Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
Ses cinq prédécesseurs depuis l’élection présidentielle de 1974 avaient fait, en vain, le voyage d’Alger : Giscard d’Estaing, avril 1975 ; Mitterrand, décembre 1981 ; Chirac, mars 2003 ; Sarkozy, décembre 2007 ; Hollande, décembre 2012.
En mettant ses pas dans les leurs, M. Macron espérait certainement, ce 6 décembre 2017, qu’il parviendrait, lui, à débloquer enfin la situation et, selon ses propres termes, à « tourner la page ». Ce qui ne fut pas le cas. Il commande donc en juillet 2020 à M. Stora, historien spécialiste de l’Algérie mais très « engagé », un rapport sur « les mémoires de la colonisation et de la guerre d’Algérie ». L’objectif affiché est ambitieux : « la réconciliation entre les peuples français et algérien », sur la base d’une paix mémorielle.
Il faudrait se demander d’abord si la chose est tout simplement possible tant qu’existera à Alger un pouvoir qui a fait de l’hostilité à la France sa marque de fabrique, qui vit et prospère depuis 1962 sur les fantasmes de son roman national et qui en est toujours à tout exiger de la France sur les plans moral et matériel. Or, s’il est vrai que toute colonisation et toute guerre ont forcément leur part d’ombre, vient un moment où il ne sert plus à rien de se poser en victime : c’est un de ces domaines où la moitié de la planète aurait, à l’évidence, des raisons de se plaindre de l’autre moitié – et réciproquement.
Malheureusement, côté français, les intellectuels de l’après-guerre n’en finissent plus de condamner une période coloniale qu’ils jugent totalement contraire à leurs sacro-saintes valeurs, oubliant que c’est la Troisième République qui a donné sa dimension idéologique au « colonialisme » français. Bien entendu, cette condamnation qui suinte la moraline n’a fait que conforter le régime algérien dans sa lecture des « événements ».
Reconnaissons donc à M. Stora le mérite, assez étonnant, de tenir la balance égale en dénonçant « l’instrumentalisation d’une « rente mémorielle » des deux côtés de la Méditerranée, près de soixante ans après la fin du conflit (1954-1962). » Ce jugement mesuré permet à l’Elysée, dès le rapport remis, de faire savoir qu’il n’y aura « ni repentance ni excuses » ce qui provoque la fureur de certains, à l’image du journaleux-intello-de-gauche Jean-Michel Aphatie qui s’emporte jusqu’au ridicule sur les plateaux des chaînes de télévision.
On peut être en revanche désapprobateur sur l’annonce de certains « gestes forts et symboliques » pour 2022, soixantième anniversaire de la fin de la guerre en Algérie. Désapprobateur sur leur bien-fondé d’abord : panthéoniser Gisèle Halimi, fortement engagée aux côtés du FLN ? établir une égalité de traitement entre les harkis, frères d’armes de nos soldats, et les Algériens pro-FLN tués par la police à Paris le 17 octobre 1961 ? commémorer la reddition en rase campagne que constituent les Accords d’Evian du 19 mars 1962 ? Désapprobateur aussi, et surtout, sur leur intérêt : ces gestes, sans réciprocité aucune, risqueront fort d’être contre-productifs et de renforcer le pouvoir algérien dans son attitude victimaire et les « Algériens » de France dans leur rancœur.
Repentance et excuses, directes ou indirectes, sont non seulement injustifiées mais de toute façon inutiles. Que chacun commémore ce qu’il a à commémorer, sans surenchère. On peut même espérer que certaines des préconisations du rapport Stora, dans la mesure où elles sont fondées sur une approche historique objective et partagée, puissent se révéler positives. Mais il faudra aller plus loin pour établir une relation véritablement fructueuse entre les deux pays. La voie est étroite mais il n’y a qu’une voie. Elle est politique et passe par des projets communs dans les secteurs stratégiques.
Tout le monde doit comprendre et admettre que la guerre est finie. ■
* Agrégé de Lettres Modernes.
Retrouvez les Lundis précédents de Louis-Joseph Delanglade.
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source
Superbe !
Qui a le plus besoin de l’autre: la France ou l’Algérie??????. Combien de Français encore là bas et combien d’Algériens chez nous????En cas de rupture brutale ce sera bien l’Algérie qui perdra le plus
Bravo pour cette analyse mesurée et objective.
Le FLN au pouvoir depuis l’indépendance a mis le pays en coupe réglée et s’est maintenu par l’instrumentalisation de la « colonisation » mais les algériens et surtout les algériennes sont de moins en moins dupes: la « repentance » ne ferait que consolider le pouvoir en place et donc retarder la solution qui ne peut passer que par le remplacement de la clique au pouvoir. Inutile de mentionner que les pieds noirs n’ont pa sété consultés et pourtant la plupart ont constaté par leurs contacts qu’ils sont toujours respectés par une grande partie de la population. Il faut peut-être rappeler la mission de la France et ses réalisations en Algérie mais parallèlement le rappel des horreurs commises par le FLN. Si on veut « panthéoniser » Gisèle Halimi pourquoi ne pas maintenir l’équilibre en mettant au Panthéon Raoul Salan et Maurice Bigeard, d’ailleurs ce mausolée manque singulièrement de militaires alors que quelques criminels y sont!