31 juillet 1914 : Assassinat de Jean Jaurès…
De Jacques Bainville, Journal inédit 1914, pages 8/9/10 :
« …Ce jour-là, à 9h45, comme je venais d’être informé que les Allemands avaient fait sauter les ponts et coupé les voies entre Metz et la frontière, je m’étais rendu au Télégraphe de la Bourse. Je sortais du bureau déjà encombré et bruissant, lorsqu’un homme dit rapidement en passant près de moi :
– Il se passe quelque chose de très grave : Jaurès vient d’être assassiné.
– Où, et quand , demandais-je à l’inconnu.
– Au Café du Croissant , il n’y a pas dix minutes.
Le Café du Croissant, dans la rue du même nom, la rue des journaux, est à cinquante mètres de la Bourse.
Je m’y rendis en courant.
C’était vrai : Jaurès dînait avec quelques rédacteurs de l’Humanité, lorsqu’un inconnu, par la fenêtre ouverte, lui avait tiré deux coups de révolver dans la nuque.
Déjà la rue Montmartre était pleine d’une foule agitée et murmurante que les charges des agents ne parvenaient pas à disperser.
On eut à cet instant l’illusion qu’un mouvement révolutionnaire commençait.
La journée avait été chaude, la soirée était étouffante.
Ce sang répandu, cette guerre civile surgissant après les secousses données aux nerfs de Paris depuis quatre jours, tout faisait redouter le pire…
Allons-nous voir une Commune avant la guerre ?
L’ennemi aurait-il cette satisfaction ?…
L’auteur de cet assassinat – un jeune homme inconnu – était-il un exalté, un fou ou un agent provocateur.
L’enquête a prouvé que c’était un solitaire qui ne se réclamait d’aucun parti ni même d’aucune idée politique précise.
Tuer Jaurès au moment où la politique de Jaurès s’effondrait, au moment où sa conception internationaliste et pacifiste du socialisme s’âbimait dans le néant, au moment où de toute sa pensée, de toute sa carrière d’orateur, la brutalité des faits ne laissait rien, au moment où la responsablité de l’homme public de ce temps rempli d’erreurs commençait à n’être plus un vain mot, au moment aussi où il importait à l’esprit public que la France conservât tout son calme oubliât ses divisions – tuer Jaurès c’était plus qu’un crime, c’était une faute.
La suite nous a appris les calculs et les espérances que Berlin avait fondés sur cet assassinat : dès le lendemain, les journaux allemands répandaient à travers l’Empire, en Autriche et jusqu’en Orient, la nouvelle que le drapeau rouge flottait sur Paris et que le président de la République avait été assassiné.
Mais il était dit que, dans cette guerre, toutes les machinations allemandes devaient avorter misérablement.
Deux heures après l’assassinat de Jaurès, Paris était redevenu calme, avait remis ce tragique épisode à sa place.
Chacun, en cherchant le sommeil, évoquait non pas le drame du Café du Croissant, mais les dépêches des chancelleries et des états-majors courant à travers toute l’Europe les fils télégraphiques décidant de la paix ou de la guerre: déjà personne ne doutait plus que ce fut la guerre. Devant la grande tragédie européenne, l’assassinat de Jaurès s’effaçait, ne gardait plus que la valeur d’un fait divers… »
Alors qu’il est en train de dîner au café du Croissant avec ses collaborateurs, Jaurès est assassiné de deux balles dans la tête par un homme de 29 ans, Raoul Villain (illustration d’époque)…
Noël Stassinet sur On attend une vigoureuse réaction du…
“Alors les grands penseurs de la gôôôche on se réveille ? On a une panne de…”