Par Francis Venciton.
Cet article fait partie d’une suite de neuf. Les 9 articles paraissent en feuilleton, à dater du mercredi 22 septembre et les jours suivants. Fil conducteur : l’écologie. Les auteurs sont de jeunes cadres du mouvement royaliste, engagés à l’Action française. Vous apprécierez leur réflexion. Au besoin, vous en débattrez. Ces articles seront constitués en dossier, toujours consultable ici.
UNE PARTIE de la mauvaise presse qu’a l’écologie en France provient du décalage entre les combats écologiques et les partis dits écologiques. Ainsi, quel rapport un Jean-Vincent Placé pouvait avoir avec l’écologie ?
C’est que les partis politiques « verts » en France se sont tous positionnés à proximité de la gauche et de l’extrême gauche. Il n’est pas étonnant que certains marquent la naissance de l’écologie politique en France avec la candidature de René Dumont, passé dans un ministère du Front populaire, à l’élection présidentielle en 1974. Ce positionnement à gauche de l’écologie politique est problématique en ce que l’écologie n’a jamais été franchement un thème de la gauche, beaucoup plus hanté par le progrès, et qu’il s’est bâti dans le refoulement d’un certain nombre d’auteurs ne rentrant pas dans le carcan. On sera bien en peine de trouver des références à l’écologie anti-industrielle de Carlyle.
Cependant, ce serait une erreur de penser que le caractère décevant de l’écologie politique provienne de la gauche. La traduction de l’écologie politique en une sensibilité de gauche n’est pas la cause première. C’est la démocratie qui étiole le combat écologique en transformant le bon sens en des discours creux, qui visent plus à baliser le camp du bien qu’à apporter quelques changements en ce monde. Cette assertion peut sembler gratuite ; réfléchissez alors aux éléments suivants.
La démocratie repose sur l’idée de la souveraineté populaire : en conséquence, il appartient au peuple de prendre les décisions. Celui-ci étant composé d’une myriade d’individus, leurs opinions seront filtrées par les partis politiques et recueillies par la voie électorale. La force de cette approche est qu’en principe elle prend en considération l’avis de la majorité. L’ennui est qu’on ne quitte pas le domaine de l’opinion, comme l’avait fort bien vu Platon.
Or celle-ci fluctue, voire se contredit, au gré des rhéteurs qui emportent successivement l’adhésion de ladite majorité. Il est bien rare que les citoyens votent sur un sujet qu’ils maîtrisent et sur lequel ils peuvent donc avoir un avis pertinent.
Si, aujourd’hui, les questions écologiques sont au cœur du débat politique, c’est que les actions destructrices de l’homme sur l’environnement ont engendré une situation critique. Certes, ce phénomène a demandé quelques siècles, un temps qui peut paraître long, mais est relativement court à l’échelle de l’action des hommes. Dès lors, comment concilier l’incertitude et les contradictions de la démocratie, qui ne prend en compte que le court terme, avec une action écologique qui doit être constante et bien orientée ?
Une écologie qui fait deux pas en avant et trois en arrière, qui s’oriente vers des solutions pires que celles qui existent à l’heure actuelle – pensons aux éoliennes –, ne résoudra pas la situation. Elle ne pourra que l’aggraver.
La question dès lors sera celle de l’amplitude.
D’ailleurs, comment réussir à faire trancher les citoyens en faveur de l’écologie alors même que cela menacerait leur bien-être matériel ? En effet, si on demande à la ménagère de plus de cinquante ans de choisir entre l’accroissement de son panier et la protection de la biosphère, il est
plus probable qu’elle choisira le premier. Cela ne signifie pas qu’elle soit mal intentionnée ou que l’écologie n’ait pas une place significative dans ses choix, simplement, le choix entre ses intérêts directs et un bien commun sur lequel elle n’a pas de prise directe se fait souvent au détriment du second. La démocratie demandant à chacun de voter selon ses préférences conduit le plus souvent à préférer les intérêts matériels au détriment d’un intérêt à plus long terme.
Enfin, il est un dernier vice de la démocratie qui découle de sa mise en oeuvre en France. Pour reprendre la formule de Bernanos, « la démocratie est la forme politique du capitalisme » : en France, la république n’a jamais été autre chose que le régime d’une bourgeoisie en quête de puissance sociale et économique. Le phénomène de l’industrialisation a permis aux bourgeois de créer les outils de prise de contrôle et de maintien du pouvoir, notamment par la diffusion du mythe du progrès. Dès lors, toute politique
écologique qui s’en prendrait ou qui refrénerait l’économie dans sa forme actuelle serait combattue vigoureusement par la République. Dépourvue des moyens de production, incapable de faire miroiter la promesse d’un paradis terrestre, il est fort à parier que la République s’effondrerait d’elle-même comme un château de cartes.
Alors que faire ? Déjà, reconnaître frontalement qu’il ne peut y avoir d’écologie politique efficace en démocratie.
Au régime du court terme et de l’impréparation, il faut opposer un roi, seul garant de la justice et capable de travailler sur le temps long. Les mouvements politiques français ont cherché à placer la démocratie la plus extensive au cœur de leurs programmes. Devant leurs résultats, il est facile aux Français de conclure qu’ils n’ont rien à perdre à devenir royalistes, c’est-à-dire de parier pour des institutions plus aptes à amener le changement nécessaire et à maintenir la stabilité de l’édifice.
Peut-être faudrait-il aussi prendre en considération la spécificité de la monarchie franque : chez nous, le roi est un roi pauvre. Je veux dire par là non que le roi soit démuni, mais qu’il n’est propriétaire de rien : l’usage n’est jamais le droit de destruction. En effet, les biens de la couronne sont inaliénables. Ce qui est attendu du roi dans sa gestion, ce n’est pas d’être un bon patron, mais un jardinier. Il doit faire pousser son jardin dans le respect des plantes, en les répartissant avec intelligence et en travaillant pour le siècle prochain. Le roi est le premier des permaculteurs et le plus apte à protéger les ressources naturelles de la destruction, car il a conscience que celles-ci ne nous appartiennent pas. (Série à suivre) ■
À lire dans cette série Écologie …
Écologie : feu la gauche
Écologie : Pouvoirs et écologies
Écologie : Bête comme un homme antispéciste
Écologie : Les angoissés du climat
Écologie : Le salut par les machines
Écologie : Décroître pour grandir
Écologie : Pour une critique écologiste de l’immigration
Article précédemment paru dans Présent [24 mars 2020]
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source
Publié le 24 avril 2020 – Actualisé le 30 septembre 2021