 novembre 1918. — Quelques jours vont décider de la suite du siècle et dire si notre victoire aura des résultats durables ou si elle n’aura été qu’une victoire à la Pyrrhus.
Si la République allemande se stabilise, les héritiers de Bismarck en auront fait un État aussi redoutable que celui d’hier et dont nous supporterons désormais tout le poids, car il n’y aura plus désormais de Russie,
Il n’y aura plus même notre ancienne et décevante alliée ! Au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, l’Allemagne s’étendrait dans toute l’Europe centrale et sa masse écraserait le continent.
A l’aide de cet argument : « Nous sommes une démocratie, » elle prendrait une revanche de sa défaite.
Est-ce cela qu’on nous rapportera du Congrès ? Ce ne serait pas la peine d’aller à Versailles pour y faire triompher l’idée de Bismarck, – celle de l’unité allemande, — vêtue à la mode du siècle et rajeunie. ■
Jacques Bainville, Journal (1901-1918) publié chez Plon, en 1948