Que dire de l’effondrement continu de toutes les bourses mondiales, Paris en tête, que vous ne sachiez déjà ? Que nous n’ayons dit, déjà ?
Si vous y perdez de l’argent, nous compatissons. Mais nous n’ignorons pas qu’il subsiste aussi des possibilités d’en gagner ; que des « produits » financiers subtils le permettent, même si notre avis le plus clair est qu’à l’évidence, ils devraient être interdits.
Que certains gagnent et que la plupart perdent, au mieux virtuellement, à vrai dire, ce n’est pas notre souci.
Reconnaissons à Hilaire de Crémiers d’avoir, depuis longtemps, analysé, prévu, dans Politique Magazine et dans ses vidéos, ce qui se préparait, ce qui se produit aujourd’hui, qui devrait déboucher, comme, sans-doute, nous allons le vivre, sur une crise sociale et politique d’une extrême gravité. Reconnaissons, aussi, à Antoine de Crémiers, son cousin aixois, d’avoir décortiqué, expliqué, les fondements et les mécanismes de ce qui n’est pas, pour lui, une crise, par définition passagère, mais un effondrement, dans de brillantes conférences, à Aix et à Marseille. Deux d’entre elles, celles prononcées à Marseille, ont fait l’objet de vidéos mises en ligne, sur notre blog (vous pouvez les visionner en fin de note).
A vrai dire, comme le rappelait, il n’y a pas très longtemps, le défunt archiduc Otto de Habsbourg, fin politique et grand Européen, les plaies d’argent ne sont jamais mortelles et les peuples s’en remettent. L’effondrement financier auquel nous assistons reflète surtout l’effondrement moral, politique et social de nos pays anciennement développés. Et il affecte nos économies beaucoup plus profondément que s’il ne s’agissait que d’une crise de leurs mécanismes et de leur fonctionnement propres. Ce sont les bases morales, politiques et sociétales sur lesquelles toute activité économique se construit, ce sont ces bases dont elles ont besoin pour vivre et prospérer sainement, qui, aujourd’hui, se sont effondrées et lui font, consciemment ou non, défaut.
Qu’un certain monde – qui n’a « que des banques pour cathédrales » – puisse s’écrouler, non de notre fait, mais du sien propre, ne sera pas pour nous attrister vraiment, s’il devait en sortir un retournement de nos sociétés fatiguées de tant de désordres, au profit des idées, des pratiques et des principes qui fondent tout ordre véritable.
Nous l’avons déjà dit. Il n’est pas inutile, toutefois, de rappeler aux Français, comme à nos voisins Européens, que nous avons, dans notre Histoire, nos traditions, nos expériences politiques et sociales, notre culture, l’essentiel des exemples, des modèles, des principes qui pourraient nous permettre de reconstruire, enfin, des sociétés, naturellement nouvelles et modernes, qui correspondraient, toutefois, à l’esprit de notre tradition véritable, trahie par le monde actuel.
lafautearousseau
Voici , en deux parties, l’analyse qu’a faite Antoine de Crémiers de « la Crise », qui n’est pas une crise mais un effondrement, une fin : ces deux vidéos ont constitué les neuvième et dixième Cafés Actualités de lafautearousseau à Marseille…
Dixième Café, samedi 21 mai 2011 :
La mondialisation, Babel effondrée (deuxième partie, par Antoine de Crémiers)
Neuvième Café, samedi 9 avril 2011 :
La mondialisation, Babel effondrée (première partie, par Antoine de Crémiers)
C’est en fait à une triple crise que nous nous trouvons confrontés : crise du système capitaliste, crise de la mondialisation libérale, crise de l’hégémonie américaine.
L’explication la plus souvent avancée pour interpréter la crise actuelle est l’endettement des ménages américains. On oublie seulement de dire pourquoi ils se sont endettés. L’un des traits dominants est la complète domination des marchés financiers globalisés. Cette domination donne un pouvoir accru aux détenteurs du capital, et plus particulièrement aux actionnaires, qui sont aujourd’hui les véritables propriétaires des sociétés cotées en Bourse.
Désireux d’obtenir un rendement maximal aussi rapide que possible de leurs investissements, les actionnaires poussent à la compression des salaires et à la délocalisation opportuniste de la production vers des pays émergents où la hausse de la productivité va de pair avec de très bas coûts salariaux. Résultat : partout, l’augmentation de la valeur ajoutée profite aux revenus du capital plutôt qu’aux revenus du travail, la déflation salariale se traduisant par la stagnation ou la baisse du pouvoir d’achat de la plupart des gens.
La stratégie actuelle du Capital est donc de comprimer toujours plus les salaires, d’aggraver toujours plus la précarité du marché du travail, produisant ainsi une paupérisation relative des classes populaires et des classes moyennes qui, dans l’espoir de maintenir leur niveau de vie, n’ont d’autre ressource que de s’endetter, alors même que leur solvabilité diminue.
La possibilité offerte aux ménages d’emprunter pour couvrir leurs dépenses courantes ou acquérir un logement a été l’innovation financière majeure du capitalisme d’après-guerre. Les économies ont alors été stimulées par une demande artificiellement fondée sur les facilités du crédit. Outre-Atlantique, cette tendance a été encouragée depuis les années 1990 par l’octroi de conditions de crédit de plus en plus favorables (apport personnel voisin de 0 %), sans aucune considération de la solvabilité des emprunteurs. On a ainsi cherché à compenser la baisse de la demande solvable résultant de la compression des salaires par l’emballement de la machine à crédit. En d’autres termes, on a stimulé la consommation à travers le crédit, faute de pouvoir la stimuler par l’augmentation du pouvoir d’achat. C’était là le seul moyen, pour les détenteurs de portefeuilles financiers, de trouver de nouveaux gisements de rentabilité, fûtce au prix de risques inconsidérés.
D’où le surendettement pharamineux des ménages américains qui ont depuis longtemps choisi de consommer plutôt que d’épargner (alors que 17 % de la population est déjà dépourvue de toute couverture sociale). Les ménages américains sont aujourd’hui deux fois plus endettés que les ménages français.
Après quoi, on a spéculé sur ces « créances pourries » par le biais de la « titrisation », qui a permis aux grands acteurs du crédit de se décharger, en les rendant liquides, des risques d’insolvabilité de leurs emprunteurs. La « titrisation », qui est une autre des innovations financières majeures du capitalisme d’après guerre, consiste à découper en tranches, dites obligations, les prêts accordés par une banque ou une société de crédits, puis à en revendre le montant, c’est-à-dire le risque, à d’autres agents financiers appartenant au monde des fonds communs de placement.
Il se crée ainsi un vaste marché du crédit, qui est aussi un marché du risque. C’est l’effondrement de ce marché qui a provoqué la crise actuelle.
Mais celle-ci est aussi une crise de la mondialisation libérale. La transmission brutale de la crise hypothécaire américaine aux marchés européens est le fruit direct d’une mondialisation conçue et réalisée par les apprentis sorciers de la finance. Au-delà de sa cause immédiate, elle constitue l’aboutissement de 40 ans de déréglementation voulue par un modèle économique globalisé selon les recettes libérales.
Graviora manent a tout à fait raison.
Et cela démontre que le politique a abandonné toute volonté de
jouer son rôle dans l’organisation du système économique aux
fins d’un équilibre social, en laissant la main invisible du marché
devenir non pas une main de justice et d’efficace arbitrage
comme on se plait à nous l’enseigner dans toute business school
politiquement correct, mais plutôt être un bandit manchot, soit
sa véritable nature.
Je suis évidemment d’accord avec tout ce qui précède et qui est excellent.
Simplement, je ne voudrais pas titiller DC inutilement mais enfin, sauf une monarchie royale, tous les pouvoirs dits démocratiques sont des pouvoirs qui, selon l’expression de Boutang, s’achètent par l’argent. Comment pourraient-ils s’en dégager ? Le dominer ? Dire la justice et le Bien Commun ?
En ce sens, deux siècles de démocratie, cela se paye. Et le monde entier est en train d’en avoir les conséquences.
Cher Jaco,
« Les rapports entre vie démocratique et puissances
financières » est effectivement un sujet qui mérite débat mais
qui n’est pas pour autant un prétexte à rejeter la démocratie
en soi, dès lors que celle-ci s’exerce dans le cadre d’une
monarchie royale.
Il y a le financement des partis politiques et des campagnes
politiques qui alimentent sans cesse l’actualité à scandale,
mais la monarchie royale gardienne et garante de la
démocratie, du bien commun (la res-publica) et de la justice
permettrait précisément de veiller au bon fonctionnement de
la vie démocratique en fixant de nouvelles règles et en
intensifiant les contrôles en ce domaine, car, vous le rappelez
justement elle serait la seule à être indépendante de tout
pouvoir notamment financier.
Par ailleurs cette indépendance lui permettrait également
d’arbitrer dans les matières relevant de notre Constitution
dont elle serait la garante, de même que pour les traités
nous liant à d’autres Etats.
Monarchie et démocratie vont de pair, l’une sans l’autre
peut mener aux pires excès. C’est pourquoi il est important
que le Roi ait de réels pouvoirs d’arbitrage au sein du
fonctionnement démocratique tels : pouvoir de nomination,
d’intervention, de médiation, de recommandation, de
recours au référendum, de sanction de la loi et donc de véto
suspensif, de dissolution de l’assemblée nationale, de même
que le premier ministre doit être seul responsable devant le
parlement et pouvoir gouverner en s’appuyant sur une
majorité parlementaire issue des élections législatives.
Tout à fait d’accord avec vous, à condition que la démocratie ne se ramène pas à une idée purement arithmétique ou quantitative. La qualité de citoyen ne s’épuise pas dans le vote.
On connaît la devise républicaine française : » Liberté, égalité, fraternité « . Si les démocraties libérales ont exploité le mot de » liberté », si les anciennes démocraties populaires se sont emparées de l' »égalité », la démocratie organique ou participative, fondée sur la citoyenneté active et la souveraineté du peuple, pourrait bien être le meilleur moyen de répondre à l’impératif de fraternité.
La démocratie ne se résume certes pas aux élections
législatives, elle a vocation à s’exercer à tout niveau autant
que possible et notamment dans le domaine économique et
social; cependant, les partis politiques sont indispensables
pour structurer les tendances politiques et concourir à
l’élaboration des politiques gouvernementales à mener. La
démocratie c’est avant tout la liberté de débattre, de
confronter les opinions et de dégager une majorité pour
gouverner ou prendre les décisions, aux différents niveaux où
cette démocratie s’exerce.
Cependant, si la démocratie reconnaît aussi l’opposition, elle n’est pas en mesure, par définition, de la prendre en compte au sommet de l’Etat, ce qui ne favorise pas l’esprit d’unité nationale. Seule, la monarchie royale est en mesure de le faire.
De même, la démocratie se vit comme une « démocratie absolue » qui fige à un instant donné la volonté majoritaire du corps électoral sans tenir compte du fait que celle-ci ne sera pas nécessairement la même en cours de mandat ou par rapport à tel ou tel sujet. De même, elle admet comme postulat, que ce qui est promis aux électeurs ayant approuvé telle ou telle option, sera nécessairement respecté comme un contrat passé entre gouvernants et gouvernés or, c’est loin d’être toujours le cas.
C’est pourquoi la monarchie royale qui assure la permanence et la pérennité de l’Etat dans la continuité de son histoire, peut intervenir comme lien séculaire entre le peuple et ses représentants, de sorte que tout ce qui vient d’être dit puisse être pris en compte, pour que la démocratie ne soit pas, au final, confisquée par ceux qui prétendent en être les élus.