De quoi s’agit-il au fond ? De poursuivre la déchristianisation de la société française, accessoirement, circonstanciellement, de contenir un tant soit peu la poussée de l’Islam, de réduire à presque rien l’influence de toute religion héritée des traditions de l’Ancien Monde, de consacrer la laïcité républicaine comme religion et liturgie nouvelles de la République, au dessus de toute chose, y compris au dessus de toute expression, le cas échéant contraire, de la volonté populaire. C’était le programme du très sectaire Vincent Peillon. Ça le reste.
Le Monde a publié l’annonce de ces « Etats généraux de la laïcité » le 18 avril dans ces termes :
« Alors que le devenir de l’Observatoire de la laïcité fait l’objet d’une âpre bataille politique, Marlène Schiappa mise sur la synergie des acteurs français pour faire avancer le débat. La ministre déléguée à la citoyenneté a ainsi annoncé, dans une interview accordée au Journal du dimanche du 18 avril, la tenue d’« Etats généraux de la laïcité », lesquels donneront notamment lieu à une « grande consultation » auprès des jeunes sur ce sujet pour le moins clivant.
Le coup d’envoi de ces Etats généraux sera donné mardi au Conservatoire national des arts et métiers, à Paris, « avec une conférence de haut niveau entre des intellectuels de toutes les sensibilités » , a précisé Mme Schiappa, indiquant qu’y prendraient part, entre autres, l’académicienne Barbara Cassin, l’essayiste Caroline Fourest et le philosophe Gaspard Koenig.»
Marlène Schiappa en a souligné l’esprit dans la plus pure langue de bois de la doxa laïciste :
« C’est un sujet de passion. L’idée est de dire : parlons-en ensemble et écoutons-nous ». « La laïcité n’est en aucun cas une arme de répression contre les religions. Nous voulons justement sortir de la tenaille entre, d’un côté, les identitaires d’extrême droite, et, de l’autre, les indigénistes et Europe Ecologie-Les Verts. J’invite chacun à prendre la parole dans le cadre des Etats généraux. »
Le Figaro a donné un décryptage à lire de l’ouverture, mardi, de ces Etats généraux – ou censés l’être – par une conférence d’intellectuels aux avis divergents. (Caroline Beyer)
« Il est 13 heures lorsque Marlène Schiappa appuie sur un «buzzer» orange, sous les yeux du philosophe Raphaël Enthoven et de l’essayiste Caroline Fourest pour lancer sa «grande consultation publique sur laïcité», qui vise notamment les jeunes. Nous ne sommes pas sur un plateau télévisé, mais au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), ce temple des sciences et technologies fondé après la Révolution. Un lieu idéal pour lancer, devant une assistance faite essentiellement de journalistes, ses «états généraux de la laïcité».
La ministre chargée de la Citoyenneté avait fait connaître cette initiative deux jours plus tôt, dans une interview au Journal du dimanche. Une annonce «sortie de nulle part», si l’on en croit de nombreux spécialistes du sujet, qui disent «tomber des nues». La veille de ce lancement, on était d’ailleurs bien en peine, au Cnam, de fournir le programme de la «conférence de haut niveau entre des intellectuels de toutes les sensibilités», promise par la ministre. Cette conférence ouvre des états généraux de trois mois, qui devront permettre, à l’été, d’«éclairer le travail du gouvernement, en complément du projet de loi confortant les principes de la République».
Il faut dire que Marlène Schiappa cherche à s’imposer sur le sujet de la laïcité, aux côtés de son ministre de tutelle, Gérald Darmanin, et de son collègue de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, qui incarnent une ligne ferme au sein d’un gouvernement tiraillé (lire ci-contre). Elle entend «rassembler autour de la laïcité à la française» et «sortir de la tenaille entre, d’un côté, les identitaires d’extrême droite et, de l’autre, les indigénistes et Europe Écologie-Les Verts». Mais à entendre ces intellectuels qui sont intervenus sur place ou en visioconférence le 20 avril, force est de constater que les lignes de fracture sont plus subtiles.
Dans l’ancienne chapelle qui abrite le pendule de Foucault et l’avion de Louis Blériot, on a cité Aristide Briand, Victor Hugo, mais aussi Ghandi, Mustafa Kemal et Salman Rushdie. On a opposé «laïcité de combat» et «laïcité libérale». Certains ont remis en question le lien entre la laïcité et l’égalité hommes-femmes. D’autres ont dénoncé l’utilisation «piège» du mot «islamophobie».
«Qu’on arrête de dire que la laïcité est une spécialité française», s’emballe le philosophe Henri Pena-Ruiz, qui évoque «Mustafa Kemal, l’antonyme d’Erdogan» et cette Turquie qui donna le droit de vote aux femmes en 1934, dix ans avant la France. Pour lui, la laïcité est «un principe d’émancipation». Il «dénie» au Rassemblement national «le fait d’être laïc» et dénonce «la stupidité absolue» de la mouvance décolonialiste.
Face à lui, l’essayiste Gaspard Koenig, porteur d’une pensée libérale, explique que la laïcité, c’est «le laisser croire», mais aussi «le laisser vivre». «Elle implique une manière de vivre, de s’habiller», estime-t-il. Il craint la «laïcité de combat», qui voudrait selon lui «réguler les comportements» et «imposer un mode de vie à des cultures qui dérangent». Spécialiste de l’enseignement du fait religieux à l’École pratique des hautes études (EPHE), Philippe Gaudin raconte que lorsqu’il demande à des lycéens de citer des personnes qui incarnent la laïcité, ils lui citent Ghandi, Mandela ou le dalaï-lama. «Les jeunes d’aujourd’hui sont des citoyens du monde», affirme-t-il, et ce monde est rempli «de réveils religieux, pour le meilleur et pour le pire».
A contrario, l’essayiste Caroline Fourest considère que «la pédagogie est le combat de notre époque», notamment vis-à-vis de cette jeunesse «à qui l’on fait croire que se battre pour la liberté d’expression, c’est être islamophobe». Un mot qui «a tué les dessinateurs de Charlie Hebdo et le professeur Samuel Paty».
Reste à savoir si Marlène Schiappa parviendra à «rassembler», et quel sera le sort réservé à ces états généraux de la laïcité, au-delà des jeux politiques et des coups de communication. » ■
Il me semble que cette « grande consultation » pourrait être pour l’AF une occasion de se manifester par des « chahuts » comme à un haut niveau intellectuel. Je suis prêt à y travailler…
Excellente idée de Michel Michel!