Par Xavier Raufer.
Xavier Raufer donne à Boulevard Voltaire, à Atlantico et divers autres médias des entretiens et des articles réguliers – celui-ci vient de paraître sur Atlantico – contributions intéressantes pour leur expertise minutieuse des divers domaines de l’insécurité et de la délinquance. Autant de signes sur l’état de notre société et de la déliquescence du Pouvoir. Nous ne pouvons manquer de nous en tenir informés.
Vision stratégique et petit-bout-de-la-lorgnette sont incompatibles.
Notre rétrospectif regard n’envisagera donc pas quelque épiphénomène de 2020 ; mais, embrassant deux décennies, la sidérante incapacité de la société « de l’information » à percevoir et comprendre ce qui en fait la menace ; qui est l’ennemi. Notamment, dès qu’il s’agit du terrorisme international et de ce qui, à l’arrière-plan, l’anime et le propulse.
Partant de deux cruciaux préalables, nous donnerons ensuite deux exemples de cet aveuglement (volontaire ou non ?), à propos des attentats les plus tragiques du du XXIe siècle débutant ; 11 septembre 2001 (États-Unis) et 13 novembre 2015 (Paris).
FONDAMENTAUX :
1 – JAMAIS, dans l’histoire du terrorisme, un groupe d’action – même suicidaire – n’a opéré sans réseau de soutien ; surtout pour de massives et complexes opérations. La radiographie de dizaines d’attentats complexes ou d’actions de commandos, prouve qu’agir sans logistique est quasi-impossible.
2 – Au Moyen-Orient (matrice des attentats ici rappelés) ; d’abord dans la zone Liban-Syrie-Irak, toute entité émergente, paramilitaire ou terroriste (islamiste ou pas) disparaît vite si elle n’est pas captée par un des États de la région (de la Libye à L’Iran). Ce crucial théorème est valide de 1975, début de la guerre civile du Liban, à nos jours. On lui cherche en vain un contre-exemple.
Nous voici sur un sol ferme : avançons.
ATTENTATS DU 11 SEPTEMBRE 2001, ÉTATS-UNIS
D’abord : ce qui suit n’émane pas d’une officine conspirative mais du cœur de l’État fédéral américain [Congress of the United States… TOP SECRET… Joint inquiry into intelligence community activities before and after the terrorist attacks of september 2001 » 1]. Lire ce document déclassifié – à grand peine – sur demande de victimes de ces attentats, répond clairement à la question qui taraude les experts depuis septembre 2001 : JAMAIS l’appareil logistique appuyant les 20 terroristes du 11 septembre n’a été identifié. Nul membre cette cellule logistique qui forcément a agi aux États-Unis, n’a jamais été poursuivi, arrêté ou jugé.
Or la réalité, la nature, l’étendue de ce réseau logistique d’al-Qaïda sont connus à Washington depuis 2002, figurant dans les 28 pages les plus secrètes du rapport ici mentionné. Que disent-elles ? Allons vite : ce crucial réseau logistique opérait depuis l’ambassade saoudienne de Washington. Citons le rapport : « Aux États-Unis, des pirates de l’air du 11 septembre étaient en contact, et ont reçu aide et assistance, d’individus liés au gouvernement saoudien… Aux moins deux de ces individus seraient, selon des sources, des officiers de renseignement saoudien… Des associés d’officiels saoudiens aux États-Unis auraient d’autres liens encore avec al-Qaïda ».
Suivent 28 pages de noms, dates, actes repérés par le FBI ou la CIA ; de téléphones et adresses. En septembre 2020, une juge de New York donne enfin aux victimes le droit de poursuivre « 24 officiels, ou ex-officiels saoudiens » et révèle le nom (caché depuis 2002 !) du chef du réseau de soutien : Mussaed Ahmed al-J… chef de cabinet du prince royal de la famille al-Saoud, alors ambassadeur à Washington.
Ces énormes révélation ont fait peu de bruit aux États-Unis et sont ignorées en Europe. Coïncidence ? Les mutiques médias d’information sont d’usage assujettis à des GAFAM, eux-mêmes couverts d’or par l’Arabie saoudite.
ATTENTATS DU 13 NOVEMBRE 2015 À PARIS
Rappel : lors de la vague d’attentats des années 1980 (bombes à Paris, prise d’otages, etc.), les officiels français découvrent à grand peine, lentement, que ces multiples actes émanent tous d’un unique sommet ; que derrière l’apparent chaos terroriste, existe un bouton marche-arrêt. Quand la France fait certains gestes, les attentats la frappant au Liban, à Paris, s’arrêtent net, au coup de sifflet.
Maintenant : la longue attaque (novembre 2015-printemps 2016) de Paris à Bruxelles mobilise une centaine d’individus de dix pays divers, actifs de la zone Irak-Syrie au cœur de l’Europe ; unis par cellules coordonnées, disposant d’une complexe et solide logistique : lire les actes de justice déjà publiés suffit à s’en convaincre.
Cette opération si bien conçue et exécutée a-t-elle germé dans le seul esprit de simplets à la Abdeslam, alcooliques ou toxicomanes, fanatisés à la va-vite et hypnotisés par le constant radotage des rares formules coraniques meublant leurs pauvres têtes ? C’est fort douteux.
On verra dans un prochain article que les États-cibles commencent à entrevoir un piratage d’État, derrière la masse d’intrusion de leurs systèmes numériques les plus secrets ; ces mêmes États ont encore un vaste effort de lucidité à accomplir face au péril qu’ils sous-estiment, voire nient, depuis deux décennies : le terrorisme d’État. ■
Xavier Raufer
Docteur en géopolitique et criminologue.
Il enseigne dans les universités Panthéon-Assas (Paris II), George Mason (Washington DC) et Université de Sciences politiques et de droit (Pékin)
© JSF .
Je crois me rappeler que juste après le 11 septembre, l’ambassadeur d’Arabie Séoudite aux USA a été exfiltré par GW Bush alors que tous les vols avaient été suspendus sur le territoire américain