Sale temps pour les tabous, les mythes creux, les « ridicules légendes » (pour reprendre le mot de Bainville) de la mythologie républicaine idéologique, sur laquelle se fonde le pouvoir vermoulu, usé jusqu’à la corde, qui échoue lamentablement, partout et dans tous les domaines, mais qui préside, hélas, au lent et continu abaissement de la France.
Un abaissement qui n’est dû qu’à lui, ce Système que nous dénonçons, car la France possède tous les atouts pour redevenir ce qu’elle était « quand notre organisation naturelle et historique fonctionnait », comme dit Maurras.
Mais voilà : si « le roi est nu », nous ne sommes plus seuls à le dire… Et, dans cette seule semaine écoulée, Denis Tillinac, d’abord, a brisé un tabou en déclarant : « Les valeurs républicaines, ça n’existe pas ! ».
Puis, très peu de jours après, c’est Franck Ferrand qui, à son tour, jouait le briseur de tabou : « Être « républicain », qu’est-ce que ça veut dire ?… que signifie ce terme, si crânement revendiqué par le premier venu ? Rien, ou pas grand-chose… »
Enfin, comme un bonheur – et, à fortiori, deux – n’arrive jamais seul, voici que sort un Cahier de l’Herne, consacré à Simone Weil. Edouard Huber, qui le présente dans le dernier numéro de Famille chrétienne en extrait un fort intéressant « En finir avec les droits de l’homme », tiré des premières lignes du livre de la philososphe, L’Enracinement, dans lequel Simone Weil désigne les « obligations envers l’être humain » comme un fondement de la vie sociale plus réel que les « droits »…
Bref, une semaine faste – ou néfaste, selon le « camp »… – et l’intérêt de regrouper en une seule page ces trois textes, pour la commodité de leur diffusion, qui doit évidemment être la plus large possible…
I. Tiré du Cahier de l’Herne sur Simone Weil, présenté par Edouard Huber : « En finir avec les droits de l’homme ? » :
II. Franck Ferrand : « Être républicain, qu’est-ce que ça veut dire ? » :
C’est le mot à la mode: dans les médias, ces temps-ci, les bonnes choses sont qualifiées de « républicaine », les mauvaises, d' »antirépublicaines ». « C’était un grand républicain », proclame ainsi – parmi cent exemples – un communiqué de l’Elysée, publié à l’occasion de la mort de Maurice Faure.
Mais de quoi parle-t-on, au juste?
Quelqu’un pourrait-il m’expliquer en quoi le fait d’être « républicain » ou « républicaine » constituerait, en soi, un brevet de vertu ?
Déjà, cela supposerait qu’on définisse clairement la notion, d’autant plus répandue qu’elle est complexe à cerner. Aux Etats-Unis, être Républicain traduit une appartenance politique. En Espagne, dans les années 1930, cela relevait d’un engagement fort. Mais en France, de nos jours, que signifie ce terme, si crânement revendiqué par le premier venu? Rien, ou pas grand-chose – n’en déplaise aux tribuns, aux éditorialistes, aux analystes qui, à tous vents, en usent et en abusent.
Qu’on permette à l’historien de souligner, pour commencer, que la forme républicaine d’un gouvernement n’a jamais garanti son caractère démocratique.
Même de nos jours, une république n’est pas forcément une démocratie: la dictature en vigueur à Pékin porte le nom de « République populaire de Chine »; or, l’idée ne viendrait à personne de louer ses mœurs politiques! Le chef de l’Etat y est désigné à huis clos par le Parti, et s’il existe bien un parlement élu, celui-ci ne se réunit qu’une fois l’an et ne dispose d’aucun pouvoir concret… A l’inverse, une démocratie n’est pas obligatoirement une république: le Royaume-Uni sans doute est la plus emblématique des vieilles démocraties ; or son régime est bel et bien monarchique, même si la reine n’y détient de pouvoir qu’honorifique, et si son premier ministre est issu d’un parlement élu au suffrage universel direct.
J’irais jusqu’à rappeler que, selon un classement international établi en décembre 2013 par l’association autrichienne The Democracy Ranking en fonction du plus ou moins grand respect des droits humains au sein de 115 Etats souverains, les deux premiers (la Norvège et la Suède) sont des monarchies, et les deux derniers (le Yémen et la Syrie), des républiques ! Que, dans les vingt « meilleurs élèves », onze relèvent d’un roi, d’une reine ou d’un empereur, alors que dix-huit des vingt plus mauvais affichent hautement leur dénomination républicaine – la France elle-même ne venant du reste qu’à la seizième place…
Allons-nous cesser pour autant d’entendre notre personnel politique employer, à l’envi, le terme «républicain» en lieu et place de « démocrate », « pluraliste », « équitable » ou simplement « respectueux des institutions » ?
Je crains que non, hélas, tant le suivisme et la facilité se sont depuis longtemps imposés dans ses rangs.
III. Denis Tillinac : « Libérez-vous ! Bazardez les fausses valeurs de la gauche !… ». « ..Les valeurs républicaines, ça n’existe pas !… »
(extraits d’une interview de Denis Tillinac par Patrice de Méritens, parue dans le Figaro Magazine)
Patrice de Méritens (PM) : Etes-vous prêt, comme Eric Zemmour ou Ivan Rioufol, à devenir la cible de la presse de gauche bien pensante ?
Denis Tillinac (DT) : Je n’ai pas encore eu cet honneur, mais je ne désespère pas. Compte tenu de l’état de tension hystérique des moralistes de la gauche officielle, plus rien ne peut étonner. Mais comme tout ce qui est excessif est insignifiant, cela n’aura aucune importance. La bien-pensance s’affole parce qu’elle sait que les présupposés soixante-huitards sont en perdition. On juge l’arbre à ses fruits : deux générations de gosses déstructurés, une mémoire collective ruinée. une culture humaniste en déshérence, des classes moyennes de moins en moins civilisées, autant de conséquences directes de l’antipédagogie et du matraquage idéologique que nous subissons depuis des décennies.
Nous sommes désormais le dos au mur avec, juste devant nous, un précipice sans mémoire, sans arrière-pays spirituel, un vide qui fait peur.
PM : Faudra-t-Il donc être réac pour retrouver le bonheur ?
DT : Par provocation, oui ! Tout comme dans la démonologie médiévale, « réac » désigne le visage diabolisé de l’Autre, la figure de ceux que le pouvoir actuel récuse : une France qu’il prétend nier, mais qui se réveille, avec des livres d’historiens, des essais de philosophes, des manifestations populaires. De façon anarchique et désordonnée, sans doute, mais dans une perspective de rejet de l’ordre moral socialo-gaucho-bobo, avec cette honte de soi, ce reniement de tous nos ancrages. Il faut les retrouver en cultivant sans complexe le goût du terroir, le sentiment patriotique, la fierté de notre culture. autrement dit. retrouver l’amour de soi et de ce dont on procède.
Le nouvel ordre bobo s’y oppose, en confondant égalité et équivalence. Un homme n’est pas une femme, « l’animus » décrit par Jung n’est pas « l’anima », les deux coexistent à l’intérieur de chaque personne. Pas question d’avaliser une idéologie qui prétend fondre les invariants de notre nature dans un improbable hermaphrodisme. La parité a quelque chose de grotesque, voire d’humiliant.
PM : Reste que l’égalité est désormais inculquée dès l’école…
DT : L’école a perdu sa fonction d’instruction au profit d’un formatage des esprits par l’Etat, alors que l’éducation des enfants devrait au premier chef être du ressort des familles. Vincent Peillon incarne cette volonté idéologique de fabriquer des individus hors-sol et anonymes, lâchés dans un openfield mondial. Plus d’ancrage, plus de référence à un genre, à un lieu, à une mémoire, plus d’attache, tous pareils, « tous à poil », comme on dit dans la nouvelle pédagogie bobo.
Degré zéro et table rase. L’idéal du « socialisme » de la Terreur en 1793. Peillon exprime ce nihilisme avec sa gaucherie et son arrogance. Même tyrannie du conformisme dans le reproche adressé à Finkielkraut de faire état des Français de souche, lesquels, quoi qu’on dise, représentent 80 % de nos concitoyens. Diaboliser un écrivain aussi intelligent et nuancé que Finkielkraut est la preuve de l’essoufflement d’un système qui persiste à croire qu’en élaguant le langage on changera la réalité.
J’ai d’ailleurs, également eu droit à ma part de diabolisation de la part d’un journaliste des lnrockuptibles : « Tillinac suinte le Français de souche ! » L’autochtone est donc haï en tant que tel, en des termes de répulsion physique franchement racistes. Comme si l’identité n’était respectable que si elle est celle de l’étranger ou de l’immigré. Or l’autochtone ne pourra accueillir l’Autre que s’il est bien dans sa peau et si l’on cesse de le culpabiliser en permanence.
MP : D’où vient cette radicalisation de la gauche ?
DT : Christiane Taubira a proclamé à la tribune de l’Assemblée nationale qu’avec ses nouvelles lois sociétales, particulièrement le mariage pour tous, le gouvernement allait accomplir une véritable révolution de civilisation. La gauche fut longtemps si assurée de son emprise idéologique qu’elle affectait la tolérance, mais les marches pour tous ont marqué le réveil d’une France plutôt provinciale, catholique au sens culturel du terme, et qui revendique sa mémoire. Des gens peu politisés dont la volonté affirmée était de refuser ce bouleversement.
Editeur à Paris, dans le VIème arrondissement, je connais nombre d’homosexuels qui trouvaient le pacs suffisant, que leurs préférences sexuelles et affectives n’avaient pas à devenir un marqueur qui les réduirait, et qu’ils n’avaient pas envie d’être identifiés à des types en string et talons aiguilles paradant sur des chars.
Quant à l’homoparentalité, on peut raisonnablement être réservé. L’adoption par un couple homosexuel est peut-être préférable à l’Assistance publique, mais une généralisation serait dangereuse. Je crois à la nécessité d’un père, d’une mère, au complexe d’Oedipe et à tout ce qui s’ensuit…
Face aux marches pour tous, qu’ils ont enfin perçues comme une vague de fond, nos modernes soixante-huitards réagissent par la crispation.
D’où, sur un fond de naufrage économique, cette agressivité croissante, symptôme d’une débâcle. Leur raidissement et leur hâte à légiférer sont facteur de discorde civile : il existe dans notre pays un problème foncier de légitimité depuis la Révolution. Une France épie l’autre, l’ostracisme, la méprise, et veut sa destruction. Ces deux hémisphères idéologiques en sont venus à se détester. Il serait du devoir du président de la République de les pacifier en mettant un terme aux oukases de ses « amis ». Jusqu’à quand serons-nous pris dans cet engrenage ? Certains jours, je me dis que le nihilisme doctrinaire est un cauchemar, qu’une telle atteinte au bon sens ne saurait durer et que nous allons nous réveiller.
Le réac est celui qui accepte le monde dans sa réalité, sa munificence, son ambivalence – sa diversité, justement : les hommes et les femmes, la mémoire et l’aspiration au progrès, l’individuel et le collectif. Il n’y a pas d’universalisme sans terrier : on n’atteint l’universel que par le biais de la singularité.
MP : Comment définiriez-vous la philosophie de la réaction ?
DT : « Réaction », le mot lui-même n’a pas bonne mine, laissant au mieux présumer la ganache rétro, la chaisière insatisfaite, le rentier confit dans l’aigreur et, au pire, le beauf obtus bouffeur de romanos, d’intellos, de clodos, d’homos ou d’écolos. Du réac au facho, la frontière sémantique est incertaine, aucune douane ne la contrôle.
Dans son acception originelle, la réaction désigne l’adhésion à un ordre ancien, antérieur à la Révolution, brillamment incarné par des penseurs et écrivains tels que de Maistre, Tocqueville. Balzac, Barbeyd’Aurevilly, Flaubert, Villiers de L’Isle-Adam, Taine, Renan, Péguy, Barrès ou Bloy…
Plutôt que d’évoquer une philosophie, j’évoquerai les conditions de possibilité d’un système de valeurs sans lequel on ne saurait vivre en société : le sens de l’honneur, l’élévation, la distinction, la mémoire, les hiérarchies, l’harmonie, l’éternité, le tragique, la noblesse, la pudeur, la désinvolture. Autant d’invariants dont aucune civilisation ne peut faire l’économie, sauf à s ‘effondrer.
La réaction est inhérente à l’écrivain confronté à la fuite du temps, qui essaie de construire à sa façon de l’éternité : Pascal. évidemment, qui pose l’équation métaphysique; Chateaubriand, parce qu’il est à la confluence de l’ancien et du nouveau monde, anticipant l’avenir et le charriant dans son style gothique flamboyant.
Depuis l’ère industrielle, la plupart des artistes n’aiment pas leur époque. parce que vulgaire, brutale et métallique. D’autres. avec plus ou moins de mansuétude, s’attachent à la transcrire. Je serais plutôt de ceux qui cherchent toujours, en deçà comme au-delà de ma propre existence, un mirifique âge d’or. Le monde moderne est né avec la mélancolie de Dürer…
MP : Quittons la France : que vous inspire la votation sur l’immigration en Suisse ?
DT : Avec près de 30% de travailleurs étrangers venus particulièrement de l’Union européenne, la Suisse est le plus grand pays d’immigration du continent. C’est un très vieux peuple. Il s’est construit par des équilibres cantonaux qui pourraient être mis à mal par trop d’immigrés. Le fait que le problème du seuil se soit posé n’a donc rien de surprenant et l’on serait malvenu de considérer les Suisses comme des xénophobes. Assénant leurs leçons de vertu et d’économie, certains pays voisins l’ont dénigrée. Ainsi. notre docte ministre des Affaires étrangères…
Mais en quoi un pays aussi mal dans sa peau et aussi piteusement gouverné que le nôtre peut-il se permettre de faire la morale avec une telle arrogance à un peuple dont les vertus démocratiques sont bien plus anciennes et bien mieux assumées que les nôtres ?
MP : Et que faites-vous des valeurs républicaines ?
DT : Le pouvoir s’en gargarise avec d’autant plus d’agressivité et de morgue qu’il craint de perdre sa prépondérance idéologique.
Les valeurs républicaines, ça n’existe pas !
La gauche a beau nous les seriner à longueur de discours, les mots sortis de leur contexte historique sont dénués de sens. La probité, l’honneur, la Liberté, la fraternité ne sont pas l’apanage d’une forme d’organisation politique. La Liberté existe pleinement dans le Royaume-Uni, qui est une monarchie théocratique sur les bords. Elle n’existe pas dans les républiques de Corée du Nord ou d’Iran.
La gauche ressasse ses slogans parce qu’elle a peur du vide. Elle se cramponne à son pouvoir parce qu’en vérité elle a perdu ses idéaux. Sans autre idéal, en tout cas, que le postulat d’un « progrès » par la soumission au dogme du cosmopolitisme et de l’égalitarisme avec, en arrière-plan, un culte quasi religieux de l’indifférencié.
Triste avenir pour un pays qui, selon la vulgate, se réduit à avoir été tortionnaire en Algérie, collabo pendant la guerre, colonialiste et exploiteur au XIXème siècle, esclavagiste au XVIIIème siècle. Sous prétexte de devoir de mémoire, la France se voit intimer l’ordre de se haïr et de faire acte de repentance.
Il faut sortir de cette spirale mortifère.
Mais ça y est: l’Assemblée nationale a beau refuser d’admettre les aspects positifs de la colonisation, les Français ne sont plus dupes ni les anciens colonisés venus s’installer dans notre pays. Notre art de vivre ne doit pas être si détestable …
MP : Indignez-vous ! .. a dit aux jeunes générations un grand prêtre de la bien·pensance…
DT : A quoi je réponds: Libérez-vous ! Redécouvrez le bonheur en ne refusant rien de la réalité ni de votre héritage.
Apprenez à aimer vos ancêtres, votre culture, votre civilisation, votre mémoire.
Affranchissez-vous de l’empire du négatif: libérez-vous de la haine de vous-même et de tous les carcans. L’espérance dont on vous prive, vous pouvez la forger à la barbe du pouvoir et des sexas bobos, à condition de bazarder sans égards leur « déconstruction »· Ce sera à mains nues, et le dos au mur, car pour se gaver et « jouir sans entraves » (slogan imbécile de Mai 68), ils vous ont criblé de dettes, matériellement et spirituellement.
Bon courage…
« Res publica » : la chose publique à laquelle se rattache, conformément à la pratique de Caton l’Ancien un certain nombre de vertus telles que la probité, le désintéressement, l’ardeur au bien public, l’honnêteté, bien sûr, le dévouement et, par dessus tout, l’intérêt général primant sur les intérêts particuliers.
La république française actuelle n’est qu’une caricature de la vraie république. A vrai dire… à des années lumière ! Ces politiciens hexagonaux qui se gargarisent avec ce concept ne sont que des imposteurs et de vils marchands de soupe et d’illusions menant leur pays à la ruine et au déshonneur !