Par Jean-Christophe Buisson*
Mao Tsé-toung avait compris la nécessité de tordre ou de nier la vérité. Une tradition qui n’est pas morte avec le Grand Timonier.
L’emprise que Mao exerce lui est confiée par le pouvoir qu’il a sur son peuple
François Mitterrand dans L’Express
«Le mensonge généralisé, imposé, obligatoire, est l’aspect le plus terrible des hommes de votre pays.» Lorsqu’il écrit ces lignes en 1974, le dissident russe Alexandre Soljenitsyne s’adresse aux dirigeants de l’Union soviétique. Près d’un demi-siècle plus tard, l’URSS n’existe plus mais la Chine communiste, si. Et avec elle, son arsenal de mensonges. Aujourd’hui sur le Covid-19, hier… sur tout le reste.
Avant même sa prise de pouvoir, sans avoir lu Orwell, Mao Tsé-toung a compris l’utilité et la nécessité de tordre ou de nier la vérité. Ainsi a-t-il su présenter la déroute militaire qu’il a subie quinze ans plus tôt (du Jiangxi, ils partirent 130.000, ils se virent 25.000 en arrivant au Shaanxi…) en épopée héroïque, poétiquement rebaptisée la «Longue Marche». Les dernières troupes de son rival nationaliste Tchang Kaï-chek chassées du pays, il proclame la République populaire de Chine le 1er octobre 1949. Comme ses homologues d’Europe de l’Est, il cache son jeu: le gouvernement provisoire qu’il dirige fait de la place à des non-communistes (un peu moins de la moitié de ses membres…), mais c’est le Comité militaire révolutionnaire qui décide de tout. En son sein figurent 75 % de cadres du Parti communiste chinois (PCC). Puis bientôt 100 %.
Duplicité permanente
L’un des premiers objectifs de Mao est d’annoncer au monde la fin de la féodalité au sein des campagnes, ainsi que le réclament, selon lui, les paysans, qui sont en train de s’emparer «spontanément» des terres appartenant aux grands propriétaires fonciers. Double mensonge: il n’existe pas, dans le pays, de grands propriétaires féodaux comme en Russie tsariste trente ans plus tôt, et c’est sur ordre du PCC que sont effectuées les confiscations des terres de tous ceux possédant un petit lopin. Bilan: entre 3 et 10 millions de morts, qualifiés d’«éléments contre-révolutionnaires». Pratique.
Pour poursuivre l’anéantissement des structures de l’ancien régime et de ses représentants, Mao continue d’avancer masqué. C’est au nom des luttes de salubrité publique contre la corruption, le gaspillage, l’évasion fiscale ou la prévarication qu’il fait éliminer – socialement et/ou physiquement – ceux qui détenaient une responsabilité dans la Chine des années 1930-1940. Même duplicité dans la gestion du (vaste) territoire national: loin des promesses d’autonomie culturelle ou linguistique faites aux Tibétains, aux Mongols ou aux Turcs du Xinjiang, il envoie l’Armée populaire de libération mettre au pas les régions périphériques, désormais soumises au pouvoir de l’ethnie han. Premiers pas d’un national-communisme qui connaîtra un certain succès partout dans le monde rouge. Aujourd’hui encore…
En 1956, Mao dit souhaiter que «cent fleurs s’épanouissent»: en termes moins orientaux, que les intellectuels du pays participent à un «débat démocratique» pour proposer leurs idées de réformes. Piège mortel. La campagne dure six semaines, au terme desquelles des centaines de milliers d’écrivains, de philosophes, d’étudiants, d’artistes ou de professeurs sont envoyés dans des camps de rééducation. «Le fond du problème de certains pays d’Europe de l’Est, c’est qu’ils n’ont pas éliminé leurs contre-révolutionnaires», expliquait en privé le maître de la Chine en observant les événements en Pologne et en Hongrie: le mouvement des Cent Fleurs n’avait pour autre objectif que de faire sortir du bois ceux qui critiquaient le pouvoir communiste… Et de les punir.
Quelques années plus tard, Mao lance le «Grand Bond en avant», destiné à prolétariser les campagnes et achever leur collectivisation grâce à des «communes populaires» où tout est mis en commun. Un lyssenkiste «code du progrès» est édicté (semis serrés, contrôle des nuisibles, labourage profond, etc.), dont les conséquences sont tragiques: deux années de famine faisant entre 13 et 40 millions de morts. La faute aux mauvaises conditions météorologiques, diront les autorités chinoises… après la mort de Mao. Car, de son vivant, toute famine est niée. Pour relayer ce mensonge, les Occidentaux bienveillants se bousculent au portillon: ainsi François Mitterrand qui, en février 1961, dans L’Express, se fait le porte-parole complaisant du négationniste chef de l’État chinois. Le futur président français estime d’ailleurs que «Mao n’est pas un dictateur» et que «l’emprise qu’il exerce lui est confiée par le pouvoir qu’il a sur son peuple, et qui n’est pas le produit d’un fanatisme démagogique fortement soutenu par une police d’État comme ce fut le cas pour Hitler et Mussolini».
Fausse retraite, vrai coup d’état
En 1966 est lancée la Révolution culturelle. Officiellement, il s’agit de purifier le régime des restes de traditionalisme qui l’entravent et de la bureaucratie qui le ronge – discours officiel, là encore repris en Occident. La réalité, dont témoigne alors, bien seul, Simon Leys, est tout autre. Fragilisé depuis les désastres du Grand Bond en avant, Mao a vu le Parti et l’État vivre et prospérer (presque) sans lui. Feignant son retrait des affaires («Je suis un moine âgé avec son ombrelle trouée sous les étoiles», a-t-il dit au journaliste maolâtre américain Edgar Snow en 1965), il a parfaitement préparé son coup d’État par le haut. Pour le lancer, il s’appuie dans la rue sur la jeunesse – les gardes rouges -, à qui il demande de chasser tous les mandarins qui peuplent les administrations pour restaurer son pouvoir. Opération réussie au prix d’un déchaînement de violences épouvantables (dénonciations, procès publics, déportations, exécutions sommaires, etc.) aux allures de guerre civile (entre factions du PCC, puis entre le PCC et l’armée).
La tradition du mensonge institutionnel n’est pas morte avec Mao: pour cela, il aurait fallu, au minimum, l’équivalent local d’une déstalinisation. Si les futurs maîtres de la Chine – de Deng Xiaoping, ordonnant en 1989 le massacre de Tian’anmen, dont le régime n’a fourni aucun bilan (qu’on estime entre un et deux milliers de morts et 10.000 disparitions dans les mois suivants), jusqu’à Xi Jinping – ont adopté un système économique quasi capitaliste, les super- et infrastructures politiques sont toujours celles de la Chine maoïste: parti unique, surveillance absolue, absence de liberté d’opinion, contrôle indirect par l’État du commerce privé… et mensonge généralisé. À commencer sur les chiffres. Les choses ont-elles vraiment changé depuis l’époque du Grand Bond en avant, quand le Bureau national des statistiques avait été remplacé, dans les campagnes, par des « relais de bonnes nouvelles » (sic) ■
Mao pendant la Révolution culturelle, jolie formule cachant une sanglante opération politique.
* Source : Figaro magazine, dernière livraison.
Jean Christophe Buisson est écrivain et directeur adjoint du Figaro Magazine. Il présente l’émission hebdomadaire Historiquement show4 et l’émission bimestrielle L’Histoire immédiate où il reçoit pendant plus d’une heure une grande figure intellectuelle française (Régis Debray, Pierre Manent, Jean-Pierre Le Goff, Marcel Gauchet, etc.). Il est également chroniqueur dans l’émission AcTualiTy sur France 2. Son dernier livre, 1917, l’année qui a changé le monde, est paru aux éditions Perrin.
Il faut lire et relire les magnifiques essais du sinologue Simon Leys réédités sous le titre » Essais sur la Chine » pour comprendre la nature du totalitarisme communiste. On peut difficilement oublier aussi que les livres de Leys ont été l’objet d’attaques furieuses au moment de leur publication, de la part de la presse progressiste, le Monde etc. parce qu’ils s’en prenaient à Mao, la vache sacrée de la bienpensance de l’époque, qualifié de » phare de la pensée mondiale » par Giscard d’Estaing. Une gauche complaisante à l’égard du totalitarisme mais une droite française la plus bête du monde, ce que confirme ce jugement atterrant.
Les Chinois ont au moins un avantage: gérer les paradoxes: le 1er pays communiste au monde est aussi, GRACE aux OCCIDENTAUX, IDIOTS UTILES, la 2ème puissance économique. Aujourd’hui, ils vont nous vendre des masques pour lutter contre la propagation d’un virus qui vient de chez eux.
Si les Occidentaux décident E NFIN de rapatrier une bonne partie de leur industrie , la CHINE s’effondrera après de violents soubresauts. Mais les voraces, les rapaces gagnent beaucoup trop d’argent avec ce pays , pour le faire
le régime soviétique s’est écroulé quasi-spontanément après 70 ans lorsque les peuples ont fini par voir l’étendue du mensonge généralisé; ce qu’avait prévu Andrei Amalrik dans son livre « l’Union soviétique survivra-t-elle en 1984 » (une petite erreur de 5 ans) L’échéance est proche pour le communisme chinois, le peuple chinois n’est pas moins intelligent que les peuples est-européens et a sous les yeux Taiwan et Hong Kong. Lors de la « récupération de Hong Kong par la Chine communiste, j’avais prédit à mes amis que ce serait Hong Kong qui finirait par prendre le contrôle de la Chine. Nous y sommes peut-être déjà!
Incidemment Amalrik est mort en exil en Espagne renversé par un camion dont on n’a jamais retrouvé le conducteur, ne l’oubliez pas et relisez son livre.
(Alors que madame Carrère d’Encausse disait dans ses livres que la chute de l’URSS serait provoquée par la révolte des « républiques musulmanes d’Asie Centrale!)