Par Rémi Hugues.
Réflexions, variations, autour du livre de Pierre de Meuse « Idées et doctrines de la Contre-Révolution ». Suite de 21 articles à paraître les jours prochains, sauf le weekend.
Sans nul doute, Marx fit une excellente synthèse de ce cycle inaugural dans La guerre civile en France. En voici un abrégé :
« Le pouvoir centralisé de l’État, avec ses organes, partout présents : armée permanente, police, bureaucratie, clergé et magistrature, organes façonnés selon un plan de division systématique et hiérarchique du travail, date de l’époque de la monarchie absolue, où il servait à la société bourgeoise naissante d’arme puissante dans ses luttes contre le féodalisme.
Cependant, son développement restait entravé par toutes sortes de décombres moyenâgeux, prérogatives des seigneurs et des nobles, privilèges locaux, monopoles municipaux et corporatifs et Constitutions provinciales.
Le gigantesque coup de balai de la Révolution française du XVIIIème siècle emporta tous ces restes des temps révolus, débarrassant ainsi, du même coup, le substrat social des derniers obstacles s’opposant à la superstructure de l’édifice de l’État moderne.
Celui-ci fut édifié sous le premier Empire, qui était lui-même le fruit des guerres de coalition de la vieille Europe semi-féodale contre la France moderne. Après chaque révolution, qui marque un progrès de la lutte des classes, le caractère purement répressif du pouvoir d’État apparaît façon de plus en plus ouverte.
La Révolution de 1830 transféra le gouvernement des propriétaires terriens aux capitalistes, des adversaires les plus éloignés des ouvriers à leurs adversaires les plus directs.
Les républicains bourgeois qui, au nom de la Révolution de février, s’emparèrent du pouvoir d’État, s’en servirent pour provoquer les massacres de juin, afin de convaincre la classe ouvrière que la république « sociale », cela signifiait la république qui assurait la sujétion sociale, et afin de prouver à la masse royaliste des bourgeois et des propriétaires terriens qu’ils pouvaient en toute sécurité abandonner les soucis et les avantages financiers du gouvernement aux « républicains » bourgeois.
La forme adéquate de leur gouvernement en société par actions fut la « république parlementaire », avec Louis Bonaparte pour président, régime de terrorisme de classe avoué et d’outrage délibéré à la « vile multitude ». L’exécutif, en la personne de Louis Bonaparte, les chassa.
Le fruit naturel de la république du « parti de l’ordre » fut le Second Empire.
L’antithèse directe de lʼEmpire fut la Commune. Si le prolétariat de Paris avait fait la révolution de Février au cri de « Vive la République sociale », ce cri n’exprimait guère qu’une vague aspiration à une république qui ne devait pas seulement abolir la forme monarchique de la domination de classe, mais la domination de classe elle même.
La Commune fut la forme positive de cette république. Paris, siège central de l’ancien pouvoir gouvernemental, et, en même temps, forteresse sociale de la classe ouvrière française, avait pris les armes contre la tentative faite par Thiers et ses ruraux pour restaurer et perpétuer cet ancien pouvoir gouvernemental que leur avait légué l’empire. » [À suivre demain mercredi] ■
* Un viatique pour les années 2020 [1] [2] [3] [4] [5]
À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)
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