Par Pierre Debray.*
Cette nouvelle étude reprise de Je Suis Français (1983) est une suite publiée ici au fil des jours de la semaine sauf le week-end. Une fois opérés les correctifs contextuels substantiels qui découlent du changement d’époque, et discerné ce qui est devenu – fût-ce provisoirement – obsolète, elle constitue une contribution utile à la réflexion historique, économique, sociale politique et stratégique de l’école d’Action Française.
Le système est incapable
de résoudre la question de l’immigration
Pourquoi n’en avons-nous pas fait autant ? (Que les Japonais – voir l’article précédent). Parce qu’en France l’Etablissement, le capitalisme financier domine la capitalisme industriel et ne cherche que le profit immédiat sans viser le long terme.
Le taylorisme, privant l’ouvrier de toute responsabilité, parcellisant les tâches, exige des travailleurs sans la moindre qualification. On les a cherchés dans les campagnes. Au bout d’une génération, les jeunes ont commencé à déserter l’usine, devenant fonctionnaires, employés de banques, vendeurs. Au lieu de comprendre comme l’a fait Ford qu’il fallait compenser par de hauts salaires la disqualification du travail manuel puis, comme les Japonais, qu’il convenait de faire participer les ouvriers à l’organisation du travail et à l’amélioration de la productivité, notre Etablissement a développé une hiérarchie salariale aberrante. Le manœuvre aux écritures qui passe sa journée derrière un bureau à classer des documents a été beaucoup mieux payé et surtout considéré que l’ouvrier. Il est vrai qu’il était difficile de recruter des travailleurs immigrés pour gonfler, jusqu’à la pléthore, le secteur tertiaire.
Le giscardisme, invoquant des raisons humanitaires, encouragea les immigrés à faire venir leurs familles en France. M. Stoleru dissimulait derrière l’idéalisme du discours de sordides questions de gros sous. Il s’agissait de limiter les sorties de devises. Les immigrés consommaient peu, pour envoyer leur salaire à leur famille. Celle-ci, installée en France, ferait marcher le commerce. Ce serait tout bénéfice, d’autant que les grands ensembles, construits à la va-vite pour loger les rapatriés commençaient à se vider d’une population courageuse qui avait su améliorer rapidement ses conditions d’existence et désertait des immeubles qui se dégradaient aussi rapidement qu’ils avaient été édifiés. Mais les enfants déracinés, mêlés dans des classes surpeuplées aux petits français, pouvaient-ils sauf exception, apprendre convenablement notre langue et poursuivre une scolarité normale ? Aucune importance, pensait, mais ne disait pas, M. Stoleru puisqu’ils sont, comme leurs pères, voués à la chaîne. C’était oublier qu’ils ne tarderaient pas à partager le dégoût du travail posté des petits français.
La première guerre mondiale avait marqué la fin des « classes dangereuses ». Les travailleurs que nous amenions de notre Empire s’étaient tout naturellement installés dans les quartiers chauds, libérés par les métropolitains. Ainsi, à Paris, le quartier de la Goutte d’Or. Nous débarrasserons-nous, comme nous y étions parvenus, des classes dangereuses que nous avons laissé se reconstituer ? Sans doute aurions-nous pu l’espérer dans le cadre de l’Algérie Française, en menant une politique d’intégration. L’armée aurait joué son rôle de creuset. A quoi bon refaire l’histoire ? Nous nous trouvons en face d’une situation désormais insoluble, sinon au terme d’un drame national.
Les immigrés de la seconde génération sont plongés dans un monde trop proche d’eux et cependant inaccessible. Ils ont pris nos habitudes de vie et nos désirs mais sans qu’il leur soit possible de mener une existence semblable à la nôtre. Installés dans des quartiers misérables, sans espoir de promotion sociale, ils se sentent de trop. Si nous voulons que notre industrie lourde demeure compétitive, il faudra bien robotiser et d’autant plus vite que notre retard est plus grand. L’O.S. sera chassé de l’usine, remplacé, comme au Japon, par des bacheliers moins nombreux et mieux payés. Il ne restera que les emplois précaires, les moins intéressants, moralement et financièrement pour une « armée de réserve du travail » composée de chômeurs. Il est évident qu’encadrés par les Khomeynistes ou les frères musulmans, aidés par un parti communiste qui, par une illusion tenace, croit encore qu’il contrôlera le mouvement, les immigrés de la seconde génération fourniront les combattants de terrifiantes révoltes.
Ils le deviendront d’autant plus facilement que, par le seul jeu des naissances, leur poids démographique va augmenter rapidement, à l’exemple des fils de harkis (Photo) qui approchent du demi-million. Si l’on ajoute les antillais, la menace devient pressante.
Quelques propositions réalistes
Alors, les renvoyer, en masse ? Ne tombons pas dans les slogans démagogiques d’hurluberlus d’extrême droite. Par tradition, nous• savons garder raison. Il serait dangereux, par des mesures trop brutales de déstabiliser le Maroc, la Tunisie et le Mali. Par ailleurs, notre industrie lourde n’est pas prête et, en période de récession, le départ de millions de consommateurs poserait des problèmes délicats de reconversion au commerce. Les enfants de harkis, les immigrés de la seconde génération nés en France et les antillais sont français. Cela fait déjà beaucoup de monde.
On peut formuler quelques propositions réalistes :
- création d’une carte d’identité informatisée, pratiquement impossible à falsifier, pour les étrangers.
- expulsion de tout immigré qui se trouve en situation irrégulière mais aussi des délinquants, famille comprise. Nous avons nos proxénètes ; nos trafiquants de drogue et nos bandits. Inutile d’en importer. Cette mesure permettrait de freiner la montée du racisme et profiterait aux immigrés honnêtes qui restent, quoi qu’on pense, la majorité.
- abolition de la loi qui accorde automatiquement la nationalité française aux étrangers nés sur notre sol. Ce qui réglerait notre différend avec l’Algérie. Celle-ci accepterait que l’abolition ait un effet rétroactif.
Il ne s’agit que de mesures de première urgence. Nous devons négocier avec nos partenaires le retour de tous les immigrés dans les dix ans. Nous y parviendrons en modifiant notre politique de coopération. Pour un certain nombre de produits qui exigent une main-d’œuvre abondante et bon marché, il convient que notre industrie accepte, à l’exemple de la japonaise, de créer elle-même des concurrents. De toute façon, ces concurrents existent déjà : Hong-Kong, la Thaïlande, Taiwan, l’Indonésie. Le Japon les a suscités. Montons en Afrique noire, au Maroc, en Tunisie des entreprises et formons les immigrés pour qu’ils fournissent la main-d’œuvre. Ils repartiront à mesure que nous leur fournirons du travail dans leur propre pays. Il faut se presser. Le Japon et même le Brésil commencent à s’intéresser au marché africain longtemps, pour la part francophone, notre chasse gardée. Pourquoi Renault n’installerait-il pas au Mali, dont la main d’œuvre est très adroite, une usine de montage, pour résister à la poussée japonaise ? Nos investissements aideraient, par leurs effets induits, des pays où nous gardons des amis, plus qu’une « aide » qui finance de grands travaux d’une rentabilité médiocre, en tous cas sans commune mesure avec leur coût. Ainsi serait engagée une politique sage, généreuse parce qu’intelligente.
Même l’Algérie, menacée du renvoi massif de ses ressortissants, se montrerait accommodante.
Peu à peu, nous allégerions le budget social de la nation. Ce qui libérerait des moyens financiers pour mener un effort de formation des antillais et des enfants des harkis. (Photo) En améliorant leurs conditions de vie, en les libérant de la promiscuité de l’immigration noire ou maghrébine, le danger de racisme étant écarté, nous engagerions le processus d’intégration, d’autant plus urgent à mettre en œuvre, qu’ils menacent de devenir des ennemis de l’intérieur. Que de fils de harkis, en particulier, parfois victimes de brimades racistes, révoltés, se retournent contre des pères, accusés d’avoir trahi pour rien l’Islam. En ferons-nous les plus dangereux agents du Khomeynisme ? La question doit être posée. (À suivre, demain vendredi) ■
* Je Suis Français, 1983
Lire aussi notre introduction à cette série…
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source
Textes prophétiques : la politique qui n’a pas été menée, aurait pu nous éviter le désastre auquel nous sommes confrontés.
La politique c’est l’art d’adapter les changements économiques, démographiques et militaires… au bien commun.
Politique d’abord ! Eliminons la logique politicienne qui nous empêche de l’exercer.