RN VAR a caractérisé ainsi cette réunion : Assistance très jeune à la causerie de l’abbé Guillaume de Tanouarn sur « l’héritage de Maurras pour la nouvelle génération 2014 ». Cette conférence avait lieu au « local russe », devant l’ancien quai Kronstadt de Toulon, ou l’on put voir la flotte du Tsar en 1893…
Et précisément, nous donnons à lire, aujourd’hui, les notes organisées prises, à cette occasion, par une étudiante aixoise participant à ce Café : elle les a simplement mises en forme, à notre demande, et chacun pourra, ainsi, prendre connaissance de l’articulation de cette intervention…
Ainsi, pour de nombreux jeunes Français, Maurras ce n’est pas M le Maudit, mais bien plutôt Maurras contemporain capital.
L’héritage de Charles Maurras
Notes organisées de la conférence donnée à Toulon, le 16. III. 2014, par M. l’abbé de Tanoüarn
Rien n’est plus contraire à l’œuvre maurrassienne et à l’esprit de son auteur que de la considérer comme un ensemble de dogmes immuables et éternels. L’héritage de Charles Maurras se résume davantage en une méthode : l’empirisme organisateur.
Réellement influencé, d’une part, par la pensée platonicienne (I), Charles Maurras a été, par à la mise en œuvre du positivisme aristotélicien, d’autre part, « le plus moderne des antimodernes » (II).
I- Une recherche de la vérité politique
L’influence de Platon est indubitable dans l’élaboration de la pensée politique de Charles Maurras : le fondateur de l’Académie constitue la première référence anti-démocratique du directeur de l’Action française.
1- Une œuvre pédagogique et dialectique
L’œuvre de Charles Maurras est pédagogique.
En effet, les idées sont reprises et chaque fois réexpliquées. C’est une « pédagogie de l’affirmation » (abbé de Tanoüarn).
La méthode de Charles Maurras est dialectique.
Conformément, au procédé socratique de la maïeutique, il s’agit de « faire accoucher » le contradicteur de la vérité ; Maurras aimait dialoguer et débattre.
2- Une dimension métaphysique : le rejet de la démocratie et la réalisation de la Justice
Contrairement à Aristote (Politique) et en accord avec Platon (Les Lois, La République), il n’existe pas, pour Maurras, de bonne démocratie ; il écrivait ainsi, « la démocratie, c’est la mort ».
A l’instar de Platon, il considère que la politique est une manière de rechercher le Beau et le Juste, de rechercher la Vérité ; la politique permet de défendre les choses nobles.
Cette quête platonicienne n’exclut néanmoins pas le caractère proprement positiviste de sa pensée, transformant ainsi son œuvre en une véritable méthode.
Qu’est-ce que l’empirisme organisateur ?
L’empirisme organisateur maurrassien est une méthode selon laquelle la politique nationale doit être conduite grâce à l’observation.
Le caractère empirique réside dans l’affirmation selon laquelle la politique est avant toute chose une question d’observation du réel, du donné.
Le caractère organisateur, dans le fait d’ordonner les fruits de l’observation à un principe, celui de l’intérêt national.
II- Une « pensée en action »
Dans la mesure où l’héritage de Charles Maurras est une méthode, ordonnée toutefois à une véritable quête de la vérité politique dont l’organe de prédilection est la raison, son œuvre n’est pas dogmatique mais substantielle, et les principes dégagés sont adaptables et non immuables.
1- Une méthode analytique : l’exemple de la laïcité
A la manière d’Aristote, et cette fois-ci en contradiction avec l’idéalisme platonicien (et, en l’espèce, son utopisme), Charles Maurras analyse la situation politique de son époque à partir du donné que celle-ci constitue : il travaille avec les outils de son temps qu’il ordonne, par le truchement de la raison, à une fin.
Dès lors, la laïcité (dans sa forme naturelle, étymologique) est un donné dont il s’agit seulement de reconnaître l’existence ; elle relève du fait. Elle ne doit toutefois pas devenir une religion républicaine.
2- Le principe organisateur
La fin susmentionnée est la pérennité française.
En effet, l’agnosticisme de Maurras le conduit à rejeter tous principes, hormis celui de l’intérêt national. L’intérêt de la France, qui réside dans sa pérennité, constitue la seule finalité de la politique française, le principe qui organise toutes les données empiriquement décelées.
Charles Maurras retient une conception de la France, celle, aujourd’hui, d’une nation équilibrée qui trouve sa place dans le concert des Nations, place harmonieusement définie par l’histoire ; il s’agit désormais de la reconnaître et d’agir en fonction. Une telle conception est proprement adéquate avec l’idée de la France monarchique (et non impériale qui n’assouvit jamais son désir d’expansion) : toutes deux se retrouvent dans l’harmonie et l’équilibre.
Telle est l’image de la France que lègue également Maurras ; tel est le « schéma national maurrassien » (abbé de Tanoüarn).
Ainsi, il ne s’agit pas tant de consacrer le contenu de l’analyse (bien que celui-ci revête un intérêt considérable, mais dont une partie peut sembler aujourd’hui obsolète, comme l’analyse des quatre Etats confédérés), que l’analyse elle-même. Cette méthode d’analyse qu’est l’empirisme organisateur constitue le seul caractère véritablement immuable de sa pensée, et peut, en raison de cette immutabilité, être dès lors reçue comme un véritable héritage.
Merci a l’étudiante aixoise de son résumé de la conférence de l’abbé sur Maurras.
Lors de celle-ci, l’abbé nous a remis en tête l’influence de Platon chez Maurras et il m’est revenu en mémoire le texte de Pierre Boutang intitulé « Comme un dialogue de Platon » au sujet de la première nuit, des quatre nuits de Provence.
Le texte de Boutang est aux pages 49 à 54 de son indispensable ouvrage « Maurras, la destinée et l’oeuvre ».
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Le dialogue entre Maurras et Platon date de l’adolescence.
Ayant perdu la foi, il s’était tourné, lui qui conçut toujours la vie comme un miracle et faisait reposer la société sur l’amour, vers un texte comme Le Banquet, « à lire à genoux » écrivit-il un jour à l’abbé Penon.
Sa méditation sur l’« amitié de Platon », parue dans Les Vergers sur la mer, exprime ce que le philosophe de Martigues doit à celui de l’Académie, comme le montre l’admirable texte de Jean-François Mattéi ( in « Maurras et Platon » dans le cahier de L’Herne de 2011) .