Sous le titre « Le retour des Barbaresques », le Professeur Jean Chélini a publié un intéressant petit article dans La Provence du dimanche 20 avril.
Il commence par un peu d’Histoire, ce qui nous ramène au « nihil novi sub sole… », pour finir par une sorte de réflexion/méditation un peu grave sur la situation actuelle…..
Un peu d’Histoire ? Jean Chélini nous rappelle que la piraterie n’est pas quelque chose de nouveau. Qui ne se souvient que Cervantés a tout de même passé pas loin de cinq années dans les geôles barbaresques d’Alger, et que l’Ordre des Trinitaires fut, un temps, spécialement chargé de racheter les captifs chrétiens enlevés par les pirates et réduits au sort peu enviable de monnaie d’échange…. L’insécurité du trafic maritime, et les freins qu’elle mettait au développement économique: telle fut bien la raison profonde pour laquelle eut lieu l’expédition française de 1830, qui devait aboutir à la prise d’Alger puis à la conquête de l’Algérie: « …..La sécurité revint au milieu du XIX° siècle, après la conquête de l’Algérie par la France. »……
Un regard lucide sur la situation actuelle ? Jean Chélini se félicite de l’heureux dénouement de la prise d’otages du Ponant, due à l’excellente réaction de nos forces aéro-navales, qui ont droit pour l’occasion à un coup de chapeau bien mérité. Il pose cependant la question centrale: comment se fait-il que l’on ait laissé s’opérer ce glissement vers l’Est d’une insécurité dont on avait débarrassé les mers du Sud et les rivages de la Méditerranée ? Aujourd’hui les « nouveaux barbaresques »infestent la Mer Rouge, le Golfe d’Aden, l’Océan Indien, le Golfe Persique… Que peut-on envisager pour en finir avec cette insécurité ? Jean Chélini fait deux propositions de bon sens: une délégation des Nations Unies pour mener des actions militaires; et « frapper au portefeuille », c’est-à-dire geler (et saisir ?) les fonds sur les comptes où ils ont été déposés.
Cette intéressante réflexion du Professeur Chélini nous renvoie donc à l’état mental et moral de nos sociétés occidentales. Et à leur pusillanimité fréquente, qui contraste avec l’énergie et l’absence de doute dont elles ont su faire preuve au cours de l’Histoire : comment ne pas voir que leur grande faiblesse morale et spirituelle d’aujourd’hui les confine parfois, les confine souvent, à la paralysie dans l’action ?
Une grande faiblesse morale et mentale, paradoxalement doublée d’une énorme puissance matérielle, d’un formidable potentiel technologique, qui nous renvoie a contrario, c’est vrai – et de plein fouet si l’on peut dire… – au monde européen d’autrefois. Un monde dont la puissance matérielle était certes bien moindre, mais qui était fort dans ses croyances, et n’était pas paralysé comme le sont si souvent aujourd’hui les puissances occidentales, aujourd’hui bien plus fortes et bien moins fortes à la fois qu’elles ne l’étaient hier. Il y a bien là matière à réflexion…..
Le retour des Barbaresques.
L’attaque du « Ponant » par des pirates au large de la Somalie nous rappelle brutalement qu’à l’intérieur des pays où le pouvoir politique vacille, les brigands coupent les routes et les pirates infestent les côtes. Aux XVII° et XVIII° siècles, dans les états barbaresques qui échappaient de fait à l’autorité du sultan, sur toute la façade méridionale de la Méditerranée, de Gibraltar à l’Egypte, foisonnaient des bandes de pirates, bénéficiant de la complicité tacite des pouvoirs locaux. Ils prenaient les bateaux marchands à l’abordage, pillaient les cargaisons et emmenaient les matelots survivants et les passagers en esclavage. La flotte de l’Ordre de Malte et la marine royale coopéraient pour combattre les barbaresques, sans réussir à éliminer totalement les pirates qui trouvaient refuge sur leurs côtes. En dernier ressort, des ordres religieux recueillaient des fonds en Europe pour racheter les captifs sur les marchés du Maghreb. La sécurité revint au milieu du XIX° siècle, après la conquête de l’Algérie par la France.
Aujourd’hui, spectaculairement, l’insécurité s’est transportée dans la Mer Rouge, dans le Golfe d’Aden, sur la côte somalienne dans l’Océan Indien, ainsi que dans le Golfe Persique. Comment se débarrasser de ces nouveaux barbaresques ? L’intervention rapide des forces navales et aériennes françaises a permis d’intercepter à terre dans le déser somalien une partie des pirates et du butin. C’est clairement dans ce sens qu’il faut organiser la riposte et mieux encore la prévention !
N’est-il pas possible que par délégation des Nations-Unies, en accord avec la Somalie qui semble disposée à le donner, des actions concertées soient menées à partir de Djibouti pour anéantir les bases maritimes et terrestres de ces bandes, détruire leur flottille et que, par ailleurs, soient repérés et gelés les comptes où sont déposés les produits de leurs rapines ? Serions-nous au XX° siècle, épaulés par les instances internationales, moins efficaces que la flotte de la Religion (c’est ainsi que l’on appelait la flotte de Malte dans la Méditerranée) et la Royale réunies ?.
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