Par Pierre Debray.*
Cette nouvelle étude reprise de Je Suis Français (1983) est une suite publiée ici au fil des jours de la semaine sauf le week-end. Une fois opérés les correctifs contextuels substantiels qui découlent du changement d’époque, et discerné ce qui est devenu – fût-ce provisoirement – obsolète, elle constitue une contribution utile à la réflexion historique, économique, sociale politique et stratégique de l’école d’Action Française.
Défendre l’héritage
français
Là où le capital existait, même si des retards technologiques l’avaient amoindri, il a suffi de quelques générations, pour rejoindre les Européens et parfois les dépasser.
A preuve le Japon, la Corée du Sud, les Chinois de Taiwan et de Singapour, peuples de vieille et riche civilisation. Notre chance reste que la Chine continentale, sombrant dans la barbarie marxiste, n’ait pu devenir le redoutable concurrent qui nous aurait écrasé de son milliard d’hommes. Le sous-développement ne naît pas de l’inégalité des races. Un persan ou un noir du Ghana étaient, au temps de Charlemagne plus riches et plus cultivés qu’un Franc. Ce n’est pas de notre faute si l’Islam a stérilisé ces civilisations. Au train où vont les choses, qui sait si les Français dans un siècle ne seront pas des sous-développés, par rapport à des peuples plus actifs ou mieux gouvernés.
Pour l’instant, le capital existe. Il faut en tirer le meilleur parti et d’abord bien le répartir. Nous partons du principe que les Français sont solidaires. L’emploi du mot par les curés et les instituteurs qui nous oppriment, idéologiquement aussi bien que politiquement, le rend nauséabond. Pour nous, il ne s’agit pas d’un sentiment vague et diffus de fraternité universelle, mais d’un constat. Que la patrie soit plongée dans le malheur, le riche et le puissant s’en tirent mieux que le pauvre et le faible. Tous en souffrent, à l’exception de quelques charognards. Ma génération en a fait l’expérience en juin 40. Fût-il fainéant ou ivrogne, tout Français est le descendant de la cinquantaine de générations qui ont amassé le capital-France. Il a droit, en tant qu’usufruitier d’un patrimoine indivis, à sa part d’intérêt, afin de se soigner, d’élever convenablement ses enfants, de leur donner l’instruction qui leur permettra de gagner leur vie et d’achever son existence de façon décente. Ce droit n’est pas inscrit dans un code divin. Il n’est donc pas imprescriptible car il relève d’un constat économique : actuellement le capital-France produit des intérêts suffisants pour opérer cette distributions d’intérêts, au profit de chaque citoyen.
Instituer le « Capital-Santé »
Distribution d’intérêts et non redistribution de revenus. Dans le cas de l’assurance-maladie, le seul qui nous occupera ici, le système actuel parce qu’il confond tout, se révèle coûteux et compliqué. L’assurance est une chose, l’exercice de la solidarité nationale une autre. La Nation ne pouvant couvrir la totalité du risque, à chacun de s’assurer, comme il l’entend, pour la part qui lui revient. Par contre, une proportion fixée une fois pour toutes du produit intérieur brut (PIB) serait, dans notre système, bloquée pour constituer un « capital santé ». Chaque Français, dès qu’il naît, est intégralement couvert par ce capital santé, et ce à 100%. Il serait ,intolérable qu’un enfant, qui constitue par lui-même le capital le plus précieux, ne reçoive pas tous les soins dont il a besoin. A l’âge de la majorité, le jeune recevra un « compte santé » calculé en fonction de la moyenne des frais médicaux qu’un Français engage au cours de sa vie. Les données statistiques existent. Chacun gérera son compte comme il l’entendra. Certains l’économiseront en vue d’un « coup dur ». D’autres le gaspilleront, en « congés de, maladie » ou en médicaments superflus. Quand le compte sera épuisé avant l’âge fixé par l’espérance de vie que les statistiques attribuent aux Français, tant pis pour –l’imprévoyant. Il se débrouillera comme il pourra, à moins qu’il ne se soit doté personnellement d’une bonne assurance complémentaire. Il va de soi qu’à partir d’un certain âge – 75 ans – la société. comme pour l’enfant, assumera toutes les dépenses. Pour les âges intermédiaires, le compte sera, bien entendu, calculé en fonction des risques, qui grandissent avec les années, mais le principe demeurera le même.
Grâce aux progrès de l’informatique le compte-santé pourrait se présenter sous la forme d’une carte de crédit qui débiterait immédiatement hôpitaux, médecins et pharmaciens des sommes correspondantes. Mais même si, pour des raisons matérielles, la carte fonctionnait, comme les autres cartes de crédit, le patient ne verserait que le tiers payant, ce système n’exigerait aucun contrôle, aucun intermédiaire bureaucratique. Pas besoin de paperasserie. Le titulaire d’un compte le gérerait en homme responsable. Personne, ni le malade, ni le corps médical, ni l’hôpital n’aurait intérêt au gaspillage. Ces avantages rendent utopique, un tel système dans notre société démocratique. Raison de plus pour le proposer.
Capital-Santé et immigrés
Mais objectera-t-on, quelle place faites-vous aux travailleurs étrangers dans votre système ? Celle qui leur revient, en bonne justice. Tout travailleur contribue à créer de la richesse. Dans la mesure où, sa compétence, de l’expérience acquise ou du refus des Français d’accepter certaines tâches rendent nécessaire l’emploi d’un immigré, il est normal qu’il bénéficie des avantages sociaux que cette richesse qu’il contribue à créer permet d’accorder aux Français. Il recevra donc un compte-santé, en fonction de son contrat de travail. Si le contrat est rompu ou non renouvelé, le compte est clos. Par contre, il n’y a aucune raison d’en faire bénéficier sa famille, à laquelle la France ne doit rien. Cc serait d’ailleurs le meilleur service à rendre aux immigrés. Ces–avantages sociaux attirent des étrangers qui entrent clandestinement en France, espérant qu’un emploi ou une inscription frauduleuse leur permettront d’en bénéficier. Et les familles de travailleurs, déracinées, sont promises trop souvent, à l’échec et à la délinquance. Mieux vaudra accorder un mois de congé payé supplémentaire à ces travailleurs —le temps de Ramadan, pour les musulmans. Il serait inhumain de couper des hommes dont nous avons besoin de leurs familles mais à l’inverse, je ne vois pas pourquoi nous nous montrerions plus généreux que l’Algérie, vis-à-vis de nos coopérants. Seul .un contrat de travail, d’une durée minimale de trois ans devrait donner droit à un capital-santé, renouvelable comme lui. Quelques petits boulots de hasard, actuellement permettent aux immigrés d’obtenir des prestations sociales. Ce qui encourage le commerce des passeurs de « travailleurs » clandestins. Ce sont ces prestations qui attirent chez nous les miséreux du monde entier et font de la France un hôpital général à l’échelle de la planète.
Reste le problème des C.H.U. Il faut que notre pays forme de bons médecins et se tienne à la pointe de la recherche. Ce qui exige de l’argent. Mais il doit venir de l’Etat, qui consentira les efforts nécessaires. Certaines interventions sont très coûteuses, des greffes d’organes par exemple, qu’on ne peut refuser aux malades. Il importe qu’ils n’en supportent, sur leur capital-santé, qu’une part raisonnablement calculée, le principal étant imputé au budget de la recherche. Cet accommodement, d’autres aussi dont la pratique révélera la nécessité, ne sauraient toucher au principe. Chaque Français disposera d’un capital affecté à ses dépenses de santé. Si le PIB croit, ce qui devrait être le cas dans une économie bien gérée. le capital-santé augmente dans la même proportion. S’il diminue, le capital-santé s’amenuise d’autant. Ainsi le citoyen sera responsable vis-à-vis de lui-même, mais aussi de la nation. Il prendra conscience qu’il sera d’autant mieux soigné que le pays sera prospère. (À suivre, demain mardi) ■
* Je Suis Français, 1983
Lire aussi notre introduction à cette série…
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