Par Daniel Larouman.
La violence politique a, en plusieurs occasions, fait des victimes à Marseille.
Ce fut le cas voici presque 100 ans en 1925 à la salle Prat.
Aux élections de 1924, le cartel des gauches, réunissant socialistes et radicaux, avait obtenu la majorité à la Chambre des députés. Le gouvernement, dirigé par Edouard Herriot, en prétextant vouloir mettre fin au statut particulier de l’Alsace-Lorraine redevenue française, se lança dans une violente politique anticléricale.Les catholiques se défendirent en créant la FNC (Fédération Nationale Catholique), présidée par le général de Castelnau.
L’annonce d’une réunion de la FNC à Marseille le 9 février 1925 fut ressentie comme une provocation par la gauche.
Le maire Siméon Flaissières fit coller des affiches dénonçant « les ennemis héréditaires de la République ». De nombreuses associations de gauche appelèrent à une manifestation contre une réunion qualifiée de « fasciste ».
Le soir du 9 février, des milliers de manifestants, élus socialistes en tête, s’attaquèrent à la salle Prat, 150 rue Paradis, où se tenait la réunion qui commença par une prière de Monseigneur Champavier, évêque de Marseille.
Pendant deux heures, les adhérents de la CGT, de la CGTU, du PC, de la SFIO et de « l’Union socialiste-communiste » de Simon Sabiani (qui était alors d’extrême-gauche) se heurtèrent à la police entre les rues Sainte-Victoire et Saint-Suffren, sans pouvoir pénétrer dans la salle.
La réunion terminée, des commandos de militants armés de poings américains, de matraques et de revolvers s’en prirent aux spectateurs qui rentraient chez eux. Pendant cette véritable chasse à l’homme, dans le triangle rue Paradis-place Castellane-place de Rome, les prêtres, faciles à reconnaître car ils étaient en soutane, furent particulièrement visés, comme le ciré d’Aubagne ou celui de Cuges qui dut être hospitalisé.
Mgr Champavier échappa aux coups grâce à un groupe de jeunes qui vint s’interposer.
L’abbé Jean-Baptiste Fouque, le fondateur de l’hôpital St Joseph et de très nombreuses œuvres charitables, reçut un coup de matraque, ainsi que l’abbé Augustin qui l’accompagnait. L’abbé Fouque avait 74 ans. Il mourut l’année suivante.
Le déchaînement de violence fit plus de 100 blessés et deux morts.
Ephrem Ville, 58 ans, hôtelier demeurant 45 allées Léon Gambetta, reçut, lors d’une bagarre rue de Rome, un projectile (pierre ou plaque de fonte) qui occasionna une double fracture du crâne. Il mourut à l’Hôtel-Dieu après trépanation.
Louis Vian, 32 ans, de St Barnabé, expert en graines oléagineuses, fut atteint d’une balle de revolver à l’abdomen rue Paradis. Il mourut clinique Bouchard où il avait été transporté.
Le 12 février, aux obsèques des deux victimes, la foule des Marseillais fut considérable. Madame Ville avait demandé au maire et à son conseil municipal de se dispenser d’y assister.
Un débat à la Chambre des députés fut rapidement expédié.
L’auteur du coup de feu qui tua Louis Vian, Ricardo Caretti, un Italien membre du parti communiste, fut condamné le 29 octobre 1925 à 7 ans de réclusion et à 5 ans d’interdiction de séjour.
Et on se dépêcha d’oublier cette sanglante soirée.
Sur l’ancien emplacement de la salle Prat, aucune plaque n’évoque le drame.
Ville et Vian n’eurent pas de rue à leur nom (l’actuelle rue Vian dans le 6e arrondissement n’a rien à voir avec Louis Vian).
La violence politique est toujours condamnable. Mais elle est condamnable quelle que soit son étiquette. La mémoire ne doit pas être sélective. ■
Première publication 21 février 2021
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Merci pour cette notice; les faits sont quasiment oubliés. D’une lecture hâtive et ancienne je les croyais, à tort donc, survenus le 6 février 1925.