Par Philippe Mesnard.
« Une terreur progressiste, larvée, sournoise ou affichée et même brutale est à l’œuvre. »
À SciencePo, si vous utilisez l’écriture inclusive, vous avez droit à un demi-point bonus.
Le fabricant de jouet Hasbro va bientôt commercialiser une famille Patate non-genrée « afin de promouvoir égalité des genres et inclusion ». À Noisiel, le rappeur Uzi a réuni 200 personnes lors d’une fête sauvage (repas géant, tirs de mortiers en pleine nuit, pas de masques) que les policiers ont eu ordre de ne pas verbaliser. Dans le musée d’archéologie de Saint-Paul-Trois-Châteaux, les dates précisent « avant notre ère » ou « après notre ère » : exit Jésus-Christ. L’administration française rapporte que plus de 300 signalements pour dérive sectaire ont été faits de communautés évangéliques en France qui nient le dogme de l’égalité homme-femme et « diabolisent » l’homosexualité. Zhang Zhang, violoniste de l’Orchestre philarmonique de Monaco, avait expliqué à Ibrahim Maalouf, qui regrettait le scandaleux manque de diversité que l’orchestre philarmonique de Vienne, que les musiciens audités étaient cachés par un rideau : elle a été insultée et conspuée et France 5 a invité Maalouf, mais pas Zhang Zhang, pour qu’il puisse affirmer sa vérité. Une intelligence artificielle a bloqué une chaîne YouTube dédiée aux échecs pour contenu « nuisible et dangereux » : effectivement, le commentaire de la partie du grand maître international Hikaru Nakamura utilisait les mots « noirs », « blancs », « attaque » et « menace ». Dans les hôpitaux universitaires de Brighton et Sussex, les sages-femmes doivent dire « lait humain » et non plus « lait maternel ».
Et tout ceci ne concerne que février 2021, et encore, sur une semaine seulement. Une terreur progressiste, larvée, sournoise ou affichée et même brutale est à l’œuvre. Chaque fait en lui-même est navrant, ridicule, irritant ou inquiétant mais, surtout, on voit à quel point les partisans d’une humanité totalement régénérée – c’est-à-dire purgée de tout ce qui est occidental, chrétien et conservateur – sont tenaces et méticuleux : rien n’échappe à leur emprise. Ils conditionnent les aspects les plus ténus de notre existence. Ils refoulent aux marges de la société ceux qui n’emploient pas les bons mots, les bonnes règles, ne proclament pas les bonnes opinions, n’utilisent pas les bons ustensiles, ne mangent pas les bons aliments. Ils ne rêvent que d’une seule humanité unifiée sous leur loi d’airain, évidemment gage de bonheur futur et évidemment instrument immédiat d’humiliation, de souffrance, voire de terreur intellectuelle et morale.
En France, on connaît cette volonté de régénérer. La Révolution, matrice historique ayant servi à légitimer tous les totalitarismes politiques des XIXe et XXe siècles, rêvait de régénérer les Français. Elle les massacra. Napoléon en rêvait aussi. Il lança d’ailleurs une campagne de vaccination, ayant sans doute considéré que la Nation, terrorisée et soumise, était assez régénérée du point de vue moral. « [Le préfet] Chaptal ordonne que tout article publié sur la vaccination soit vérifié par un « comité central de vaccine ». Le résultat est immédiat : la presse, qui entre 1801 et 1803 relatait des accidents vaccinaux, devient muette jusqu’en 1823. […] Avec la vaccination – qui est alors la première technique médicale de masse – “le public” devient une masse dotée d’une inertie, d’une résistance qu’il faut vaincre. Un nouveau genre fait même son apparition dans la littérature médicale : celui du traité sur “les erreurs et préjugés populaires”. C’est avec le vaccin de 1800 que le public devint médicalement “mineur”, et que le gouvernement choisit de gouverner la santé de la population en faisant l’hypothèse de sa relative irrationalité. » (J.-B. Fressoz, « 1804, la première campagne de vaccination », Le Monde). Peuple imbécile, faits dissimulés, information contrôlée, presse aux ordres. Rien n’a changé.
Non, rien n’a changé. Marianne, symbole de la République, veille avec un soin jaloux sur ce qui est dit et sur ce qu’on pense. Les discours, les décisions, les lois se multiplient qui vont tous dans un seul sens : ne pensez pas par vous-mêmes, confiez la chose à ceux qui savent, aux experts, et au premier d’entre eux, Macron. Laissez-nous prendre en main le pays, son avenir et vos cerveaux. Si nous vous disons que tout est bien fait, ne prétendez pas le contraire. Ne blasphémez pas. C’est-à-dire : soyez d’accord. Interroger, remettre en cause, c’est pécher contre l’esprit de la République. Il ne suffit pas que vous vous taisiez, il faut encore que vous soyez convaincus, et qu’on vous empêche de penser autrement, que vous ne puissiez même plus concevoir une opinion contraire avant même de la formuler. Marianne est votre mère, abandonnez-vous corps et âme à elle ; ou mourez. ■
Article paru dans Politique magazine.
L’on ne peut que saluer l’heureuse et très progressiste initiative de Science Po de faire le choix de l’écriture inclusive. Cette prestigieuse école s’était signalée par des actions fort louables en faveur de la diversité. L’on se rappelle le Hijab Day organisée par des étudiantes choisissant de porter pendant une journée le voile islamique pour affirmer la liberté dont jouissent les femmes en Iran et en Arabie saoudite. Mais pourquoi ne pas aller plus loin dans ces actions qui déconstruisent le suprématisme de l’occident blanc et raciste ? Je suggère par exemple l’organisation d’un Stoning Day au cours duquel les étudiants de Science Po pourraient lapider un ou une de leur camarades (avec des petites pierres cela va de soi) ce qui montrerait une grande ouverture intellectuelle à la diversité culturelle. Ou alors une journée de l’excision pour montrer à quel point les femmes africaines réalisent leur féminité à travers cette pratique. Et pourquoi pas une journée du mariage forcé ? Il faut en finir une fois pour toutes avec cet ethnocentrisme blanc, cette prétention occidentale blanche à dicter ses propres préjugés aux autres cultures et à critiquer des pratiques culturelles dont elle ne comprend pas le sens et la beauté. En ce qui concerne les critiques de Ibrahim Maalouf à l’égard de la blanchitude de l’orchestre symphonique de Vienne, on ne peut là encore que souscrire. Où que l’on regarde, il n’y a que des visages pâles. Il y a bien eu quelques exceptions, comme la participation de Jessye Norman à certains concerts, mais soyons honnêtes, cette cantatrice n’est jamais que la version féminine de l’oncle Tom, noire à l’extérieure mais blanche à l’intérieure, traître à sa communauté, soumise aux diktats de mâles blancs comme Georg Solti ou Leonard Bernstein. On ne l’a jamais d’ailleurs entendu chanter Black Lives Matter sur l’air de Casta diva ! C’est tout de même un signe qui ne trompe pas, non ? Quant aux instruments de l’orchestre philharmonique de Vienne, parlons-en ! Rien que des hautbois, des violons, des flûtes, des clarinettes, des bassons etc. tous instruments typiques de la suprématie blanche. Pas le moindre instrument de la diversité que réclame à juste titre un Ibrahim Maalouf. Pas le moindre balafon, djembé, chekere, dunun ou kalimba. Aussi loin que l’on remonte dans le temps, qui a été à la tête ce cet orchestre ? Des Gustav Mahler, des Bruno Walter, Karl Böhm, Lorin Maazel, des blancs, rien que des blancs, encore et toujours des blancs. Non, vraiment cela ne peut plus durer ! Aussi longtemps que cet orchestre n’interprétera pas les symphonies de Beethoven avec balafons et djembés, je cesserai de l’écouter.
BRAVO Monsieur, excellent article, mais au fait à quand la mise au pas de la musique, où l’on continue d’affirmer qu’une note blanche vaut deux noires
Remarquable commentaire, Jean de Maistre ! On vous lit toujours avec volupté.