La « majorité » et, bien sûr, les pouvoirs immenses qui vont avec…
Les « jeux » internes du Pays légal ne nous intéressent pas, en tant que tels, et ne nous concernent pas. Nous sommes royalistes, c’est-à-dire partisans d’un Régime qui fédère et unit les citoyens. Entre autres, en préservant, à la tête de l’Etat, un espace a-démocratique qui assure la permanence de la Nation et lui donne le temps long, réservant le libre choix des légitimes fluctuations de l’opinion publique au poste de Premier ministre et aux autres échelons de la vie publique : élections communales, cantonales, législatives, régionales etc…
Alors que nous voulons « nationaliser l’Etat par le Roi » (la formule est de Léon Daudet) notre actuelle République idéologique repose, au contraire, sur la division et l’affrontement perpétuels et « systématique » des citoyens, livrant à cette confrontation permanente l’ensemble des niveaux de l’Etat, sans plus aucune Autorité véritablement indépendante des factions et de l’Argent, capable de jouer le rôle d’arbitre. Tout cela est bien connu, et a été dit des centaines de fois…
Cela signifierait-il que nous nous désintéressons du fonctionnement et des règles des jeux du Pays légal, dans lequel, volens nolens, nous vivons ? Citoyens à part entière – même si nous vivons dans un Système qui ne nous convient pas, et dont nous voulons sortir – nous ne nous désintéressons au contraire nullement du monde politique dans lequel nous vivons, contraints et forcés: et il nous faut bien participer, de toutes les façons naturelles, à nos différents rôles de citoyens, contribuant par leurs impôts au fonctionnement du Pays, et participant, par nos votes, à la vie politique, aussi dégradée, corrompue et pervertie soit-elle par le Système actuel…
Mais, que constatons-nous dans le fonctionnement actuel du Pays légal, en ce qui concerne la représentation de l’opinion des citoyens ? Une parfaite légalité, dans la forme, mais une non moins parfaite illégitimité, dans le fond, due à l‘insincérité partout…
La première carence du Pays légal vient du nombre important de personnes non représentées par les Partis en présence :
* pour une population évaluée à 62 millions d’habitants, il y a 45 millions d’inscrits, mais une proportion de citoyens non-inscrits sur les listes électorales évaluée « entre 9 et 10% », c’est-à-dire, entre quatre millions et quatre millions et demi de personnes;
* il y a ensuite les abstentions : variables, évidemment, d’une élection à l’autre, elles sont malgré tout très significatives : pour les deux dernières élections présidentielles (2007 et 2012) le taux s’élevait respectivement à 16 et 19,6% au deuxième tour. Soit, en 2012, près de neuf millions de personnes; ce matin, France info pronostiquait un taux de 60% d’abstention pour les prochaines législatives…
* enfin, il faut évidemment tenir compte du nombre de bulletins blancs : aujourd’hui, le vote blanc n’est pas reconnu, et les « bulletins blancs » amalgamés aux « nuls », et assimilés de fait à une quantité négligeable (les « bulletins blancs et nuls ») ce qui est une absurdité et un scandale, puisque « voter blanc » signifie quelque chose, et constitue un « signal fort », comme on dit aujourd’hui dans le jargon…. Pour cette dernière présidentielle, il y en a eu plus de deux millions (2.147.000 et des poussières…) !
Si l’on additionne donc les non-inscrits (4 à 4,5 millions), les abstentionnistes (9 millions en 2012) et les bulletins blancs (2 millions en 2012), on obtient un ordre de grandeur de quinze millions de citoyens. C’est-à-dire le tiers du nombre des « inscrits »…
Il ne s’agit pas ici de porter un jugement de valeur; chacun est libre de s’inscrire ou pas; de s’abstenir ou pas; de voter blanc ou pas. Il s’agit simplement de constater que – pour cette dernière élection présidentielle par exemple – être élu à 51% ne signifie pas, et de très loin, être élu à 51% des 45 millions de votants, encore moins de la cinquantaine de ceux qui devraient voter. François Hollande a été élu avec 18 millions de voix, 16,8 millions de voix se portant sur Nicolas Sarkozy.
C’est donc un peu plus du tiers des Français en âge de voter, mais pas beaucoup plus du tiers, qui, aujourd’hui, porte tel ou tel candidat à la Présidence.
Et le même phénomène se reproduit, et même parfois s’amplifie pour les autres élections : municipales, régionales etc…
Or, il est couramment admis que, dans une démocratie, on exerce le pouvoir légitimement dès que l’on obtient « la moitié plus une voix » de l’opinion publique; mais de toute l’opinion, ou de quasi toute; si la proportion de l’opinion représentée diminue (et plus elle diminue…), la légitimité diminue d’autant… Il ne faudrait donc pas que la proportion de l’opinion représentée descende trop puisque, plus elle descend, et plus descend, avec elle, d’une façon mécanique, la représentatitivité des élus du peuple (« représentatitivité » étant, en l’occurrence, l’autre nom de « légitimité »…): et la tendance que nous signalons ne fait que s’amplifier…; à force de représenter de moins en moins de gens, donc de représenter de moins en moins « le peuple » (toujours réputé, en théorie du moins, « souverain »…), cela va finir par poser un problème quelque part, comme on dit dans le jargon; du moins à tous ceux qui ne pratiquent pas la politique de l’autruche et qui ne refusent pas de voir les réalités…..
Certes, encore une fois, chacun est libre de ne pas s’inscrire; de s’abstenir, s’il est inscrit; et de voter blanc s’il vote : il n’empêche ; un pays légal qui génère tant de non-inscriptions, tant d’abstentions et tant de votes blancs, c’est qu’il n’enthousiasme guère, et qu’il génère au contraire du désenchantentement, ce qui n’est pas bon signe….
On se borne, ici, à constater les choses : en l’occurrence, le surnom de « Monsieur Tiers » serait-il celui qui, finalement convient le mieux au Président de la République ?….
Dans les démocraties libérales, le primat est donné à la représentation, et plus précisément à la représentation-incarnation. Le représentant, loin d’être seulement « commis » pour exprimer la volonté de ses électeurs, incarne lui-même cette volonté du seul fait qu’il est élu. Cela veut dire qu’il trouve dans son élection la justification qui lui permet d’agir, non plus selon la volonté de ceux qui l’ont élu, mais selon la sienne propre — en d’autres termes, qu’il se considère comme autorisé par le vote à faire ce qu’il juge bon de faire.