Mais le Roi d’Espagne ne pourra pas tous les jours avoir une altercation avec un dirigeant latino-américain, ni faire une déclaration à la presse. Serait-ce d’ailleurs souhaitable? évidemment non.
De deux choses l’une: ou la Royauté ne sert à rien, ou elle sert à quelque chose. Dans le premier cas, on aurait beau dire et beau faire, aucune gesticulation ne pourrait légitimer le maintien d’une institution inutile. Dans le second cas (qui est celui qui correspond à la réalité) la Royauté rend tout un faisceau de services, par sa simple présence, notamment en supprimant la lutte pour le pouvoir suprême. Lequel, du coup, est occupé par une personne et une Famille incarnant la destinée du pays sur le long terme (« ce qui ne change pas »), cadre à l’intérieur duquel peut se dérouler, avec beaucoup plus de sérénité que chez nous, le jeu politique et ses alternances légitimes, dictées par les élections (« ce qui change »). C’est le schéma classique que connaissent les pays européens qui ont la chance de vivre en Royauté, et qui ont été rejoints par l’Espagne à partir de 1975.
Que peut, que doit donc faire le Roi d’Espagne? Aujourd’hui la situation est très claire: le Roi, qui préférerait ne pas intervenir dans « les affaires », va peut-être y être obligé: parcequ’une partie de la gauche -ultra-minoritaire pour l’instant mais….- commence à s’opposer à la Monarchie par idéologie « progressiste »;et parce qu’une partie de la droite commence à se détourner d’elle, déçue par ce qui est, (croit-elle, à tort ou a raison) une approbation des réformes de société menées par Rodriguez Zapatero, qui sont jugées contraires aux traditions séculaires du pays. En somme, deux petites fractions ne veulent plus de roi, l’une à gauche, l’autre à droite; celle de gauche parce qu’elle retombe dans ses vieilleries idéologiques d’il y a plus d’un demi siècle; et celle de droite qui se demande à quoi sert le Roi s’il ne s’oppose pas aux réformes de Rodriguez Zapatero, qui vont directement contre les coutumes ancestrales et l’âme espagnole…..
Là est le problème: le Roi ne peut pas laisser se creuser cette faille que vient d’ouvrir follement le Premier Ministre, qui a joué contre son pays et contre la paix civile, et qui portera une lourde responsabilité si les choses devaient s’envenimer et dégénérer. Mais en intervenant (la forme et la façon restant encore à trouver et à préciser…), il ne peut que prendre des coups. C’était plus commode « avant »,avant Rodriguez Zapatero et sa funeste politique, quand il suffisait pour Juan Carlos de « présider ». Maintenant, ne noircissons pas le tableau: la situation est loin d’être compromise pour lui, et il « part » avec des atouts considérables: s’il joue finement, il peut conserver la main (1).
En somme le Roi d’Espagne n’a qu’une carte à jouer, mais c’est une carte maîtresse, un atout maître: en prônant l’unité nationale, en prêchant la poursuite du « devoir d’oubli »,il coupera l’herbe sous les pieds de Rodriguez, en attendant son départ, et il continuera d’apparaître, lui et la monarchie, pour ce qu’il est vraiment (et que du reste les Espagnols savent très bien, admettent et reconnaissent): le gage institutionnel de la paix, de la concorde civile et de la poursuite des progrès enregistrés depuis 30 ans. Car, en Espagne comme ailleurs, une Monarchie même imparfaite est toujours meilleure qu’une république: et ce n’est pas l’exemple de la république espagnole de 1931 qui pourra convaincre du contraire, à l’exception bien sûr des idéologues, qui ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre, mais qui ne veulent ni voir ni entendre….. (fin).
(1): Le 5 Janvier dernier, jour de son anniversaire (il vient d’avoir 70 ans, dont 32 de règne…), une nouvelle batterie de sondages était publiée: 69% de royalistes et 80% d’« agradecidos » (« reconnaissants ») pour son action à la tête de l’Etat…
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