Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
A ce jour, M. Macron est bien le seul qui donne l’impression d’avoir modifié son discours politique, avec les conséquences immédiates, vu sa fonction, que l’on connaît.
C’en est fini – mais jusqu’à quand ? – de certains des dogmes de l’économie libérale : l’orthodoxie budgétaire laisse la place à un Etat dit « stratège », plutôt dirigiste donc, qui semble aussi dépensier maintenant qu’il a pu paraître excessivement économe il n’y a pas si longtemps. Certains nous expliquent que la dette peut être, certes, la pire des choses, mais aussi la meilleure : c’est selon les circonstances et selon ce que l’on fait de l’argent emprunté. D’ailleurs la résorption progressive de la dette dans le temps long resterait tout à fait envisageable. Peut-être.
Du coup, face à un président non pas inconstant mais surprenant, les autres, c’est-à- dire ses adversaires politiques, les politiciens de tout bord, renvoient une image plutôt statique et idéologique. Chacun affirme au fond que la crise actuelle ne fait que conforter ses positions et ses analyses. Ce discours est pourtant peu recevable de la part des partis actuellement d’opposition mais dits « de gouvernement » : la coalition hétéroclite de la droite « républicaine » et le désormais moribond parti socialiste. On peut leur reprocher en effet l’essentiel, à savoir d’avoir été ensemble ou successivement les responsables et coupables, par leur impéritie au pouvoir, de la situation que nous vivons dans une France qu’ils ont désarmée tant sur le plan sanitaire que sur le plan industriel.
Décrédités, ces deux courants cherchent d’abord à se sauver eux-mêmes : celui de gauche en s’amarrant à la bouée écologiste, celui de droite en rappelant son gaullisme originel, social et populaire. Mais ils ne trompent plus personne.
Restent les trois autres courants qui, par comparaison, font meilleure figure mais se crispent pourtant sur des positions de principe que la crise aurait donc en quelque sorte validées. Et il est vrai que le coronavirus aura donné une grande crédibilité aux idées-forces des écologistes, des souverainistes et même des insoumis.
Encore convient-il de nuancer. Si s’est imposée enfin une vision du monde plus respectueuse des lois de la nature, il n’y a, malgré les gazouillis (les tweets pour les anglomanes) de M. Jadot, aucun lien de causalité avéré entre réchauffement climatique et vente-consommation d’un pangolin infecté sur un marché chinois (des doutes demeurent d’ailleurs sur l’origine même de l’épidémie). De plus, si la pandémie a apporté un démenti cinglant aux no borders de tout poil (qui, en février encore, se moquaient de l’éventuelle fermeture des frontières nationales – comme M. Olivier Duhamel, universitaire et politologue sans doute brillant mais insupportable de suffisance dans ses interventions télévisées), il ne faut pas avoir de la frontière une conception frileuse et purement défensive, celle d’un mur d’enceinte hostile à ce qui se trouve en dehors, mais bien plutôt la présenter pour ce qu’elle est, la porte qu’un Etat souverain est libre d’ouvrir ou de fermer. Enfin, si la restauration de certains services publics d’intérêt général en quasi-déshérence s’impose comme une mesure dictée par le souci du bien commun, les propos exaltés de certains militants d’extrême-gauche et parfois de M. Mélenchon lui-même qui, via planification et étatisation maximales, rêvent encore d’un paradis totalitaire de type soviétique, peuvent inquiéter.
Cependant, c’est bien M. Macron qui tient – en tout cas qui est censé tenir – les rênes. Mme Bornes et M. Canfin, ses cautions écologistes, estiment impensable « de relancer sans transformer ». L’aide que l’Etat vient de décider d’apporter à Air France – Air France aujourd’hui, peut-être Renault demain – sont un signe : soutien apparemment sans faille de l’Etat avec un zeste de contreparties à caractère écologique. Rien donc de trop bouleversant. Tout le monde, de gauche à droite et M. Macron au milieu, tient des propos plutôt hostiles au libéralisme. Haro sur le libéralisme, donc ? Oui, mais rien n’est encore fait. ■
* Agrégé de Lettres Modernes.
Retrouvez les Lundis précédents de Louis-Joseph Delanglade.
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source
J’espère quand même que l’on ne va pas retrouver un système soviétique, avec un Etat obèse et gaspilleur. Il faudra bien un jour retrouver l’équilibre budgétaire.