Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
Mme Duflot au micro de France Inter : « Si la justice bouge, si la justice marque les choses de manière nette contre l’Etat*, ce sera un point d’appui pour continuer le combat. »
Et, lui donnant satisfaction, la justice a « bougé » le 3 février puisque, pour « ses carences fautives dans le respect de ses engagements en matière de lutte contre le réchauffement climatique », voici l’Etat français condamné en bonne et due forme par un jugement du Tribunal Administratif de Paris. Serait avéré un préjudice moral (?) pour lesquelles les malheureuses victimes (quatre associations écologistes requérantes, coalisées dans « L’Affaire du siècle ») ont perçu un euro symbolique. A se partager ? On pourrait, on voudrait, n’avoir qu’à sourire de cette situation qui frise l’ubuesque et fait plutôt penser à un chahut écolo-médiatique habilement orchestré par les Duflot, Julliard et compagnie, à l’image de ce jugement acclamé sur l’air des lampions.
Mais la chose est plus sérieuse, grave même. Les professionnels de l’écologisme l’ont bien compris : « cette décision marque […] une avancée [sic] majeure du droit français » (Novethic, 3 février). Qui pis est, l’affaire n’est pas terminée, le juge administratif se laissant deux mois avant de prendre des mesures supplémentaires, plus coercitives, pour répondre (ou pas ?) à la fameuse injonction à agir réclamée par les O.N.G. Le Conseil d’Etat pourrait même, paraît-il, avoir à trancher in fine. Quoi qu’il advienne, c’est la première fois qu’un tribunal français juge l’inaction climatique de l’État : une digue a cédé. La Justice, par l’intermédiaire de certains de ses représentants, oeuvre ainsi à l’instauration d’un véritable gouvernement des juges, sur la base d’une judiciarisation outrancière de la vie politique, alors même que les arbitrages relatifs au domaine régalien ne doivent, par principe, ne relever que du seul politique.
Certains se réjouissent benoîtement, et affirment avec une bonne dose de mauvaise foi, comme l’a fait M. Legrand (France Inter, 4 février) que « ceux qui crient, en ce moment, à la politisation de la justice ou à l’horrible sur-judiciarisation de la vie politique veulent simplement que la France ne respecte pas sa signature pour pouvoir continuer à polluer et carboner l’atmosphère en paix. » C’est quand même un peu court. C’est surtout ne pas envisager les conséquences à terme. A l’opposé, mais pas plus convaincants, la plupart de ceux qu’inquiète le jugement soulignent que celui-ci pose un problème de légitimité démocratique, argüant que ni les plaignants ni les juges ne sont revêtus de cette légitimité.
On peut comprendre et approuver qu’une politique environnementale digne de ce nom soit menée. Mais on ne peut admettre que, par une démarche s’inscrivant à l’évidence dans une stratégie politicienne d’ensemble, des groupes de pression écologistes cherchent à promouvoir leurs idées via le terrain judiciaire, en s’appuyant sur une « pétition citoyenne » qui a recueilli deux millions de signatures. On est maintenant face à une possible jurisprudence qui justifiera(it) d’autres pétitions tout aussi citoyennes, sur n’importe quel sujet et dans n’importe quel domaine, fussent-ils stratégiques c’est-à-dire vitaux pour le pays, permettant de traîner l’Etat en justice, au risque ou dans le dessein de le déstabiliser, le paralyser et, en fin de compte, le décréditer – et la France avec lui.
Au total, ce petit euro symbolique pourrait nous coûter cher. ■
* C’est nous qui soulignons.
* Agrégé de Lettres Modernes.
Retrouvez les Lundis précédents de Louis-Joseph Delanglade.
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source
On chercherait en vain dans le texte e la Constitution de 1958 le terme de « Pouvoir judiciaire » ; le titre VIII (articles 64 à 66-1) parle d' »Autorité judiciaire », donnant simplement un peu plus d’autorité et de spécificités qu’à « L’autorité préfectorale » ou « L’autorité militaire » et fixant des règles de fonctionnement contraignantes.
Mais s’appuyant sur Montesquieu qui distingue, lui, trois « pouvoirs », les juges n’ont eu de cesse, depuis 58 que de tenter d’éroder cette interprétation et de se vouloir « Pouvoir ». Et cette absurde théorie a envahi les esprits, sur le modèle anglo-saxon.
Si, bien sûr, et de tout temps, les magistrats du Siège ont revendiqué une inamovibilité qui est le gage de leur indépendance, il n’en est pas de même de ceux du Parquet. et d’excellents auteurs naguère ont même appelé à couper davantage ces deux fonctions et de faire des Procureurs de véritables « préfets judiciaires », ce qui serait parfaitement logique et bienvenu.