Il n’est pas de jour où des Français, des groupes de Français, ne protestent contre le carcan qui les étouffe et que le régime ne cesse de resserrer sur eux, tout en affirmant, comme pour se gausser, qu’il le fait au nom de la Liberté, de l’Egalité et, pourquoi pas, de la Fraternité.
Pourquoi les Français n’osent-ils pas voir les raisons de leur malheur ? Les institutions, telles qu’elles fonctionnent, ne correspondent plus aux nécessités du siècle. C’est le cœur du problème politique français. Qui ne le comprend ? Du sommet de l’État jusqu’à la plus petite autorité investie de la puissance publique, il faudrait, dans cette période difficile, à l’encontre de ce qui se passe aujourd’hui, des personnes qui aient d’abord et fondamentalement le sens du bien commun et que rien ne puisse, d’une manière ordinaire, les en détourner. Voilà où va sans aucun doute le vœu politique du peuple français, le vrai, celui qui travaille, qui souffre et qui aime : il devine que ce serait là le salut de la France, mais il n’a pas la capacité d’imaginer ni encore moins d’exprimer un tel souhait.
Quelle que soit la violence de la crise, le peuple intuitivement sait qu’en un tel cas il serait rassuré et qu’il se mettrait au travail avec goût. Le fait que l’État, et tout ce qui en relève, se simplifierait par l’évidente vertu d’une décision majeure qui l’arracherait aux luttes des partis et aux idéologies, entraînerait la France dans une voie de redressement général dont chacun sent un urgent besoin ; les responsabilités seraient conférées non plus en raison de choix idéologiques et partisans, mais en fonction de l’intérêt national et du bien public. Impossible, dit-on. Dans le cadre des institutions actuelles, oui, bien sûr. Mais personne ne sait dans quel état ces institutions se trouveront demain si la dégradation de la situation continue.
Une société de folie
Il ne faut pas prendre les Français pour des imbéciles et ils commencent à comprendre que tout est fait depuis déjà longtemps pour les empêcher de penser, surtout en matière politique. Une « Liberté » aussi théorique que mortelle est brandie comme une arme par une bande de malfaiteurs publics qui vivent du système, pour tuer toutes les libertés ; ils sont là à leur affaire et ils y déploient tout leur art : des tyrans qui se déguisent en anges de la Liberté ! Cette duperie pourra-t-elle fonctionner encore longtemps ? Tous les 1793 de l’histoire s’achèvent en anarchie qui appelle inéluctablement un retour à l’ordre. Mais les voici nos maîtres : leur visée totalitaire est absolue et dans tous les domaines, y compris familial, éducatif et religieux. Ces gens sans vergogne dictent leur loi au nom d’un Bien qu’ils définissent eux-mêmes. Tout y passe et les romans d’anticipation les plus tragico-comiques du xxe siècle ont décrit d’avance cette société de fous que ces esprits, dont la superbe égale la fausseté, prétendent nous imposer, à nous, en France, en revendiquant une modernité qui n’a rien de moderne, sauf son mauvais goût et son inhumanité. Le Château de Kafka, 1984 d’Orwell, Le meilleur des mondes de Huxley figurent encore mieux ce qui va être, ce qui est déjà l’horreur de notre petit univers français, pire au fond que celle qui menace les autres mondes anglo-saxons ou germaniques. Dans son Avenir de l’Intelligence, Charles Maurras l’avait pronostiqué, lui aussi, dès 1900 : une société de fer où l’argent serait roi et où toute liberté, surtout celle de l’esprit, serait supprimée.
C’est que chez nous la pression idéologique est encore plus forte ; il s’agit dans le projet de ceux qui ont réussi à prendre le pouvoir – car, en France, le pouvoir n’est plus qu’un enjeu – de faire plier la société française dans ce qu’elle a de propre : sa civilisation, ses traditions, sa politesse, sa finesse d’organisation, son aptitude prodigieuse à appréhender et à faire le bien. Tel est le pari qu’ont fait ces destructeurs dont la plupart sont, d’ailleurs, des profiteurs de cette France qu’ils exècrent. Ce qu’ils veulent, c’est que leurs normes brutales dont les desseins barbares se couvrent de grands mots, régentent désormais ces familles françaises irréductibles que l’État républicain n’a pas encore réussi à pulvériser. Toujours trop nombreuses, et toujours reviviscentes, voilà le reproche qu’ils leur adressent continûment. Aujourd’hui ils se croient les maîtres, ils pensent qu’ils ont triomphé de la France devenue leur esclave ; ils sont donc satisfaits.
Voir de pauvres gosses errer sans vraie parenté, des filles livrées, des garçons abandonnés, des familles spoliées, des patrimoines pillés, des maisons volées, des commerçants agressés, des suicides à la chaîne, des patrons à bout de difficultés, des ouvriers sans travail, ça doit probablement faire leur joie ! Ils sont contents d’eux. Il suffit de les écouter. Et c’est à eux que reviennent les ministères, les voitures, les chauffeurs et surtout le pouvoir, objet de toutes leurs convoitises et de toutes leurs disputes. Il vient des envies de justice et de justicier.
Des clans et des partis
Toutes les institutions ont été gangrenées par leur esprit de parti. C’est que leurs appareils s’en sont emparés ; ils vivent dessus, pas seulement financièrement, mais aussi médiatiquement, politiquement, même philosophiquement, car ils ont l’outrecuidance de légaliser par le biais des institutions leur misérable philosophie pour l’établir comme norme universelle. Comme dans 1984 ils réécrivent l’histoire, ils fixent le bien et le mal, ils déterminent le vrai et le faux. Ils mettent toutes les forces sociales au service de leurs lois et de leurs décrets. Ils rendent ensuite l’administration complice et, pour plus de sûreté, ils la doublent de commissions, de comités, de hauts conseils, un appareillage supplémentaire où la gabegie n’entretient que la perversité.
Fonctionnaires hauts et petits, élus sincèrement attachés à leur tâche, braves gens embringués dans des marchés de dupes, militaires de tous grades, tous ont eu cent fois l’occasion de s’en rendre compte : il y a derrière les organigrammes une machinerie et elle ne fonctionne que dans un seul sens, toujours le même. Cette constatation, chacun peut la faire. Elle ne relève pas de la théorie du complot. C’est comme ça et de plus en plus comme ça.
Des comités d’éthique aux commissions spécialisées, des rapports d’experts aux innombrables décisions prises subrepticement et tout à coup imposées sans ménagement, c’est toujours les mêmes trucs indéfiniment resservis pour balayer l’objection et amener la solution, leur solution, prévue d’avance. On croit travailler pour la France, on travaille pour des coteries qui manipulent les partis et qui s’installent dans les lieux de pouvoir. Comment ne pas être écœuré ? Même en politique extérieure le risque est de voir les engagements de la France servir à d’autres buts que le souci réel des populations, alors que la France a un rôle évident à jouer en Afrique. Mais que peuvent penser des politiciens qui n’ont jamais réfléchi à ces questions ?
Protestation du chef de la Maison de France
Là où le régime se révèle tel qu’il est, c’est dans ses procédés, d’abord pour insinuer, puis peu à peu pour imposer ses objectifs. Ainsi le rapport des 250 experts (!) sur l’intégration commandé par Ayrault, mis en ligne sur le site Internet de Matignon et qui a défrayé la chronique, n’est en fait rien d’autre que le plan prévu. C’est pourquoi il ne suffit pas de simplement s’en offusquer. Il n’y a pas à s’y tromper : ce qui est visé, c’est la destruction programmée de la France. Mgr le comte de Paris l’a écrit en termes forts dans une tribune du Figaro du 18 décembre. Au nom de la France, de son histoire, de son avenir, que, chef de la Maison de France, il est plus que personne qualifié pour représenter, il proteste hautement contre cette manière de prétendre « faire France » pour détruire la France. L’héritier de nos rois a parlé : il a tout dit.
Il est affreux de savoir qu’il est des gens qui sont payés par l’État dans ce seul but de démolir notre pays. Les clans qui occupent le pouvoir ne pensent qu’à « ça », en tous domaines ! La colère de Hollande, feinte ou réelle, ne tient qu’au fait que ce dévoilement a eu lieu trop tôt, et trop ouvertement, alors qu’il veut faire passer auparavant d’autres lois sociétales. Question de tactique, non de stratégie. Il n’est pas difficile de prévoir que les protestations, pour légitimes qu’elles soient, ne serviront à rien. Ils veulent aller jusqu’au bout de leur programme. Il n’est pas de lois qui soient en train d’être votées, que ce soit sur les retraites, sur la formation, sur l’organisation professionnelle, qui ne soient dirigées en réalité contre les familles, les entrepreneurs, la France réelle et vivante, et ce seront toujours les mêmes qui paieront. Ainsi de tout. Ainsi surtout des lois sur la famille, sur la bioéthique et l’euthanasie. Des experts, des « panels » – ça fait bien – 18 quidams en l’occurrence, dont nul ne sait comment ils sont désignés, préparent les voies. Demain on tuera légalement et sans doute joyeusement, en toute impunité. Comment s’étonner que les faits divers les plus affreux abondent en ces jours sinistres ? L’heure est venue de la résistance. Hollande ne veut pas que ce mot soit employé. Évidemment : les familles ont beau manifester, toute une jeunesse française se lever, le régime les ignore et les méprise.
Le régime ne fonctionne que pour lui-même, comme dans les pays en décomposition : c’est cette vérité qu’il faut comprendre. Les élections municipales et européennes agitent le marigot politique. Elles auront valeur de signe et encore ! La gauche tient si bien ce qu’elle a réussi à prendre dans les territoires qu’il y aura des surprises, mais peut-être pas dans le sens prévu. La fixation obsessionnelle sur le Front national est une habile méthode pour détourner l’attention.
Tant que ce régime fonctionnera, tel qu’il fonctionne, il sera impossible d’avoir une juste représentation de la France, des Français, de leurs intérêts réels. C’est navrant, car, aujourd’hui, tout serait possible. Il est dans l’air du temps de nouvelles appréhensions de la réalité. La notion d’ « écologie humaine », qu’une nouvelle génération veut promouvoir, indique la voie d’une libération possible ; elle ne peut que déboucher sur une politique naturelle. Le système qui enserre la France relève de vieilleries idéologiques qui ne sont plus adaptées aux nécessités ni même aux volontés du moment. C’est vers ce renouveau que l’étoile doit nous guider.
* Analyse politique parue dans le numéro de janvier de Politique magazine.
C’est vers ce renouveau que l’étoile doit nous guider.
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Ciel ! vous avez » étoile » ?
Au milieu d’un champ de mines, prêtes à exploser à la moindre erreur de navigation, plaise au Ciel que l’Etoile de la Mer conduise notre Cril17 jusqu’à Reims ! … [ MAJ 16/01 ]
http://cril17.info/
Le décalage entre la classe politique et l’électorat constitue un problème pour la gauche qui, dans le passé, avait toujours prétendu représenter mieux que la droite les aspirations populaires. Mais la gauche s’est aujourd’hui progressivement coupée du peuple. En se ralliant à l’économie de marché, en privilégiant les revendications marginales au détriment des aspirations de ceux qui sont le plus menacés par le chômage et l’insécurité, en donnant le spectacle d’une élite installée dans le paraître médiatique, elle a profondément déçu ceux auxquels elle était censée s’adresser en priorité.
La sociale-démocratie, depuis sa création, proposait une alliance entre les partis ouvriers et certains autres acteurs sociaux parce qu’elle estimait, sur la base d’une analyse des classes sociales, qu’une telle alliance pouvait permettre une mobilisation plus large sur la question sociale et les réformes démocratiques. Les socialistes ont aujourd’hui abandonné cette vision, parce qu’ils sont eux aussi devenus incapables d’articuler une mobilisation sociale autour d’un véritable projet collectif.
Parallèlement au ralliement d’une grande partie de la gauche à l’économie de marché, sinon au réformisme libéral, la montée d’une culture de gauche d’inspiration hédoniste-libertaire est l’un des facteurs qui ont le plus contribué à couper les partis de gauche des couches populaires, lesquelles ont assisté avec stupéfaction à l’émergence, puis à l’installation médiatique d’une gauche mondaine et arrogante plus portée à défendre l’ »homoparentalité « , les sans-papiers, l’ »art contemporain », les droits des minorités, le discours sur les « genres », le « politiquement correct « , les phobies corporelles et la surveillance permanente du comportement d’autrui, qu’à renouveler le langage de la classe ouvrière en se plongeant si nécessaire les mains dans le cambouis.
Ayant laissé aux libéraux le champ libre dans l’ordre économique et social, la « gauche caviar », c’est-à-dire la grande bourgeoisie libérale de gauche, d’autant plus permissive en matière de mœurs qu’elle est indifférente en matière sociale, se tient à distance de milieux populaires dans lesquels elle ne se reconnaît plus.