Le roi des Belges Albert II et le prince héritier Philippe
« C’est avec sérénité et confiance que je vous fais part de mon intention d’abdiquer ce 21 juilet 2013, jour de notre fête nationale en faveur du prince héritier, mon fils Philippe … Je constate que mon âge (79 ans, ndlr) et ma santé ne me permettent plus d’exercer mes fonctions comme je le voudrais … Après 20 ans de règne, j’estime donc que le moment est venu de passer le flambeau à la génération suivante. Je constate que le prince Philippe est bien préparé pour me succéder. Il jouit avec la Princesse Mathilde de toute ma confiance … Ce fut pour moi un honneur et une chance d’avoir pu consacrer une large partie de ma vie au service de notre pays et de sa population … »
Déclaration enregistrée au palais royal… Ce qui se passe chez nos voisins doit être examiné par nous du seul point de vue de l’intérêt national : que va devenir la Belgique, dont la crise « existentielle » n’en finit pas de ne pas finir (pour reprendre l’expression de Christian Tarente) ? En cas de « départ » de la Flandre, quels rapports imaginer avec ce nouvel Etat, et avec la Wallonie ? L’Histoire tourne, et n’est jamais finie : le paradoxe de la Belgique est qu’elle est à la fois une « utopie anti-française » (la « barrière » voulue par les Anglais en 1815 pour stopper la progression de la France vers sa frontière naturelle du Rhin; et « le dernier cadeau de la monarchie » (Jacques Bainville), qui nous assura des alliés contre l’Allemagne en 1914… Mais si elle disparaît, vu l’état de déliquescence de notre Sytème, quelle politique étrangère la République idéologique va-t-elle avoir, elle qui – Anatole France le disait déjà dès la fin du XIXème siècle – n’a pas de politique étrangère et ne peut pas en avoir ? On en revient, une fois de plus, au problème central, politique : celui de nos Institutions…
Votre note traite donc de la question belge du point de vue de l’intérêt français et, au fond, se demande, dans une perspective purement historique – à savoir « la progression de la France vers sa frontière naturelle du Rhin » – quel parti notre pays pourrait bien tirer de l’éclatement de la Belgique. Je répondrai, pour ma part : actuellement, aucun; pas plus, d’ailleurs, que du temps du roi Louis-Philippe, qui eut alors la sagesse, comme Bainville l’a, en effet, montré, de rechercher une solution de compromis européen, plutôt que de risquer de nous replonger dans les conflits pour la Belgique que la Révolution et l’Empire nous avaient imposés et qui ont coûté si cher à la France et à l’Europe. La France postrévolutionnaire et post-impériale avait surtout besoin de paix. L’Europe aussi. C’est ce qu’avait compris le Roi.
C’est qu’il y a les perspectives historiques, dont je ne conteste pas qu’il faut les garder à l’esprit, et, d’autre part, il y a les situations, les réalités du moment que le réalisme, la sagesse et le simple bon sens se doivent aussi de prendre en compte. Pour tirer parti d’un éventuel éclatement de la Belgique, tourner nos regards vers la Flandre, à mon avis plus encore que vers la Wallonie, il faudrait primo que nous ayons une politique étrangère, au sens plein et actif du terme et vous rappelez à juste titre que nous n’en avons pas (elle se réduit à une activité d’ONG humanitaire) et secundo que notre situation intérieure (institutions et société) nous rendent capables d’attirer et d’intégrer. Ce n’est évidemment pas le cas. La France d’aujourd’hui ne peut s’offrir le luxe de s’agrandir. Il est évident qu’elle doit d’abord se sauver elle-même, dans ses frontières actuelles. Sauver son peuplement d’un irrémédiable « remplacement », sauver ses forces vives, aujourd’hui cruellement diminuées, se sauver du sectarisme, de l’idéologie, de sa décadence sociétale, sauver sa souveraineté bradée … Que sais-je encore ?
Gardons nos perspectives historiques pour des jours meilleurs. Cherchons « une pensée qui sauve »; des institutions qui sauvent. Ne rêvons pas plus qu’il n’est raisonnable !
Plutôt que de se préoccuper d’un hypothétique éclatement de
la Belgique et de ce qu’il pourrait apporter à la France, les
royalistes français auraient intérêt à montrer l’intérêt de cette
monarchie belge et à en défendre les principes pour ce qu’ils
souhaitent eux-mêmes pour notre pays.
En effet, l’enjeu de la succession en Belgique, de même
qu’aux Pays-Bas est de savoir si la monarchie demeurera
arbitrale, ou deviendra seulement protocolaire, à savoir
représentative, comme en Suède.
Trop souvent dans ces colonnes, certains méprisent l’idée de
monarchie parlementaire, oubliant un peu vite notre dernier
Roi Louis-Philippe, et estimant que ce système ne permet pas
au Roi de jouer un rôle politique effectif bien qu’irresponsable
constitutionnellement, ce qui bien au contraire fait
paradoxalement et précisément sa force.
Or, certains parlementaires néerlandais et maintenant belges
(flamands), issus de l’extrême droite ou de la droite libérale,
souvent hostiles à la monarchie, savent bien, eux, mesurer le
rôle effectif du Roi dans leurs institutions, pour le désigner
comme l’obstacle majeur à leurs mauvais desseins :
l’instauration de la République comme régime absolu des
partis ou la partition de l’Etat pour cause de séparatisme ou
de communautarisme, et prôner ainsi sous de faux prétextes
de modernisation ou d’évolution, l’avènement d’une
monarchie purement protocolaire ou représentative.
Quand les royalistes français comprendront-ils que l’avenir
pour la monarchie française, passe nécessairement par une
monarchie parlementaire arbitrale? et non par une monarchie
selon Maurras, qui n’a par ailleurs jamais existé ?
IL SERAIT TEMPS DE SE BOUGER POUR INTRODUIRE CE
DEBAT EN FRANCE A L’ APPUI DE L’ ACTUALITE DE NOS
VOISINS EUROPEENS, QUI ONT SU PRESERVER L’ESSENTIEL
PLUTOT QUE DE REVASSER A DES CHIMERES.
La société Belge est l’exemple même de la désintégration de l’intimité communautaire, dans un monde où les tribus, les flux et les réseaux, constituent désormais des réalités. La définition de ces communautés nouvelles devrait s’inspirer de cette définition: « communauté de destin historique » et « produit jamais achevé d’un processus constamment en cours « .
Sous cet aspect, la communauté apparaît comme le cadre naturel d’une démocratie de proximité, fondée sur une participation plus active et sur la recréation de nouveaux espaces publics à tous les niveaux, en même temps que comme une façon de résoudre le défi majeur lancé par le XXI siècle : » comment affirmer son identité sans nier la diversité et la spécificité des diverses composantes ».
Si vous avez lu mon commentaire, vous savez que je suis d’accord avec vous pour que les royalistes se gardent de rêvasser sur l’éventuel éclatement de la Belgique et le profit que la France pourrait en tirer… La pauvre a bien assez de mal à s’occuper d’elle-même par les temps qui courent. C’est l’évidence et le bon sens.
Comme Pierre Boutang, je constate, par ailleurs, qu’il y a, aujourd’hui, diverses façons d’être royaliste. On peut le déplorer – ou pas. Mais que cela plaise ou non, c’est ainsi.
Vous voulez défendre votre projet de monarchie parlementaire. Soit. Faites-le donc ! « Bougez-vous » vous-mêmes sur ce thème : c’est l’idée, c’est le travail de la NAR. Bien. C’est son terrain. Qu’elle l’occupe.
Pour ma part – comme d’autres – je garde des expériences parlementaires de la France, sous la Monarchie de Juillet comme sous nos cinq républiques, une image trop négative pour partager votre passion. Le parlementarisme français s’est toujours constitué en « régime exclusif des partis ». De Gaulle a tenté de créer un exécutif qui le « surplombe ». Mais la Vème république y a échoué. C’est aujourd’hui bien clair.
Dans quelles conditions historiques, selon quels souhaits et besoins profonds de la nation à ce moment-là, la monarchie pourrait redevenir une hypothèse raisonnable et crédible, nous n’en savons rien. Les plans que nous pouvons tirer aujourd’hui sur la comète pour savoir quels contours précis elle prendra alors, me semblent vains. Il est clair qu’il devra y avoir un pouvoir royal, c’est à dire résumé en une personne, ou, si l’on préfère, une famille, au service du pays; il est clair que le consentement populaire devra lui être acquis; il est clair qu’une représentation nationale devra être refondée; mais, pour ma part, comme Maurras, que vous rejetez, à tort, selon moi, comme De Gaulle, aussi, d’ailleurs, je souhaite que « le régime exclusif des partis », qui a trouvé, jusqu’à présent, son champ d’action privilégié dans le parlementarisme, soit, sinon aboli, du moins sérieusement encadré et contrebalancé.
Anatole et DC, vos plaidoyers contre l’abandon à de fausses fatalités, votre refus de voir confisqués les moyens de l’action collective ou votre désir d’être les porte-parole d’un peuple qui ne s’appartient plus, sont bien sympathiques. Et pourtant, vous vous trompez complètement lorsque vous vous obstinez à professer un jacobinisme sans failles et à faire de l’État-nation la norme indépassable de la vie publique.
Vous vous trompez d’abord d’époque, en surestimant les capacités d’action des gouvernements et des États, auxquels vous continuez d’attribuer des pouvoirs qui furent les leurs au XIXe siècle mais qu’ils perdent aujourd’hui un peu plus chaque jour, et en sous-estimant la réalité d’une mondialisation qu’ils déclarent pourtant vouloir combattre. Vous vous abusez en se refusant à reconnaître que l’un des phénomènes les plus évidents de la période actuelle est l’impuissance grandissante des instances de décision classiques — c’est-à-dire le fait que le pouvoir d’État a désormais de moins en moins de pouvoir, soit que la capacité de décider soit d’ores et déjà passée à d’autres instances que l’instance étatique, soit que les contraintes de structure, désormais mondiales, excèdent de plus en plus largement ses capacités.
Si on veut en sortir, il ne suffira pas de changer de régime pour changer le système. Il faudra établir une véritable stratégie de rupture qui passe nécessairement par un renforcement de l’Europe et une politique étrangère tournée vers l’est.
A Anatole, je dirais que le régime exclusif des partis, c’est ce
que nous vivons actuellement, c’est pourquoi il est important
de se poser la question d’une monarchie parlementaire
arbitrale, où les partis n’occuperaient pas tout le champ
politique, mais seulement leur place de représentation, pour
participer à l’exercice de la souveraineté nationale, qui réside
essentiellement dans le peuple français et au travers son
représentant suprême, le Roi, incarnant la nation toute
entière.
Aujourd’hui, il faut dépasser la pensée de Maurras en ce
domaine, et revenir aux sources de notre longue histoire
institutionnelle, pour en tirer tous les enseignements.
C’est essentiellement aux royalistes de le faire, sinon tout
cela ne sert à rien, et ne fait avancer nullement nos idées
politiques que nous estimons meilleures pour le bien commun
de la France et des Français.
Se refuser à faire cet état des lieux, pour puiser dans
l’histoire de la monarchie française d’avant et d’après 1789,
ce qu’il y a de meilleur, c’est se condamner à disparaître du
débat politique à mener sur nos institutions actuelles.
A Baphomet, je dirais qu’effectivement il faut vivre avec son
temps, mais que l’Etat nation demeure, à preuve du
contraire, la base institutionnelle de l’expression de la
souveraineté de tout peuple constitué. Cela est d’autant plus
vrai, qu’en dépit de la création de grands ensembles
économiques ou politiques, il se crée également de plus en
plus d’ Etats pour des peuples qui se considèrent comme
nation à part entière.
Les nations sont donc loin de disparaître ou d’avoir disparu,
et à la nôtre, il faut pour de nombreux motifs, un Roi pour
l’incarner, la représenter, la fédérer et la défendre pleinement.
Je dirai à DC que je ne vois pas pourquoi on laisserait aux partis politiques, totalement discrédités aux yeux des Français d’aujourd’hui, l’exclusivité de la représentation. A voir leur fonctionnement, ils ne sont plus grand chose d’honorable ni même d’existant en tant que tels. Ils ne sont plus que des machines à faire gagner un candidat à la présidentielle. Si la pensée de Maurras, comme il est naturel, doit être « dépassée » (non rejetée, ce qui me paraît à la fois stupide et impossible), la notion de « monarchie parlementaire » devrait l’être également. Et plus encore celle de représentation, où les partis politiques ont échoué. Un peu de réalisme et d’imagination ne ferait pas de mal, non plus, à un effort de prospective, pour une éventuelle future monarchie…
Pour ce qui est du procès fait par Baphomet aux Etats et aux nations, considérés comme eux aussi dépassés par d’autres mystérieuses « instances » et par une sorte d’évolution imparable des choses, il suffit de considérer que les trois grands Etats qui mènent, aujourd’hui, le jeu du monde (Etats-Unis, Chine et Russie) sont en pleine possession de leur souveraineté, de leur capacité à se gouverner, du sens de leur intérêt national etc. Que d’autres Etats se soient, par ailleurs, affaiblis, n’a rien de neuf ou d’étonnant. En tirer une loi générale du dépérissement irréversible des Etats dans le monde moderne, est une thèse, régulièrement ressortie, mais évidemment erronée.
Cher Anatole,
Je trouve votre analyse pertinente sur les deux points.
Pour le premier point, en effet, il faut se poser des questions
sur la représentation, sans pour autant rejeter les partis
politiques comme éléments structurant de la pensée
politique, tout au moins ce qu’ils devraient être.
Nous sommes au XXI ème siècle, les modes de
fonctionnement de la société ont changé notamment avec les
nouvelles technologies, les modes d’organisation également.
Il est clair que nous sommes passés d’un monde qui se
pensait plutôt sur le mode vertical du haut en bas de la
pyramide ou du bas en haut, à un monde qui se pense de
plus en plus de manière horizontale et donc, avec beaucoup
plus d’autonomie. Il ne s’agit pas à mon avis de disserter si
cela est bien ou non, mais d’identifier les enjeux et
conséquences de tout cela, pour trouver un système adapté
et équilibré aux exigences de notre temps.
Ce n’est donc ni l’Ancien Régime, ni Maurras, ni la pensée du
XIXème siècle sur laquelle est encore essentiellement bâtie
nos systèmes politiques actuels, qui peuvent servir de
modèles, mais seulement d’éléments de débats pour
construire des institutions nouvelles plus adaptées aux
besoins de notre société. Dans cette réflexion, il me semble
en effet que les partis n’auraient pas nécessairement le
monopole de la représentation, mais à condition de ne pas
tomber dans le corporatisme ou le communautarisme et de
penser davantage à une représentation sur des projets plutôt
que sur des structures. Vaste débat.
La monarchie parlementaire, définit essentiellement comme
un régime où il existe un gouvernement responsable, et un
Chef d’Etat garant et arbitre, indépendant des partis
politiques et de tout groupe de pression, représentant une
continuité dynastique faisant lien avec l’histoire de la nation,
peut être à l’origine de réformes permettant de repenser les
modes de représentation et d’organisation de la société,
précisément pour davantage de démocratie notamment
économique et sociale et pour assurer la république en tant
que notre bien commun (libertés individuelles, droits sociaux,
solidarité, etc …).
C’est un vaste chantier qui nécessite de laisser de côté les
schémas préétablis ou la pensée convenue. Il faut donc y
travailler, plutôt que de ressasser sans cesse des formules
toutes faites et souvent erronées.