Par Pierre Debray.*
Cette nouvelle étude reprise de Je Suis Français (1983) est une suite publiée ici au fil des jours de la semaine sauf le week-end. Une fois opérés les correctifs contextuels substantiels qui découlent du changement d’époque, et discerné ce qui est devenu – fût-ce provisoirement – obsolète, elle constitue une contribution utile à la réflexion historique, économique, sociale politique et stratégique de l’école d’Action Française.
II – ALLEGEONS LE BUDGET SOCIAL
Pendant des années nous avons été seuls à l’écrire.
Maintenant même le C.N.P.F. le reconnaît. Le septennat de Giscard fut un désastre économique. Pour ne pas chagriner les électeurs, pour ne pas mécontenter le syndicats, le pouvoir giscardien laissa le niveau de vie des Français grimper allègrement, faisant supporter aux entreprises les deux chocs pétroliers. Accablées de charges, contraintes de s’endetter, elles n’ont pu investir. La France va-t-elle manquer la grande mutation technologique qui s’accélère ? Si la politique d’austérité, imposée par Delors, parce qu’il se trouvait le dos au mur, avait été engagée dès 1974, notre pays aurait sans doute réalisé les prévisions des futurologues de l’Hudson Institute qui, en 1973, annonçaient que nous serions, en 1985, le moteur de l’économie mondiale. Les futurologues, malheureusement, ne font pas entrer le facteur politique dans leurs calculs. Ce qui n’empêche pas Giscard et ses complices Barre et Chirac, de parader sur les estrades, en reprochant aux socialistes une incompétence dont ils ont donné l’exemple.
M. Mitterrand déplore de ne pas avoir dévalué dès le 25 mai 1981. S’il avait appliqué, à l’époque, les mesures de rigueur qu’il prend aujourd’hui, nous commencerions de voir « le bout du tunnel » que Giscard nous promettait pour 1975. Une chose est sûre, la France va manquer le rendez-vous de la relance, sans doute précaire, que propose à l’Occident l’économie américaine. De nouveau, la France est « l’homme malade » de l’Europe. Il faudra pour opérer un redressement durable des mesures autrement radicales que celles, toutes conjoncturelles, que propose Delors. Répétons-le, rabâchons le même, selon le conseil de Maurras : la crise que nous traversons est financière. Pour réaliser la mutation technologique, il faut de l’argent, énormément d’argent. Afin d’investir, nous devons dégager des centaines de milliards. Ce n’est pas la « purge » qu’administre M. Delors qui les fournira. Au mieux, elle évitera la faillite mais au prix d’une récession d’autant plus longue que le pouvoir socialiste n’osera pas accepter les trois millions de chômeurs que suppose la réussite du plan Delors.
D’où la nécessité, si l’on veut se donner les moyens d’investir, de dégager les capitaux nécessaires à la modernisation de notre appareil de production, sans recourir à l’emprunt, qui grève les entreprises de frais financiers, avec pour conséquence obligée de réduire la marge de profit. L’Etat n’a pas à aider les entreprises, comme il le fait depuis trop longtemps par un système d’aides. de prêts bonifiés ou d’interventions directes par l’intermédiaire de l’ID1 ou de la DATAR ; ce qui a l’inconvénient de distribuer l’argent des contribuables selon le bon plaisir de technocrates au terme de procédures lentes, complexes et coûteuses. En dehors de cas de force majeure, des inondations par exemple, pas un centime ne devrait être détourné au profit d’entreprises ou de catégories socio-professionnelles, si respectables et méritantes soient-elles. Tout ce que l’Etat peut faire, c’est de leur donner leurs chances, en leur permettant de trouver sur le marché ‘des capitaux les fonds dont elles ont besoin et en allégeant leurs charges.
La disparition d’impôts anachroniques, comme l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les successions en ligne directe doit s’accompagner du remplacement de l’impôt sur les bénéfices qui pénalise les entreprises les plus utiles à la société, celles qui réalisent des profits, par un impôt sur le chiffre d’affaires qui, outre qu’il serait anti-inflationniste, permettrait un contrôle plus aisé. Il faut absolument libérer les Français du terrorisme fiscal, par des impôts simples ; c’est la seule manière de limiter la fraude et l’é\ asion de› capitaux.
De ce point de vue, il conviendrait d’instituer le secret bancaire et même d’autoriser, du moins pour les non-résidents, l’ouverture de comptes numérotés. Sans doute faudrait-il même inscrire le secret bancaire dans la constitution, afin de restaurer la confiance. Autant il est normal que l’Etat évalue la richesse des citoyens ou le chiffre d’affaires des entreprises, autant il est intolérable qu’il se livre à l’inquisition fiscale, avec pour seul résultat d’engraisser d’argent français les Suisses, les Luxembourgeois et quelques îliens d’Amérique latine. Certes, il y aura toujours des fraudeurs. N’ayant plus d’excuses, ils devront être, comme aux Etats-Unis, châtiés durement. Le bagne à perpétuité pour les plus coupables constituerait une excellente arme de dissuasion.
Solidarité et assurances
Si la réforme de la fiscalité est une condition nécessaire de la modernisation de l’appareil de production, ce n’est pas une condition suffisante. La réorganisation du budget social de la nation s’impose d’autant plus qu’il augmente beaucoup plus vite que le P.N.B. Au train où vont les choses, son poids écrasera l’économie française, en dépit des mesures d’économie, d’ordinaire d’une efficacité médiocre puisqu’elles restent, elles aussi, conjoncturelles. Il faut s’attaquer aux structures.
Tout le système repose, en effet, sur une imposture, « la part patronale » dont le C.N.P.F. porte la responsabilité. Il l’a inventée pour s’assurer, avec la complicité de F.O. (qui en a tiré de juteuses prébendes) le contrôle des caisses. La notion de « part patronale » arrange d’ailleurs tout le monde, puisqu’elle permet de faire croire aux salariés que c’est, pour l’essentiel, le patron qui paie. En réalité, les cotisations que verse l’entreprise entrent dans la masse salariale. Qu’elles soient versées à la Sécurité Sociale et non au salarié n’y change rien. Une fois cette fiction abolie, celui-ci découvrirait que lorsqu’il touche 5.000 F, il coûte 7.500 F à l’entreprise. Qu’on l’oblige à déposer lui-même ces 2,500 F chez. le percepteur favoriserait les prises de conscience. La transformation progressive de l’entrepreneur en percepteur supplétif (et non rémunéré) est une erreur. Sauf pour la T.V.A., le prélèvement à la source devrait se faire au niveau du compte, postal ou bancaire, du salarié. Celui-ci doit savoir ce que lui coûte l’Etat.
Etrange démocratie qui n’ose pas informer les citoyens du montant réel de leurs contributions ! (À suivre, demain mardi) ■
* Je Suis Français, 1983
Lire aussi notre introduction à cette série…
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Remarquable. Merci.