Un peu d’histoire …
Une histoire du pétrole couvre aisément 1.000 pages. C’est le cas de l’ouvrage d’un chercheur américain, Daniel Yergin avec son « The Prize, The epic quest for oil, money and power, 1991». Tenter d’en extraire les évènements cruciaux conduit à des choix forcément subjectifs. Si la liste est très loin d’être exhaustive, au moins les épisodes rapportés furent ils déterminants dans cette aventure de l’Humanité qui dure encore et dont la fin est loin d’être atteinte malgré certaines prévisions apocalyptiques très mal documentées.
L’huile de pierre dans les religions
Pendant très longtemps les hommes n’ont pas soupçonné l’existence de gisements profonds de produits pétroliers. La seule connaissance de cette substance mystérieuse parvint par les affleurements. Pourquoi engendre-t-elle le feu ? Il faut remarquer que le culte du feu fut d’une grande importance dans ce Moyen-Orient où les réserves enterrées sont les plus riches du monde. Il revient aux Perses d’en avoir fait l’objet suprême d’un culte. Sur la rive occidentale de la Caspienne le gisement de pétrole qui traverse la région jusqu’au littoral opposé est ici à fleur de terre. Il suffit d’une étincelle pour l’enflammer. Il flambe depuis le déluge disent les fidèles, et ne s’éteindra qu’à la fin du monde. C’est là que Zoroastre, huit siècles avant notre ère a instauré le culte mazdéen. Le feu naturel de la terre devient feu surnaturel pour les hommes. A travers la Perse les siècles passent sans que s’éteignent les feux sacrés.
Azerbaïdjan, Lokbatan (ci-dessus), et Yanargad (ci-dessous) : avec les grandes réserves de gaz et pétrole dans le sous-sol de l’Azerbaïdjan et de la mer Caspienne, et les émanations gazeuses qui en résultent, des « flammes perpétuelles » habillent les collines environnant Bakou…
L’Ancien Testament aussi a pour cadre une terre à relents de pétrole, une terre à bitume. Si la Bible ignore presque constamment le pétrole, on le décèle à l’arrière-plan. Noé doit enduire son arche de bitume. Des noms différents, bitume, asphalte, bitume de Judée. Et le buisson ardent. Comme on ne comprend pas l’origine du feu, il est miraculeux. Le pétrole est présent dans le deuxième livre des Maccabées « … Néhémie appela ce liquide nephtar, ce qu’on interprète par purification, mais la plupart le nomment nephtaï … ». Le naphte entre en scène.
Où rencontre-t-on ce pétrole ? Les hommes de l’Antiquité ne peuvent pas savoir qu’il se cache dans les profondeurs de la terre. Il n’est donc décelé que par hasard. Autour du Tigre et de l’Euphrate, en Perse et au pied du Caucase, où il affleure et il brûle, aux Indes, en Birmanie, en Chine, Mais ni les Grecs ni les Romains ne sont très avancés dans leur connaissance de l’huile mystérieuse.
Son utilisation relève de l’empirisme, dans les balbutiements de la médecine, proche de la magie, embaumement des morts, comme arme (flèches enflammées) et l’apparition du feu grégeois devant Constantinople contre les musulmans qui font le siège de la ville en 673.
On observe que les gisements connus durant les dix-huit premiers siècles de l’ère chrétienne sont pour la plupart ceux qui étaient déjà repérés durant les millénaires précédents. Et l’on aborde le XIX ème siècle sans découverte majeure, dans aucun domaine.
L’humanité en est toujours aux nappes de surface. Mais vers 1770 du pétrole est tiré de puits dans la région de Parme. On en trouve aussi en Languedoc, diocèse de Béziers, vers 1700. Ainsi qu’une source de bitume vers Clermont en Auvergne.
En Alsace le pétrole est repéré depuis plus longtemps, vers 1625. L’huile de Pechelbronn purge, nettoie les plaies, guérit de la surdité. On découvre qu’elle peut bruler dans les lampes. A partir de1755 Pechelbronn fait l’objet d’une industrie régulière avec des puits de 5 à 30 mètres de profondeur (lettres patentes du roi Louis XV).
Le « feu grégeois » (du latin graecus, grec) était un peu l’ancêtre du napalm moderne.
La formule en est attribuée au « chimiste » Callinicus, qui l’aurait élaborée vers 670. Ce mélange particulièrement inflammable de naphte, salpêtre, soufre et bitume brulait même au contact de l’eau. Les Grecs l’appelaient feu « liquide » ou « maritime »; il produisait une fumée épaisse et une explosion bruyante qui ne manquait pas d’effrayer les Barbares…
Le temps des lampes à pétrole.
La transformation de l’éclairage des huiles végétales vers les huiles minérales fut assez lente. Mais constitue la première étape importante, qui va enclencher un vrai besoin de consommation. Il est peu connu que les historiens situent l’utilisation systématique du pétrole dans les lampes, après distillation, en Roumanie et en Allemagne du Nord. Raffiné en Moldavie et distribué à Bucarest, et aussi des découvertes de grandes nappes autour de Hanovre à la fin du XVIIIème siècle. Vers 1850 les Polonais améliorent la distillation (éclairage complet de l’hôpital de Cracovie). La France n’est pas en reste. À Autun le bassin est riche de schistes bitumineux imprégnés d’hydrocarbures. En 1836 le pharmacien Alexandre Legros fait une première distillation et condense … du gaz de schiste. Il présente sa technique à l’Exposition de 1855, et les fûts d’huile de schistes quittent le pays morvandiau vers les cités de France, et jusqu’en Amérique. Gloire éphémère car les huiles exotiques vont rapidement remplacer les fours d’Autun. Dans le même temps en Écosse on chauffe une houille, mauvais combustible, pour en extraire un liquide voisin de l’huile de schistes. La jeune industrie de cette huile lampante gagne l’Angleterre, et elle est bientôt achetée en grande quantité par les Américains. Avant de se lancer eux-mêmes dans la distillation de leurs schistes locaux. Un jeune canadien Abraham Gesner repère au Nouveau-Brunswick, une espèce d’asphalte d’où il extrait une huile combustible propre à remplacer les huiles végétales et l’huile de baleine. Il la baptise kerosen, de la racine grecque keros qui désigne la cire.
Et l’Amérique entre en scène
À l’ouest de la Pennsylvanie, non loin du lac Erié, autour de Titusville, on cherche du sel dont les paysans de l’endroit ont bien besoin pour leur bétail et leurs conserves. En grattant le sol on trouve une eau salée, d’où l’on tire les précieux cristaux blancs, mais au fond des puits l’eau est polluée par une substance graisseuse de couleur noire. D’abord rejeté dans les cours d’eau, ce pétrole sera utilisé pour ses vertus médicinales (rhumatisme, toux, rhume, asthme, toutes les fièvres …etc). Il ne faut pas longtemps pour découvrir qu’après distillation on tient une huile merveilleuse pour l’éclairage, de même nature que le kérosène. Après avoir tâtonné sur la meilleure utilisation de ce liquide, il est décidé que l’éclairage est le meilleur débouché. L’équipe de pionniers qui s’est rassemblée autour de l’initiative fondent la Pennsylvania Rock Oil Company au capital de 500.000 dollars (1854). Ils accueillent quelques nouveaux venus. L’un d’eux, petit employé de chemin de fer, place 250 dollars ; il s’appelle Edwin Drake. Le premier « héros » de l’histoire du pétrole. Un banquier s’étant adressé à lui avec le titre de colonel, l’appellation demeure bien qu’il n’ait jamais rien eu à faire avec l’armée. L’aventure des découvertes en Pennsylvanie est connue, et les principales caractéristiques, un pétrole accessible à faible profondeur (20 m), de respectables quantités, une demande en croissance pour une utilisation qui reste l’éclairage. Bien que rapidement différents composants apparaissant dans une colonne de distillation trouvent des applications … sauf pour le haut de la colonne, où une fois condensée, l’essence est jetée.
Et l’Europe comme important débouché. Une conséquence de la guerre de sécession est que l’exportation du pétrole supplante le commerce du coton vers le vieux continent le temps des quatre années de conflit. Une telle croissance de la demande génère une fébrilité, autant de création de sociétés que de faillites.
Le premier puits de Drake, reconstitué à Titusville, Pensylvannie…
C’est dans ce contexte qu’un jeune investisseur de 26 ans, John Davison Rockefeller, rachète les parts de son associé qui a décidé de se retirer (Février 1865). La Standard Oil est née, enregistrée en 1870 comme Standard Oil Company of Ohio. Parallèlement la distillation a été systématisée dans des installations, les raffineries. Ce que Rockefeller considère initialement comme une activité marginale, lui apparaît assez vite profitable, et il rachète des installations existantes, de même que des sociétés de forage qu’il estime mal gérées. La course à la croissance est lancée et la fin de la guerre civile provoque une expansion de l’industrie et du commerce dans toute la fédération, jamais égalée depuis. Un jour, Standard Oil s’appellera Exxon.
En 1850, un nouveau venu, la Shell, dont on dira plus.
Mais en 1865 on en était toujours dans la période du pétrole lampant (à suivre, mercredi et jeudi…)
Noël Stassinet sur On attend une vigoureuse réaction du…
“Alors les grands penseurs de la gôôôche on se réveille ? On a une panne de…”