Dans le droit fil de ce qui précède, et comme vous l’avez vu sur le Blog, nous annonçons depuis une bonne semaine le Colloque Maurrassisme et littérature (IVème partie) des Jeudi 20, Vendredi 21 et Samedi 22 octobre à Paris, La Sorbonne.
Colloque Maurrassisme et littérature.pdf
Ce colloque aura lieu à la Maison de la recherche de Paris 3, 4 rue des Irlandais, 75005 Paris (entre le Panthéon et l’ENS). Le programme figure sur le site d’histoire de Sciences-Po…
Quelle meilleure façon d’illustrer le propos de Boutang ! : Maurras est un penseur comme les autres, il peut et doit être étudié comme les autres. D’ailleurs, il est parfois surprenant de voir qui ne craint pas de parler de Maurras : sans remonter jusqu’à Pompidou, alors président de la République en exercice (excusez- du peu…) expliquant aux étudiants à qui il donnait une conférence que le Kiel et Tanger de Maurras ne quittait pas sa table de chevet, on a entendu, beaucoup plus récemment, Yvan Levaï, qui n’a pas craint d’évoquer lui aussi longuement Maurras, dans sa chronique du samedi matin sur France inter; ou Edgar Morin, qui l’a évoqué, toujours sur France inter, sans la moindre gêne, reconnaissant en lui le chef de file du courant de pensée réactionnaire (mot employé par lui sans nuance péjorative)…
Juste après la parution de l’annonce du Colloque, nous avons reçu de G.P. le commentaire suivant, qui récapitule et résume en quelque sorte tout ceci. Il nous a semblé que ce texte méritait mieux que de rester dans la Catégorie « Commentaires » et que, dans le droit fil de ce qui vient d’être dit hier et aujourd’hui, il pouvait être « sorti » pour l’illustrer; et que, même, de ce point de vue là, il tombait à point…
Le voici :
« Ce colloque que vous annoncez et qui fait suite aux trois déjà tenus ces trois dernières années, me paraît impressionnant à plusieurs titres :
. Le nombre d’universitaires qui s’intéressent à l’œuvre de Maurras et à ses corrélations avec d’autres œuvres ou thèmes contemporains,
. Leur répartition géographique très large, en France et bien au delà, qui témoigne du rayonnement et de l’influence étendue du courant maurrassien,
. La variété, l’hétérogénéité des sujets traités, qui reflète, au moins en partie, le nombre de personnalités littéraires ou politiques, de sujets, de pays, auxquels Maurras s’est intéressé ou que lui-même a intéressés. Ce que l’on appelle sa « fermeture » serait-elle, au moins en partie, une légende ?
Trois réflexions complémentaires me viennent encore à l’esprit à l’annonce de ce colloque :
. La première est que, si Maurras reste « M le Maudit » dans l’univers des grands médias ou de l’Education, partout où l’on s’emploie à perpétuer le règne d’une « pensée unique » de plus en plus « mécanique », de moins en moins vivante, tout ce que nous avons d’esprits libres n’est plus sensible, aujourd’hui, au préjugé anti-maurrassien et se sent tout à fait libre d’en traiter. C’est peut-être parmi les vieux maurrassiens, nés de l’après-guerre, que le complexe « M le Maudit » est, encore, aujourd’hui, paradoxalement, le plus ressenti … A preuve, Edgar Morin qui, sur France Inter (!) n’hésite pas à ranger la pensée de Maurras aux côtés de celles de Marx et de Tocqueville, comme l’une des trois plus importantes pensées politiques du monde moderne. (Non pas postmoderne, qui n’en a plus). Et d’un autre côté, le militant d’Action française qui interroge Tony Kunter, dans une récente vidéo, sur ses livres à propos de Maurras, profil très bas : « Maurras n’est plus connu, Maurras est rejeté », etc. etc.
. La deuxième réflexion en est la suite : c’est que, contrairement à ce que l’on se plaît à dire, même dans des milieux qui ont approché la pensée de Maurras, son influence reste considérable. Elle n’est pas achevée; une nouvelle génération peut y puiser de puissants éléments pour sortir, s’il se peut, les sociétés modernes, française en particulier, des impasses où elles se sont placées.
. La dernière de mes réflexions, et l’on m’excusera peut-être de leur longueur, rejoint, précisément à propos de Maurras, et de ce colloque, la conclusion de la remarquable conférence d’Antoine de Crémiers sur « La Mondialisation, Babel effondrée » :
« Il est grand temps de redécouvrir les idées traditionnelles, à partir d’une position qui n’est pas de défense mais de révolte, car ce qui est en crise, aujourd’hui, ce sont précisément les principes qui sont au fondement de la critique des idées traditionnelles ». Où mieux que chez Maurras – mais, bien-sûr, pas exclusivement – les trouverait-on, aujourd’hui, ces « idées traditionnelles » dont nous avons besoin ? Dont une nouvelle élite à construire pourrait, elle aussi, très librement, avoir besoin ? C’est aussi, semble-t-il, l’intérêt, précurseur, de ces colloques. »
A mon avis, il faut bien souligner que, quant à nous, politiques, Maurras ne nous intéresse pas en priorité comme objet d’études historiques, ce qui est du ressort des universitaires, mais comme source d’idées, d’analyses, d’expériences, pouvant servir la réflexion et l’action politique et sociale d’aujourd’hui. La nôtre en particulier, mais pas seulement. Car la pensée politique de Charles Maurras appartient désormais au domaine public.
Edgar Morin, déplorant la réduction du politique à l’économique, constate que toute pensée politique digne de ce nom a disparu du monde actuel et il appelle à la reconstruction de grands courants politiques, comme ceux fondés jadis sur la pensée de Marx, de Tocqueville ou de Maurras.
C’est à ce titre que Maurras – comme toute une pléiade d’autres maîtres – nous est utile et, même, indispensable.
A mon avis, il est surtout un maître du présent et du futur de nos sociétés. Il peut contribuer de façon décisive à notre réflexion et à notre action politiques hic et nunc. Ce sont elles, aussi, nous le savons déjà d’expérience, que, plus tard, les universitaires, à leur tour, auront à étudier…
J’ai l’impression que tous ceux qui ont lu MAURRAS sans le dire aux grands média, commencent à l’avouer, sans honte et sans crainte.
A l’approche de 2012, nous pouvons rappeler que Charles MAURRAS fut le SEUL journaliste à couvrir les jeux olympiques en 1896.
Encore un signe de la pensée forte de ce visionnaire, en plus de la régionalisation, les méfaits de la démocratie parlementaire, l’avenir de la FRANCE………………………….
En tant que théoricien de la monarchie, Maurras tend à tout ramener au problème des institutions. Cependant, des institutions différentes peuvent aller de pair avec un état social identique, et, à l’inverse, d’une époque à l’autre, ou d’un pays à l’autre, des institutions identiques peuvent fonctionner de manière toute différente.
Les institutions ont certes leur importance, et il ne fait pas de doute qu’il en est de meilleures que d’autres. Mais nous sommes à une époque où elles jouent un rôle de moins en moins important, ce qui explique d’ailleurs qu’elles soient toutes en crise.
Que leurs institutions soient républicaines ou monarchiques, les sociétés occidentales se ressemblent aujourd’hui de plus en plus. Elles évoluent ensemble à partir de la base, à partir du social, et non plus à partir du haut. Les moeurs précèdent la loi, et non plus l’inverse. C’est sur cette transformation fondamentale qu’il faudrait surtout s’interroger.
Graviora Manent nous explique que contrairement au passé
les sociétés occidentales n’évoluent plus à partir du haut mais
à partir du bas.
Si l’on s’en tient à la France ceci est vrai dans les deux sens.
Mais ce qui devrait surtout nous interpeler, c’est que dans nos
sociétés devenues si complexes il manque l’évolution
horizontale, c’est à dire celle qui permet d’aller de gauche à
droite, ou de droite à gauche, c’est-à-dire de dépasser les
oppositions.
En d’autres termes celle qui ne peut se réaliser qu’à partir de
médiations et dont la médiation suprême est le Roi à la tête
de l’Etat. Si le Roi doit être au sommet ce n’est plus pour
gouverner de haut en bas mais pour être le pivot entre ce
sommet dont il fait partie et en est le premier représentant, et
la base, mais aussi entre sa gauche et sa droite.
Géométriquement parlant, il est comme la médiane d’un
triangle, dont chaque point peut être son représentant ou son
informateur au sein de la société.
La métaphore géométrique de DC est intéressante mais, si l’on se prend au jeu de la discussion, c’est sur le propos de Graviora Manent que je voudrais revenir, pour marquer mon – amical – désaccord.
Primo, Maurras ne peut pas être seulement défini comme un théoricien de la monarchie, ni des institutions, prises, en fait, dans le commentaire de GM, au sens de l’Etat. A ce compte là, dès son jeune âge, il est aussi un théoricien du fédéralisme, dans la lignée de Mistral, ou, a minima, de la décentralisation ; en art et en littérature, avec Anthinéa et Les Amants de Venise, il est aussi, pour simplifier, un théoricien du goût; il est encore un théoricien de la Civilisation, sujet sur lequel ses idées ont souvent été reprises par d’autres auteurs; il est, aussi, à la suite de Comte, un théoricien de la Physique Sociale … Mais on pourrait tout aussi bien dire qu’il n’est tout simplement pas un « théoricien », ce qui serait vrai à bien des égards. En fait, Maurras ne me paraît pas réductible à un seul des domaines qui viennent d’être cités, pris isolément. C’est Giocanti qui a raison lorsqu’il dit que « Maurras est un continent ».
Pour le reste, que les Institutions politiques soient en crise et que, de ce fait, comme à toutes les époques où elles s’affaiblissent, elles jouent, à la nôtre, un rôle de moins en moins important, ne signifie nullement que les sociétés occidentales ne soient pas, en elles-mêmes, dans leur ensemble, dans une situation de crise tout aussi profonde. On peut même penser à bon droit que leur crise est concomitante et corrélée. Sauf à sombrer dans un relativisme absolu, l’évolution des dites sociétés occidentales, prétendument « à partir de la base, à partir du social », en réalité à partir de puissants conditionnements en fait venus d’un « en-haut » peu reluisant, ne peut pas être exonérée d’évaluation, de jugement, si je puis dire, sur le résultat. Or, selon moi, les fruits de cette évolution ne sont rien d’autres que désastreux. Que les « mœurs précèdent la loi » a toujours été plus ou moins le fait. Thibon souhaitait même « le plus possible de mœurs, le moins possible de lois ». Simplement, notion qui fait horreur à la sensibilité moderne, il faudrait admettre qu’il y a de bonnes mœurs et qu’il y en a de mauvaises. Et qu’elles doivent être distinguées. Et que leur évolution erratique n’est en rien une référence.
Mon cher JACO, Maurras se borne à constater que la société est le fait premier, ce qui n’est pas inexact, mais sans s’interroger outre mesure sur la nature de ce fait. Maurras dit que « la société ne sort pas d’un contrat de volonté, mais d’un fait de nature », et que « toute société se construit suivant des nécessités naturelles ».*
C’est vrai, mais que doit-on en conclure ? Que « la société prééexiste à la volonté des hommes » n’empêche pas que le désir d’association y joue son rôle. Toute société est traversée de courants contradictoires. Le recours au concept si ambigu de « nature » ne permet pas de trancher et peut conduire à s’aveugler sur ce qu’il y a d’intéterminé dans le social.