La dernière « édition » du rituel Forum de Davos demanderait de longs développements, et nous y reviendrons un peu plus longuement la semaine prochaine. Disons seulement quelques mots là-dessus dès maintenant…
Dire sottement « Mon ennemi, c’est la finance !… » ? Crier, encore plus sottement « A bas l’Argent ! » ? Voilà qui ferait peut-être « plaisir » à certains, qui croiraient faire oeuvre utile en éructant de telles sornettes, alors que la seule chose à faire, le seul service à rendre, n’est pas de critiquer l’Argent, qui, comme tout – et on le sait depuis la langue d’Esope… – peut être la meilleure ou la pire des choses; mais d’expliquer à l’opinion comment et pourquoi nous en sommes arrivés à l’Âge de fer que nous vivons aujourd’hui, c’est-à-dire à la toute puissance des forces de l’Argent. Et à proposer la révolution qui consisterait à remettre l’Argent à sa place, en rendant le pouvoir à ce que Maurras appelait les forces du Sang : voilà la seule révolution qui vaille, et d’ailleurs la seule révolution qui soit, et c’est nous, les royalistes, et nous seuls, qui en sommes les tenants.
Aujourd’hui, il n’y a qu’une alternative : être conservateur du Système, et de son des-ordre installé, lui qui a établi l’Argent comme maître unique et absolu de tout; ou bien être révolutionnaire de ce des-ordre, donc royalistes, c’est-à-dire instaurer un pouvoir politique où l’autorité suprême serait totalement affranchie des puissances de l’Argent, et qui le contraindrait à rester dans sa sphère – légitime cette fois… – où il pourrait enfin (re)devenir utile et profitable au Bien commun…
Deux courts passages, en attendant une réflexion plus approfondie sur ce sujet :
1. D’Anatole France (tiré de son Histoire contemporaine, Tome II, Le mannequin d’osier, Calmann-Lévy, 1925, page 105) : « …On goûte un plaisir philosophique à considérer que la Révolution a été faite en définitive pour les acquéreurs de biens nationaux et que la Déclaration des droits de l’homme est devenue la charte des propriétaires. Ce Pauquet, qui faisait venir ici les plus jolies filles de l’Opéra, n’était pas chevalier de Saint-Louis (1). Il serait aujourd’hui commandeur de la Légion d’honneur et les ministres des finances viendraient prendre ses ordres. Il avait les jouissances de l’argent; il en aurait maintenant les honneurs. Car l’argent est devenu honorable. C’est notre unique noblesse. Et nous n’avons détruit les autres que pour mettre à la place cette noblesse, la plus oppressive, la plus insolente et la plus puissante de toutes… »
1925 ? Ou aujourd’hui ?…
(1) : Dans le livre, « Monsieur Bergeret », le personnage central, loge dans l’hôtel Pauquet de Sainte-Croix, ancienne demeure – délabrée quand il s’y trouve – d’un ancien financier du Roi…
2. De Charles Maurras, dans L’Action française du 1er Août 1921 : « L’Argent, en tant qu’argent, celui qui remplit sa fonction, honnête ou neutre, de simple Argent, ne m’inspire aucun sentiment d’hostilité, non plus que d’amitié ni d’envie. Je le voudrais bien à sa place. Je sais que, en démocratie, forcément, il monte trop haut. Le vertige démocratique le condamne à l’usurpation, parce qu’il ne peut trouver de contrepoids en démocratie…
…On voit à quoi servait l’Argent dans cette économie (sous la Royauté, ndlr); il servait à servir. Il servait à entrer dans les services de l’État, services où il était discipliné et traité suivant ses œuvres nouvelles. L’Argent devenait chose morale et sociale, il se chargeait de responsabilités définies qui l’introduisaient et le maintenaient sur un plan différent du sien. C’est que l’État était alors constitué en dehors et au dessus de l’Argent…
Bénéfice et profit sont souvent posés comme synonymes. Il semble pourtant qu’ils n’aient pas exactement le même sens, ni surtout la même portée. Le bénéfice est une notion assez simple. Il se rapporte au gain réalisé lors d’une opération commerciale ou d’un échange marchand. Il constitue une richesse reçue en échange d’une richesse fournie.
Le profit a une portée beaucoup plus générale. Il a certes lui aussi une résonance marchande, mais il désigne aussi toute forme d’amélioration, généralement quantitative, d’une situation donnée. Contrairement au bénéfice, le profit ne comporte aucun principe d’auto-limitation. Il n’est finalement gouverné que par la recherche d’un « toujours plus ».