A l’occasion de la sortie de son livre « La Croisade islamiste », Jean-Paul Gourévitch, qui est déjà venu présenter à l’Action française ses travaux sur l’immigration et nous a déjà accordé un entretien, nous a fait le plaisir de répondre à nos questions sur la nature et les risques de l’islamisme. Qu’il en soit remercié.
L’Action Française : La Croisade islamiste pourrait paraître un titre contradictoire, quand on sait combien les islamistes vouent aux gémonies les Occidentaux assimilés à des « croisés »…
Jean-Paul Gourévitch : C’est exact et c’est la raison du choix du titre. Les Islamistes traitent régulièrement leurs adversaires de « croisés » alors que ce sont eux qui aujourd’hui se sont lancés dans une croisade pour faire triompher leurs idées sur toute la planète. Ceci dit, le mot de croisade ayant historiquement un sens guerrier, il faut distinguer dans l’islamisme deux formes de croisade, l’une qui est « soft » et qui vise à conquérir les esprits et les coeurs, l’autre qui est « hard » et qui utilise la violence et le terrorisme pour assurer son succès.
Éditions Pascal Galodé – 280 pages, 21,90 euros
AF : Vous avez tenu à sous-titrer l’ouvrage : « Pour en finir avec les idées reçues »… Pourquoi ? Par crainte d’être accusé d’islamophobie ou… d’islamophilie ?
J-P G : Le titre de l’ouvrage peut faire l’objet d’interprétations diverses, comme vous l’avez vous-même indiqué. Mais, sur ce sujet, l’opinion publique est perpétuellement confrontée à la désinformation des media qui ne vont parfois pas chercher l’information à la source mais répètent comme des perroquets ce que leurs confrères qui n’ont pas plus vérifié leurs assertions ont déclaré. Il fallait essayer d’être clair sur le nombre de musulmans en France, en Europe et dans le Monde, le nombre de pratiquants parmi des musulmans, le nombre d’islamistes parmi ces pratiquants, les diverses formes de l’islamisme, l’évolution statistique de ces trois cercles concentriques, les ressources financières de l’islamisme, leurs combats prioritaires et leurs stratégies, sujets sur lesquels on entend tout et son contraire. Bien entendu je n’échapperai pas aux accusations diverses- c’est déjà fait- de personnes qui n’ont pas lu le livre et qui m’accusent déjà de « stigmatiser les musulmans » comme si tous les musulmans étaient islamistes. Mais je ne me situe pas comme islamophobe ou islamophile. J’ai constitué un dossier documenté pour permettre à chacun de construire son opinion en connaissance de cause, et à ceux qui veulent combattre l’islamisme de le comprendre pour ne pas se tromper de cible.
AF : Quelle définition donneriez-vous de l’islamisme ? Vous cherchez à le distinguer de l’islam (comme religion et comme culture) tout en reconnaissant que l’un et l’autre sont pluriels… L’islamisme est-il toujours à vos yeux la « maladie infantile de l’islam » ?
J-P G : Il y a plusieurs définitions et j’explique justement la différence entre wahhabites, salafistes, fondamentalistes, Frères musulmans…etc. Mais il y a trois points communs aux différentes formes d’islamisme : la confusion volontaire du religieux avec le politique, la volonté de faire triompher leur cause partout dans le monde, l’application de la charia dans les pays où ils tiennent le pouvoir. J’avais effectivement écrit il y a dix ans, en démarquant une citation célèbre que l’islamisme était « la maladie infantile de l’islam ». Je maintiens sur le fond cette opinion. Mais je constate que ce sont les malades qu’on entend et qu’on voit le plus et que la majorité des bien portants peine à faire entendre sa voix.
AF : Distinguant les stratégies de l’islamisme, vous notez que « quand la population musulmane dépasse un étiage de 10 à 15% sur son territoire, et qu’elle est majoritaire dans certaines villes ou régions, […] il ne s’agit plus de faire reconnaître son existence mais d’affirmer sa représentativité, voire sa prééminence » : n’est-ce pas précisément le cas de la France, ce qui donnerait raison à ceux qui craignent, à terme, une islamisation de la société française, ou du moins, la perspective de graves dissensions ? Vous notez du reste aussi que « le problème de l’islam conjugué à celui de l’immigration peut constituer un facteur de déstabilisation »…
J-P G : L’islamisation progressive de la société française n’est qu’un des scénarios possibles et ne peut se produire qu’à long terme puisque l’islam n’est pas aujourd’hui la religion majoritaire même s’il n’est pas exclu qu’elle le devienne à la fin du XXIe siècle si les courbes inversées du christianisme et de l’islam poursuivaient leur trajectoire. L’augmentation du nombre de musulmans est due à trois phénomènes : la présence d’une immigration qui vient très majoritairement de régions musulmanes, l’expatriation de Français qui sont dans leur quasi-totalité non-musulmans, le différentiel de fécondité entre la population d’origine étrangère et la population autochtone.
Parmi les divers scénarios du futur qui sont développés dans l’ouvrage et parmi lesquels je me garde bien de choisir, un des plus vraisemblables est celui de la frontière. A savoir la coexistence dans un même pays de zones de plus en plus musulmanes et où la précarité, la rage et le désir de vaincre pousseront à la radicalisation, et de zones qui le seront de moins en moins et où se regrouperont justement ceux qui souhaitent échapper à cette forme de pression et de contrôle social. Bref le contraire du métissage. Cette logique de territoire a des effets sur le plan national où des enjeux comme la politique migratoire, la politique d’éducation, la lutte contre la fraude sociale et/ou fiscale et contre l’islamo-business, la gestion de l’économie informelle, peuvent conduire à scinder la communauté nationale et à réveiller des ferments de haine, quelles que soient les bonnes volontés qui de part et d’autre appellent à la raison.
Propos recueillis par François Marcilhac
« La confusion volontaire du politique et du religieux » ?
Justement, l’on pourrait y penser dans les milieux d’Action française et éviter la « confusion ».
Il fut un temps où, paraît-il, la première Action française inscrivait, à l’entrée de ses bureaux : « Dieu n’entre pas dans nos laboratoires ». Sans-doute était-ce maladroit.
L’excès inverse vaut-il mieux ? Je pense, justement, que le politique et le religieux ne doivent ni s’ignorer ni se confondre.
Cette critique que Gourévitch fait à l’Islam, nous pourrions, parfois, nous l’appliquer à nous-mêmes.
Cher Jaco, à ma connaissance, le reproche fait à l’AF d’avoir écrit « Défense à Dieu d’entrer dans nos laboratoires », reproche formulé par Andrieu dans ses lettres contre l’Action Française, et qui devait être un des prétextes de la condamnation de l’AF par Pie XI, n’a jamis eu le moindre fondement. En fait, ces textes jouaient avec mauvaise foi sur les références que Maurras faisait à Auguste Comte, qui était l’auteur de ladite monition « ad Deum ». En revanche, je partage votre avis sur les rapports entre religieux et politique. et j’en profite pour souligner que, s’il est vrai que l’Islam et le christianisme ont des attitudes différentes en ce qui concerne la relation avec le pouvoir, elles ne sont pas aussi éloignées que certains veulent bien le dire.
Le christianisme et l’islamisme sont deux théocraties qui aspirent à confondre le temporel et le spirituel chaque fois qu’elles en ont, ou en auront, les moyens.