Le jugement des juges : c’est le titre de notre note politique d’hier, mardi, signée Louis-Joseph Delanglade.
Chacun sait que c’est aussi le titre de l’un des poèmes de Fresnes de Robert Brasillach. Poème d’esprit subversif d’un certain ordre établi dont nous savons, plus que jamais, ce qu’il vaut.
C’est d’ailleurs pourquoi nous le publions ici, aujourd’hui. Ceux qui le souhaitent pourront le lire ou le relire.
Pourquoi ne pourrions-nous pas citer Brasillach, comme certains interdits voudraient nous y contraindre ? Sa politique, Maurras, l’Action française, ne l’ont pas approuvée. Pendant l’occupation, Maurras refusa de recevoir Brasillach qui eût voulu le revoir (« je n’ai rien à vous dire que vous ne sachiez déjà« ). Nous n’avons ni leçon ni interdit à accepter sur ce point. Mais ni la politique ni la condamnation de Brasillach ne suppriment son talent littéraire, pas plus que son courage face à l’épreuve des prisons et face à la mort.
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Ceux qu’on enferme dans le froid, sous les serrures solennelles,
Ceux qu’on a de bure vêtus, ceux qui s’accrochent aux barreaux,
Ceux qu’on jette la chaîne aux pieds dans les cachots sans soupiraux,
Ceux qui partent les mains liées, refusés à l’aube nouvelle,
Ceux qui tombent dans le matin, tout disloqués à leur poteau,
Ceux qui lancent un dernier cri au moment de quitter leur peau,
Ils seront quelque jour pourtant la Cour de Justice éternelle.
Car avant même de juger le criminel et l’innocent,
Ce sont les juges tout d’abord qu’il faudra bien que l’on rassemble.
Qui sortiront de leurs tombeaux, du fond des siècles, tous ensemble,
Sous leurs galons de militaire ou leur robe couleur de sang,
Les colonels de nos falots, les procureurs dont le dos tremble.
Les évêques qui, face au ciel, ont jugé ce que bon leur semble,
Ils seront à leur tour aussi à la barre du jugement.
Quand la trompette sonnera, ce sera le premier travail !
Mauvais garçons, de cent mille ans vous n’aurez eu tant de besogne
Pour tuer ou pour dérober vous n’aviez guère de vergogne,
Mais vous avez bien aujourd’hui à soigner un autre bétail
Regardez dans le petit jour, c’est le chien du berger qui grogne,
Il mord leurs mollets solennels, et le fouet claque à votre poigne.
Rassemblez les juges ici dans l’enceinte du grand foirail.
Pour les juger, je vous le dis, nous aurons sans doute les saints.
Mais les saints ne suffisent pas pour énoncer tant de sentences.
Ceux qu’on a jugés les premiers, autrefois, pendant l’existence,
Comme il est dit au Livre Vrai, ne seront jugés qu’à la fin.
Ils jugeront d’abord le juge, ils pèseront les circonstances.
A leur tour alors d’écouter l’attaque autant que la défense.
Les juges vont enfin passer au tribunal du grand matin.
Les tire-laine dans la nuit, les voleurs crachant leurs poumons,
Les putains des brouillards anglais accostant les passants dans l’ombre,
Les déserteurs qui passaient l’eau happés dans le canot qui sombre,
Les laveurs de chèques truqués, les nègres saoûls dans leurs boxons,
Les gamins marchands d’explosifs, les terroristes des jours sombres,
Les tueurs des grandes cités serrés par les mouchards sans nombre,
Avant d’être à nouveau jugés feront la grande Cassation.
On les verra se rassembler, montant vers nous du fond des âges,
Ceux qui, les raquettes aux pieds, parmi les neiges du Grand Nord
Ont frappé au bord des placers leurs compagnons les chercheurs d’or,
Ceux qui, dans la glace et le vent, au comptoir des saloons sauvages
Ont bu dans les verres grossiers, l’alcool de grain des hommes forts,
Et qui, négligents de la loi, confondant l’oubli et la mort,
Ont rejeté les vieux espoirs de gagner les tièdes rivages.
Ils s’assiéront auprès de ceux qui ont tiré dans les tranchées,
Et puis qui ont dit non, un jour, fatigués des années d’horreur,
Des soldats tués pour l’exemple et des décimés par erreur,
Et près des durs, des militants de toutes les causes gâchées,
De ceux qui tombent en hiver sous les balles des fusilleurs,
De ceux qu’enferment aux cachots les polices des Empereurs,
Et des jeunesses de partout par leurs chefs en fuite lâchées.
Oui, tous, les soldats, les bandits, on leur fera bonne mesure
Ne craignez pas, hommes de bien, ils seront jugés eux aussi.
Mais c’est à eux, pour commencer, qu’il convient de parler ici,
Car la parole est tout d’abord à ceux qui courent l’aventure,
Et non à ceux qui pour juger se sont satisfaits d’être assis,
De poser sur leur calme front leur toque noire ou leur képi,
Et de payer d’un peu de sang leur carrière et leur nourriture.
Les adversaires d’autrefois pour ce jour se sont accordés,
Les justes traînés au bûcher sont auprès des mauvais enfants,
Car les juges seront jugés par coupables et innocents.
Au-delà des verrous tirés qui d’entre eux pourra aborder ?
Qui verra ses lacets rendus, sa cravate et ses vêtements
Socrate juge la cité, Jeanne signe le jugement,
Et à la Cour siègent ce soir la Reine et Charlotte Corday.
Ils passeront, ils répondront, aux tribunaux des derniers jours,
Ceux-là qui avaient tant souci de garder leur hermine blanche,
Et les cellules s’ouvriront, sans besoin de verrou ni clenche.
À la cour du Suprême Appel, ce n’est pas les mêmes toujours,
O frères des taules glacées, qui seront du côté du manche.
Les pantins désarticulés attachés au poteau qui penche
Se dresseront pour vous entendre, ô juges qui demeuriez sourds.
Et ceux qui ont passé leurs nuits à remâcher leurs mauvais rêves,
Les pâles joueurs de couteau, les héros morts pour leur combat,
Les filles qui sur le trottoir glissent la drogue dans leur bas,
Ceux-là qui pendant des années ont perdu leur sang et leur sève
Par le juge et par le mouchard, et par Caïphe et par Judas,
Ils verront le grand Condamné. roi des condamnés d’ici-bas,
Ouvrir pour juges et jurés le temps de la grande relève.
Robert Brasillach
Poèmes de Fresnes
13 janvier 1945
* Robert Brasillach, né le 31 mars 1909, fusillé le 6 février 1945 au fort de Montrouge.
Ancien élève du lycée de Sens où il a pour professeur Gabriel Marcel, Robert Brasillach, après trois ans de classe préparatoire littéraire au lycée Louis-le-Grand — où il côtoie Maurice Bardeèche et Thierry Maulnier — entre à l’École normale supérieure en 1928 ; il décrira cette période dans Notre avant-guerre.
Il assure une chronique littéraire dans L’Action française jusqu’en 1939, et dans L’Étudiant français durant la première moitié des années 1930. Après avoir lu Mein Kampf, il écrit en 1935 « C’est très réellement le chef-d’œuvre du crétinisme excité… Cette lecture m’a affligé ».
De 1937 à 1943 (période entrecoupée d’une captivité en Allemagne de 1940 à 1941, suite à sa mobilisation et à la défaite), il est rédacteur en chef de l’hebdomadaire Je suis partout.
La politique collaborationniste de ce journal marque sa rupture avec Charles Maurras qui refusera de le revoir.
En septembre 1944, il se constitue prisonnier ; il est emprisonné à la prison de Fresnes et poursuivi pour intelligence avec l’ennemi. Son procès, qui s’ouvre le 19 janvier 1945 devant la cour d’assises de la Seine, dure 6 heures. Il est condamné à mort le jour même après une délibération de vingt minutes. Sa défense avait été assurée par Jacques Isorni.
Malgré une pétition d’artistes et d’intellectuels de grand renom, parmi lesquels Paul Valéry, Paul Claudel, François Mauriac, Daniel-Rops, Albert Camus, Marcel Aymé, Jean Paulhan, Roland Dorgelès, Jean Cocteau, Colette, Arthur Honegger, Maurice de Vlaminck, Jean Anouilh, André Barsacq, Jean-Louis Barrault, Thierry Maulnier, etc., le général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire, refusa la grâce du condamné. Le le 6 février 1944 Brasillach fut fusillé au fort de Montrouge.
Un petit livre poignant de l’ancien haut magistrat (en retraite), Philippe Bilger « Vingt minutes pour la mort ». C’est un résumé du procès bâclé, et 20 mn étant la durée du délibéré. L’atmosphère de guerre civile de la justice du peuple y est bien rendue.
Brasillach repose au cimetière de saint Germain de Charonne, qui jouxte l’église du même nom, et dans la même allée, Bardèche (près de la porte de Bagnolet).
Ce poême est criant de lucidité et fort en espérance d’une justice divine autant qu’humaine.C’est l’essence même de l’homme tel qu’il devrait être et se comporter.Cet écrit est très actuel car la vérité dite est immuable et universelle,ce qui dérange au plus haut point les « hommes de pouvoirs ». »Le premier qui dit la vérité,il sera exécuté. »G Béart.
« Le le 6 février 1944 Brasillach fut fusillé au fort de Montrouge »
=> errata : 1945 – le le
A Nicolas
Vous avez bien-sûr raison. Merci de nous avons signalé cette erreur que nous rectifierons. Cordialement.