En ce jour où l’on emmène Otto de Habbourg dans la crypte des Capucins…..
A l’occasion de la Présidence française de l’Union Européenne en 2008, Otto de Habsbourg-Lorraine donnait une interview exclusive à KTO, le 1er juillet 2008 (52′). Ce fut l’un de ses derniers entretiens télévisés. Devenu à 66 ans député du Parlement Européen, après un parcours atypique, le fils de Charles Ier d’ Autriche, dernier empereur d’Autriche-Hongrie, s’était consacré pendant 20 ans à la construction européenne. Otto de Habsbourg est décédé le 4 juillet 2011 à l’âge de 98 ans : http://www.ktotv.com/videos-chretiennes/emissions/a_la_une/hors-serie-entretien-otto-de-habsbourg/00040158
Nous autres, Français, nous sommes longtemps battus contre les Habsbourgs. L’ignorer ou le nier serait également stupide. Ce long conflit, qui fut, d’une certaine façon, comme une sorte de préfiguration des deux grandes guerres civiles européennes du XXème siècle, dura bien deux cents ans. Commencé en pleine Renaissance – l’affrontement entre Charles Quint et François Premier… – il ne devait s’achever qu’au Grand siècle.
L’on vit alors un prodige d’intelligence politique et d’intuition féconde chez les monarques français, qui comprirent que la lutte séculaire venait de s’achever, et que l’ennemi d’hier, l’ennemi de deux siècles, devenait notre allié, contre le nouvel ennemi naissant : la Prusse. Ce fut la prodigieuse et brillantissime politique du renversement des alliances, menée par une monarchie française eclairée et progressiste, au véritable sens du terme.
Une intelligence politique qui ne fut ni comprise ni partagée par une Révolution ultra conservatrice sur ce point, et qui défit follement la sage politique royale parce qu’elle – la Révolution – raisonnait au passé prolongé…
A partir de la funeste Révolution, et si l’on excepte les trois règnes bénéfiques de Louis XVIII, Charles X et Louis-Philippe, les deux Napoléon – malgré le mariage autrichien du premier – et les trois Républiques s’obstineront, à l’encontre des intérêts les plus élémentaires et les plus évidents de la Nation française, dans une lutte stérile et suicidaire – pour nous – contre l’Empire d’Autriche, coupable aux yeux des révolutionnaires d’être à la fois royal et catholique. La simple observation de la politique -et des propos… – d’un Clémenceau est éclairante, à cet égard….
Avoir toujours joué la Prusse, via le principe des nationalités, contre l’Autriche, qui nous aidait à contrebalancer la formidable puissance germanique que nous avions nous-même contribués à créer, à partir du moment où l’on avait abandonné l’oeuvre de nos Rois, voilà la responsabilité terrible que portent les deux Empire et les trois premières Républiques….
Certes, après des années d’une politique impériale et républicaine française aberrante et erratique, l’Empire d’Autriche avait fini par être vassalisé par le géant germanique du Nord, que nos propres Nuées, depuis la Révolution, avaient favorisé. Même à ce moment-là, la dynastie des Habsbourgs a essayé – avec l’appui du Pape Benoît XV – de signer une paix séparée avec les Alliés. Cette paix aurait peut-être fait gagner un an de guerre, et plusieurs centaines de milliers de morts; elle aurait peut-être permis le maintien de la monarchie austro-hongroise; laquelle se serait inévitablement opposé, par la suite, à un Hitler naissant, pour qui les choses auraient été beaucoup plus compliquées s’il avait trouvé les Habsbourgs sur son chemin….
Peut-être, peut-être…
Il est clair qu’on ne le saura jamais, mais il est très probable que les choses auraient été différentes, et en notre faveur, si les conservateurs/revolutionnaires – et jusqu’en 1916, jusqu’à la fin, en ce qui concerne l’Empire des Habbourgs… – n’avaient pas fait passer leur anticléricalisme haineux avant l’intérêt national…..
Enfin, par-delà ces considération générales, et pour en revenir à la personne même d’Otto de Habsbourg, on retiendra plus particulièrement peut-être deux faits, qui nous concernent très directement, en tant que français et royalistes.
On rappellera d’abord qu’Otto de Habsbourg était le président du Mouvement pour le français langue européenne (C.I.F.L.E.), et qu’il en fut un président actif et intelligent. Il était, de fait, probablement mieux à même qu’une personnalité française, quelle qu’elle soit, de rappeler sans cesse que le français était la seule langue commune possible pour les européens, la seule pouvant garantir à l’Europe de ne pas être inféodée aux anglo-saxons. Mieux à même, et aussi plus crédible… : http://www.cifle.eu/
Quant à nous, royalistes, nous savons que l’archiduc était présent à Martigues, en 1968, pour honorer Charles Maurras, dans sa maison et dans son jardin, à l’occasion du centième anniversaire de sa naissance. Un avion entier de personnalités et d’Académiciens était venu, pour l’occasion, de Paris, à l’initiative de Jacques et Nicole Maurras, organisateurs de ces festivités. Otto de Habsbourg, au cours de cette soirée, a signé le Livre d’or de la maison…..
Son Altesse Impériale et Royale, l’Archiduc Otto était également le descendant des Ducs de Lorraine. Il a toujours témoigné d’une rare fidélité à notre région et à notre bonne ville de Nancy où son mariage fut célébré en 1951……et ses Noces d’Or en 1991.
Ses articles de géopolitique, publiés naguère par l’Est Républicain, exprimaient une rare hauteur de vue. Le colloque « Les Habsbourg et la Lorraine », organisé en mai 1987, avait été honoré de sa présence et restera un grand moment dans l’histoire de Nancy et de son Université.
Jean-Pierre Pister
Agrégé d’Histoire
Professeur de Chaire supérieure honoraire –Lycée H. Poincaré de Nancy
L’erreur est humaine. Dans mon précédent texte, il faut lire, naturellement, « 2001 » et non « 1991 ».
Jean-Pierre Pister
Agrégé d’Histoire
Professeur de Chaire supérieure honoraire –Lycée H. Poincaré de Nancy
Si Clémenceau ne manquait pas d’esprit, il était, hélas !, comme tant de nos politiciens actuels, dénués de toute vision à long terme et ne comprenait rien à la géostratégie. En somme, un besogneux de la politique au ras des pâquerettes.
Quant à l’archiduc Otto de Habsbourg, il était la vivante antithèse du « père la victoire ». Un homme de bien et un Européen modèle.