Par Jean-Christophe Buisson*.
En attendant la réouverture des salles obscures, un livre de référence sur les polars français de 1910 à 2020 !
C’est l’avantage des esprits qui sont ni snobs ni bégueules : quand ils s’intéressent à un sujet, ils
intéressent tout le monde. Mémoire encyclopédique du cinéma, historien indispensable du septième art, voix éternelle du « Cinéma de minuit », Patrick Brion est de ceux-là. En s’attelant à une Encyclopédie du film policier français * (après nous avoir éclairés de ses lumières sur le western et le film noir), il a bien pris soin de ne pas ériger des frontières entre chefs-d’œuvre et navets, drames et comédies, grands classiques et œuvres mineures, films célèbres et pépites connues des seuls cinéphiles ayant hanté pendant des milliers d’heures les salles d’art et essai et les couloirs jadis enfumés de la Cinémathèque.
Comme dans le cochon, tout est bon dans le polar ! Ainsi trouvera-t-on côte à côte l’un des rares nanars du maître Chabrol (Le Tigre se parfume à la dynamite) et deux bijoux de la même période (La Métamorphose des cloportes et Le Deuxième Souffle de Melville). Et une plongée dans
l’année 1985 sera l’occasion de voir défiler le dérangeant L’Amour braque de Zulawski, le pathétique Billy Ze Kick, le médiocre Hold-up d’Arcady (malgré Belmondo, Marielle et Villeret : il faut le faire !), le naïf Hors-la-loi (avec Clovis Cornillac tout jeune), le génial On ne meurt que deux fois, dernier film dialogué par Audiard, l’efficace Parole de flic, le troublant Péril en la demeure, les magnifiques Police de Pialat et Poulet au vinaigre de Chabrol, le cultissime Subway de Besson et le tragique (par son sujet et son résultat) Train d’enfer de Roger Hanin.
Parfois, la définition du genre policier proposé par Brion interroge : si on adule Raoul Coutard, chef op de La 317e Section et de nombreux films de la nouvelle vague, voir ici son adaptation (ratée) des aventures de SAS à San Salvador nous apparaît saugrenu. Futile réserve devant les résumés
percutants, les photos incroyables et les affiches mémorables des films
des années 1910-1930, muets ou parlants, ressuscités aussi dans cet ouvrage qui souligne enfin combien les auteurs de romans policiers ont pu irriguer le septième art français. ■
* Télémaque, 600 p., 888 films recensés, 1 250 photos et affiches, 63 €.
* Source : Figaro magazine, dernière livraison.
Jean Christophe Buisson est écrivain et directeur adjoint du Figaro Magazine. Il présente l’émission hebdomadaire Historiquement show4 et l’émission bimestrielle L’Histoire immédiate où il reçoit pendant plus d’une heure une grande figure intellectuelle française (Régis Debray, Pierre Manent, Jean-Pierre Le Goff, Marcel Gauchet, etc.). Il est également chroniqueur dans l’émission AcTualiTy sur France 2. Ses derniers livres, 1917, l’année qui a changé le monde, et Le Siècle rouge. Les mondes communistes, 1919-1989, (2019) sont parus aux éditions Perrin.
1917, l’année qui a changé le monde de Jean-Christophe Buisson, Perrin, 320 p. et une centaine d’illustrations, 24,90 €.
Le Siècle rouge. Les mondes communistes, 1919-1989, de Jean-Christophe Buisson, Perrin, 420 p. avec illustrations, 27 €.
Publié dans JSF à 6h55