Cette tribune de Gilles-William Goldnadel est parue hier. Nous y retrouvons la marque de l’avocat lucide qui ne s’en laisse pas conter, fût-ce par son client. Inutile de redire son talent, son sens de l’équité Pas besoin ici de commenter. On ne peut qu’approuver. [FigaroVox 04.1]
« Je ne sache pas que chez les joueurs de oud ou de darbouka, de Beyrouth en Alger, un quota minimum de blancs soit exigé »
À de nombreuses occasions j’ai souhaité faire réfléchir sur l’expression tellement usitée de «facho». À l’ère média-électronique, a également été créé dans le champ lexical politique, le néologisme qui se veut disqualifiant de «fachosphère». Cela prouve une fois encore la domination de la gauche médiatique, fut-elle déclinante, puisqu’il n’existe ni «bolchosphére» ni «islamosphére».
Dans un registre voisin, j’ai déjà fait observer que si l’épithète dévalorisante de «droitier» existait, on n’a étrangement jamais observé de «gaucher» en politique. C’est le musicien d’origine libanaise Ibrahim Maalouf qui m’offre l’occasion de faire quelques gammes sur le vocable disharmonieux à l’oreille de «facho».
Celui-ci a en effet déclenché dans les premiers jours de l’an neuf une tempête électronique en s’en prenant aux Orchestres de Vienne et de France réunis. Le célèbre trompettiste a en effet trouvé le moyen de claironner ainsi un 1er janvier: «Sublime orchestre de Vienne qui chaque année excelle autant musicalement qu’il se fait tristement remarquer par son manque de diversité ethnique. 2021 on veut plus de diversité! Si Vienne est à l’extrême, les orchestres français sont loin du compte aussi…».
J’ai du respect pour cet artiste de talent. J’ai pris publiquement sa défense lorsqu’il fut accusé d’agression sexuelle sans aucune preuve et me suis réjoui ouvertement de sa mise hors de cause par la justice française. Je n’en suis que plus à l’aise pour écrire fermement combien sa petite comptabilité ethnique est malséante.
M. Maalouf, qui nous vient du Levant, a davantage le regard acéré sur les orchestres d’Occident que sur ceux d’Afrique ou d’Orient. Au-delà de son obsession comptable assez sordide, le voici qui entend imposer des règles sélectives. Je ne sache pas en effet que chez les joueurs de oud ou de darbouka, de Beyrouth en Alger, un quota minimum de blancs soit exigé.
Il ne me serait pas non plus venu à l’esprit de me plaindre d’un excès de noirs dans un orchestre de jazz. Mais c’est la grande violoniste Zhang Zhang qui a définitivement bouché la trompette du musicien à vent: «Peut-être que M. Maalouf l’ignore: le concours de recrutement des orchestres symphoniques professionnels se fait derrière un paravent. Le jury ne voit pas le candidat, il n’écoute que la qualité de la performance. Les artistes sont choisis par leur musique, PAS par leur couleur de peau, leur sexe ou leur origine ethnique.».
C’est donc dans le cadre de cette énième polémique racialiste dont les contempteurs de l’Occident se repaissent maladivement, et alors qu’il faisait l’objet d’une juste volée de bois vert, que le trompettiste a cru devoir tempêter ainsi: «Chers fachos énervés,… si des tweets sur le manque de diversité vous excitent autant c’est que je touche la corde sensible».
Ibrahim Maalouf, à la suite de tant d’autres, utilise le mot magique censé à tout jamais disqualifier son contradicteur dans le contexte habituel: la défense de la culture occidentale, le refus de voir la France ou l’Occident insultés pour cause de racisme allégué ou encore la défense d’une «identité», mot à lui seul donnant vue panoramique sur le bucher. Enfin, plus récemment, le rejet de l’obsession racialiste telle que précisément manifestée par un artiste qui se veut désespérément à la mode du temps.
Le facho désigné n’a plus qu’à se terrer puisqu’il vient d’être déconsidéré. L’usage du mot «facho» est instinctivement habile. L’emploi des vocables «fasciste» ou plus encore «nazi» serait contre-productif puisque considéré comme excessif au regard de leur charge historique. Le petit facho n’est qu’un succédané édulcoré de fasciste. Une formule imagée qui doit frapper l’inconscient imaginaire aux fins de sidération. Il est le CRS post- soixante-huitard du SS.
Mais la matraque du beauf gaulois plutôt que la schlag du gestapiste germain. On remarquera toutefois que le facho ne peut être que blanc couleur Hitler ou Pétain. Il ne viendrait à l’idée d’aucun Maalouf d’user d’un tel vocable à l’écart d’un oriental ou d’un africain dont il réprouverait pourtant les idées malfaisantes. On en déduit ainsi que facho est une injure raciale destinée à tuer moralement et à exclure ainsi du débat pour cause d’indignité. Et que cette insulte est exclusivement réservée à la face d’un droitier, le crachat injurieux venant de la gauche.
À la suite du déclin intellectuel et moral de cette gauche, largement déconsidérée par les désastreux effets humains de son islamo-gauchisme crétin après ceux de son marxisme inhumain ; ses sentences et ses malédictions excommunicatrices ont beaucoup perdu de leurs effets mortifères.
On peut même sans grand risque observer, au fur et à mesure de ce déclin, qu’une certaine gauche se fait moins économe d’injures lapidaires au lieu et place d’arguments ou d’idées dont elle se sent plus incertaine. On peut dès lors merveilleusement survivre sans disqualification en étant qualifié par elle de facho.
Il est temps désormais d’en rire de bon chœur, avec orchestres et trompettes. ■
Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Son récent ouvrage, Névroses Médiatiques. Le monde est devenu une foule déchaînée, est paru chez Plon.
Merci !! Tout est dit et avec talent. Merci Maître Goldnadel.