On sait que pour certains musées français, contrairement à l’usage séculaire, « Louis XIV devrait dorénavant s’écrire Louis 14 » et que, plus généralement, les chiffres romains devraient être abandonnés dans l’espace public.
L’affaire a d’ailleurs soulevé de saintes colères médiatiques et autres, en Italie.
Faut-il en être surpris ? En tout cas, un groupe de députés s’en est inquiété à l’Assemblée où, pour une fois, la tradition a été défendue.
Ainsi, une proposition de résolution visant à la protection et à l’inscription des chiffres romains dans le patrimoine culturel et immatériel français, a été déposée à l’Assemblé le mercredi 7 avril 2021.
L’auteur de la proposition – que nous saluons ainsi que l’ensemble des signaaires.
N° 4068
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 avril 2021.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
visant à la protection et à l’inscription des chiffres romains dans le patrimoine culturel et immatériel français,
présentée par Mesdames et Messieurs
Philippe BENASSAYA, Guy BRICOUT, Damien ABAD, Pierre MOREL‑À‑L’HUISSIER, Julien AUBERT, Philippe CHALUMEAU, Vincent DESCOEUR, Annie CHAPELIER, Sylvie BOUCHET BELLECOURT, Laurence TRASTOUR‑ISNART, Claude de GANAY, Nicolas MEIZONNET, Laurent GARCIA, Jean‑Jacques FERRARA, Sébastien HUYGHE, Jennifer DE TEMMERMAN, Béatrice DESCAMPS, Jean‑Claude BOUCHET, Mansour KAMARDINE, Bruno BILDE, Philippe GOSSELIN, Typhanie DEGOIS, Robin REDA, Stéphane VIRY, Nathalie PORTE, Yves HEMEDINGER, Julien RAVIER, Jean‑Luc REITZER, Marc LE FUR, Philippe MEYER, Arnaud VIALA, Véronique LOUWAGIE, Jean‑Pierre PONT, Thibault BAZIN, Xavier BRETON, Bérengère POLETTI, Frédéric REISS, Yannick HAURY, Bernard PERRUT, Didier QUENTIN, Michel VIALAY, Emmanuelle MÉNARD, Stéphanie KERBARH, Michel HERBILLON, Christophe NAEGELEN, Jean‑Carles GRELIER, Jean‑François PARIGI, Bernard BROCHAND, Gérard MENUEL, Ian BOUCARD, Éric PAUGET, Valérie BEAUVAIS, Olivier MARLEIX, Emmanuel MAQUET, Marie‑France LORHO, Pierre VATIN, Jean‑Marie SERMIER, Meyer HABIB, Émilie BONNIVARD, Sandrine BOËLLE, Édith AUDIBERT, Jean‑Luc LAGLEIZE, Bernard BOULEY, Agnès THILL, Brigitte KUSTER, Stéphanie KERBARH, Constance LE GRIP, Patrice PERROT, François JOLIVET, Sébastien CHENU, Robert THERRY, Valérie BAZIN‑MALGRAS, Isabelle VALENTIN, Jean‑Jacques GAULTIER,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les récentes révélations par la presse sur l’abandon des chiffres romains au profit des chiffres arabes dans la dénomination des siècles par le musée du Louvre et celle des Rois de France par le musée Carnavalet ont choqué de nombreux Français. Pour beaucoup, elles marquent une nouvelle étape dans le déclin culturel de notre culture historique.
La raison de cet abandon est l’accessibilité, notamment des touristes étrangers qui ne connaissent pas la numérotation romaine, à la culture transmise par ces établissements. Or le rôle des musées est bien la transmission d’une culture, et non son adaptation au profit du plus grand nombre, plus particulièrement des touristes et de ceux qui y sont imperméables dans un souci d’universalisme.
Il ne s’agit donc pas d’un simple abandon de la numérotation romaine, qui constituerait « un obstacle à la compréhension » selon certains responsables, mais bien d’un abandon par ces musées de la mission première qui leur a été confiée : protéger et perpétuer notre héritage historique.
Face à cet abandon, la Représentation nationale ne peut détourner le regard. Elle doit être unie pour condamner ce qui s’apparente à un reniement culturel et civilisationnel. Il nous faut également être lucide. Qui peut croire que supprimer les chiffres romains agrandira l’audience de nos musées ? Qui peut croire que l’abandon d’une part de notre héritage culturel et civilisationnel pourra recréer un lien charnel entre nos compatriotes et leur Histoire ? De telles pensées sont, au mieux, d’une naïveté confondante et, au pire, d’une véritable désertion culturelle.
Ainsi que l’écrivait Massimo Gramellini, écrivain et vice‑directeur du Corriere della Sera, « Cette histoire des chiffres romains représente une synthèse parfaite de la catastrophe culturelle en cours : d’abord on n’enseigne pas les choses, puis on les élimine pour que ceux qui les ignorent ne se sentent pas mal à l’aise ».
Il est en effet de la responsabilité première de nos écoles que d’apprendre la numérotation romaine à nos enfants. Sans cela, elle sera vouée à disparaitre dans l’oubli ou, pire, sera réservée aux élites et leur servira de signe de reconnaissance, alors qu’elle a pourtant une vocation universelle, vocation qu’elle a, jusque‑là, honorée. Il est donc important, par cette proposition de résolution, de rappeler le rôle fondamental de notre système éducatif dans la transmission de la base des savoirs à nos enfants que sont lire, écrire et compter, mais aussi connaitre la numérotation romaine.
Notre legs romain est un pilier de notre identité politique, juridique, philosophique et historique. Le renier, l’oublier, l’abandonner, serait perdre une part de nous‑même en tant que civilisation.
Cependant, il ne faut pas nier la responsabilité des politiques et des responsables publics dans ce déclin culturel : le problème ne vient pas du public, qui ne comprend pas ou qui ne comprend plus la numérotation romaine. Le véritable problème vient du manque de courage, de l’abandon de la part des responsables des musées qui se plient à la dictature universaliste dans une logique mercantile, mais aussi des politiques qui détournent le regard, au prétexte qu’il y aurait « plus grave ailleurs ».
La ville de Paris reconnaît, pire, assume cet abandon, des mots mêmes de son adjointe à la culture. L’Assemblée nationale ne peut se résoudre à une telle renonciation. Cette proposition de résolution vient donc prendre la mesure de tout cela pour réaffirmer solennellement l’importance et l’attachement de la France à la numérotation romaine, comme étant part de son patrimoine immatériel et culturel, qu’elle se doit de protéger.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 34‑1 de la Constitution,
Vu l’article 136 de son Règlement,
Rappelant que la numérotation romaine précède l’invention de l’écriture et, depuis, a traversé les âges en s’inscrivant dans l’histoire de la civilisation française et européenne ;
Considérant que l’usage de la numérotation romaine constitue l’une des bases distinctives de notre culture historique ;
Considérant qu’il est du devoir de notre pays de transmettre l’héritage immémorial de la numérotation romaine et de l’histoire de notre civilisation qui y est affiliée ;
Considérant que l’école et les musées sont les premiers vecteurs de transmission de cet héritage ;
I. – Déclare la numérotation romaine comme faisant partie du patrimoine culturel et immatériel de la France ;
II. – Invite le Gouvernement à promouvoir la numérotation romaine comme telle à l’international ;
III. – Invite le Gouvernement à protéger l’usage subsistant de la numérotation romaine dans notre pays et à inviter ses partenaires européens à faire de même en Europe.
Que voilà enfin les choses dites !
Bravo !
A suivre….
Dites et bien dites, a soutenir mordicus !
« l’élimination des chiffres romains au profit des chiffres arabes ». Pointe subliminale ou maladresse involontaire? l’expression « chiffres arabes » est un raccourci commode mais simplificateur de l’émergence de la notation en base 10 ( où le rang d’un chiffre indique la puissances de 10 le multipliant) notamment grâce à l’adoption du zéro, né, selon certains, en Inde. Numération indo-arabe serait plus conforme à l’histoire, en ajoutant que beaucoup des savants connus par leur patronyme arabe étaient, dit-on aussi, persans. En ces temps de chasse aux emblèmes, symboles, statues,stéréotypes, des expressions aussi imprudentes pourraient bien faire jurisprudence. Enrichissons plutôt qu’éliminer : Apposons de nobles inscriptions ( à défaut de statues) à la mémoire d’Al-Kharismi, Al-Djabr , Bramagupta et autres grands mathématiciens dans les hauts lieux de la science.
Marc Vergier a raison : ici, l’adjectif arabe n’est rien d’autre qu’une facilité langagière.
Bravo! Cela ne me gêne pas que l’on parle de chiffres arabes, l’essentiel est que l’on n’abandonne pas les chiffres romains. J’ai malheureusement observé que Le Figaro Télé avait annoncé une émission sur la reine Elizabeth 2. Il faut être vigilant et réagir.