Par Michel MICHEL.
Le site de L’Action Française propose à ses lecteurs une réflexion libre de Michel Michel, militant et sociologue bien connu à l’Action française dont il est un pilier. Je Suis Français suit toujours ses publications avec grand intérêt.
J’ai jadis écrit pour dénoncer les dangers d’une “dérive éthique” du royalisme[*]. En effet les royalistes et singulièrement les militants d’Action Française ne sont pas essentiellement fédérés par une éthique mais par la volonté de “conserver l’héritage et ramener l’héritier”. Il serait même dangereux, compte tenu de la diversité des références intellectuelles en France, qu’il n’y ait qu’une seule éthique qui soit professée.
Mais, si le mouvement ne saurait avoir une éthique “officielle”, les militants eux doivent bien se donner une boussole pour comprendre le sens de leur vie et de leurs engagements.
Le texte qui suit ne prétend pas à s’imposer comme un élément de l’orthodoxie de l’Action Française, mais il me semble pertinent pour un militant et, en tout cas, c’est l’éthique qui m’a permis de “tenir” pendant 62 ans de militantisme, avec les hauts et les bas que le mouvement a traversés.
Articles précédents : La voie héroïque (I) (II)
Métaphysique de la guerre sainte
Il reste à saisir les raisons métaphysiques qui justifient qu’on puisse présenter à l’homme ‑ou à certains d’entre eux- cette violence externe et interne comme une situation nécessaire, dans laquelle il aura à réaliser au moins en partie sa vocation.
« Le sort de l’homme sur cette terre est celui du soldat” reconnaît Job dans le livre de la Bible qui lui est consacré. C’est donc l’état-même de l’homme que d’être jeté dans ce monde comme dans un champ de bataille ; non pas par un absurde accident, mais par une nécessité dont il lui faut découvrir le sens, car toute réalité fondamentale a sa providentielle raison d’être, y compris la souffrance et la guerre, ce qu’avait parfaitement saisi Joseph de Maistre.
D’ailleurs, le Catholicisme définit l’Eglise dans ce monde comme « Eglise militante », pour la distinguer de « l‘Eglise souffrante”, celle du purgatoire, ou de « l’Eglise triomphante »”, au Ciel.
Depuis la fin de l’Age d’or, depuis la chute du jardin d’Eden, depuis la grande prévarication, notre nature pervertie, le péché originel nous incline individuellement et collectivement au mal. L’homme est en lutte contre lui-même, parce qu’il ne coïncide plus avec lui-même. Nécessairement, un clivage nous divise et sépare ce que nous sommes, et ce que nous nous souvenons d’avoir été et aspirons à être, et que d’un certain point de vue nous sommes encore.
Et l’Histoire ‑le temps disait un théologien est la patience de Dieu- l’Histoire nous est donnée comme épreuve pour vivre cette tension, et mener ce combat.
Abandonnons donc l’illusion de pouvoir traverser cette vie à l’abri du combat ; le plus vertueux des hommes n’y parviendrait pas. Citons à ce propos ce texte du moine anonyme anglais du XIVe siècle, tiré de son œuvre “Le nuage d’inconnaissance” :
« En action, donc, et à l’œuvre sur le champ ; et prends et supporte en toute humilité, le chagrin et la peine, s’il se trouvait que tu ne puisses, par ces moyens, triompher aussitôt. Car c’est en vérité un purgatoire ; et une fois que la peine sera faite et passée tout entière, et quand par Dieu ces moyens te seront donnés, et par la grâce entrés dans tes habitudes : alors il ne fait aucun doute pour moi que tu seras purifié non seulement du péché, mais aussi de la peine du péché. J’entends bien : de la peine particulière attachée à tes péchés personnels et déjà commis, et non pas de la peine du péché originel. Car celle-là pèsera sur toi jusqu’au jour de ta mort, actif autant que tu le sois. Car de ce péché originel vont naître chaque jour de frais et nouveaux appels de péché, lesquels il te faudra chaque jour abattre et combattre toujours et trancher à coups terribles de l’épée double et acérée de la discrétion. À quoi tu pourras voir et apprendre qu’il n’y a point de quiète sécurité, ni non plus aucun vrai repos en cette vie. »
Ce monde, celui de l’état post-adamique, est le monde de la dualité. Aussi, la nostalgie de l’unité dont chacun a le souvenir comme d’un état perdu auquel il aspire, cette intuition ne doit pas nous faire perdre de vue que l’économie actuelle de notre réalisation est placée sous le signe de la dualité.
C’est pourquoi, la Tradition juive n’hésite pas à proclamer ce paradoxe : « au sein de la Création, l’unité est principe de malédiction, et la dualité principe de bénédiction” (Bereshit Rabba F‑14).
Ce à quoi Pascal fait écho en affirmant (Pensées n°498) : « la plus cruelle guerre que Dieu puisse faire aux hommes en cette vie, est de les laisser sans cette guerre qu’Il est venu apporter”.
Dans son étude sur les armes symboliques, (“Symboles de la science sacrée” p.170 – 174) René Guénon observe le caractère récurrent des deux tranchants de l’épée, de la double hache, du marteau de Thor, du maillet, ou des flèches à deux pointes qui renvoient sans doute au pouvoir de production et de destruction, à la lutte extérieure et intérieure, aux principes complémentaires du Yin et du Yang, à solve et coagula, aux deux phases de l’aspir et de l’expir universels, mais plus généralement encore, à la condition duelle de la manifestation dans laquelle l’humanité est jetée. Condition que l’homme peut sans doute (comme le moine) dépasser en se reliant au Principe transcendant unique, mais dont la négation est à la source de toutes les utopies totalitaires modernes.
Pax in bello
Car l’antagonisme est la loi nécessaire de ce monde, et la flèche ne s’envole que par le jeu de forces qui opposent la corde et le bois de l’arc.
Tous les contes nous disent que le dragon qui semble s’opposer à la marche du preux chevalier vers son but ‑le trésor, la belle ou le Saint Graal- ce dragon, l’obstacle apparent est en réalité le chemin qui conduit au but.
Certes, d’un certain point de vue, ces temps d’après la Chute sont mauvais, et tant de chutes ont succédé à celle de notre père Adam : celle du premier meurtre d’Abel par Caïn, celle des géants fils des anges et des filles des hommes, celle de Babel qui vit la fin d’un langage commun entre les hommes, celle de Sodome et Gomorrhe, celle de la fin de la prophétie au sein du peuple élu, et tant d’autres.
« L’histoire prouve malheureusement que la guerre est l’état habituel du genre humain dans un certain sens, c’est à dire que le sang humain doit couler sans interruption sur le globe, ici ou là ; et que la paix, pour chaque nation, n’est qu’un répit »[1]. Joseph de Maistre (« Considérations sur la France » 1796)
Toutes les Traditions parlent de ce temps comme l’âge sombre, l’âge de fer, l’âge du loup, le Kali-Yuga, le temps de Kali la déesse destructrice, celui des “derniers temps” dont parle la Bible…
Mais il ne faut pas se plaindre d’être plongés dans ce temps d’endurance, celui des combats difficiles.
D’abord parce que :« La guerre est donc divine en elle-même, puisque c’est une loi du monde ». (Joseph de Maistre 1821 « Les Soirées de Saint-Pétersbourg »).
Ensuite parce que l’avantage des temps difficiles est de ne donner aucune illusion sur la nature du temps et de ce monde. D’autre part notre présence, ici et maintenant, ne peut être aussi que providentielle puisqu’il n’a pas plu à la Providence de nous placer ailleurs. Remercions-La, serviteurs inutiles, de l’honneur qu’Elle nous fait : c’est aux endroits les plus dangereux de la bataille que sont placés les corps d’élite ; il n’y a pas à rêver d’être ailleurs, mais à tenir notre place, au créneau qui nous a été octroyé.
Puisque cet état de guerre est nécessaire, il faut donc bien y établir sa demeure ; si telle est la volonté divine, nous devons bien pouvoir y trouver notre Paix. Pour une pensée myope, le combat exclut la paix ; et pourtant ne doit-on pas toujours, pour recouvrer la paix, mener une guerre au chaos ?
« La paix, nous l’aurons au bout de nos lances ! » s’écriait Jeanne d’Arc. La paix ne saurait être dans ce monde ni un droit, ni un acquis mais une conquête toujours à reprendre.
Dès lors se pose cette question qui est au centre de l’initiation chevaleresque : est-il possible de trouver son centre au milieu des tensions, d’être stable dans la bataille ? Est-il possible de “chevaucher le tigre” sans être dévoré ? (cf. J. Evola) Oui, peut-être, si l’on connaît la vraie nature de cette guerre sainte qui est actualisation des grands combats cosmogoniques et eschatologiques, ceux des dieux et des titans, des anges et des démons, que tous les mythes fondateurs placent à l’origine et à la fin de la Création.
Car c’est au ciel même, où s’illustre le Deus Sabaoth, le Dieu des armées célestes, que s’enracine le modèle archétypal de la chevalerie.
Alors on comprendra que l’histoire des hommes et l’histoire de la chevalerie ne font qu’un, ou comme l’écrit Gérard de Sorval : “l’histoire du monde commence par la lutte des milices célestes contre les légions infernales, elle se poursuit par la garde vigilante d’un archange à l’épée flamboyante à l’entrée du paradis perdu, et elle s’achève pour toute âme, par la rencontre à sa mort, de l’archange, tenant la balance et l’épée du jugement. » (p.28 “Travaux de Villard de Honnecourt” n°16).
La guerre sainte comme l’autre, celle qui ne l’est pas, durera autant que durera l’Histoire de la manifestation du monde ; mais comme le monde a une fin – c’est à dire probablement un achèvement et de toute façon, une finalité – la guerre aussi finira ; et la voie héroïque n’est qu’une voie transitoire.
« En ce monde, vous faites l’expérience de l’adversité, mais soyez pleins d’assurance, j’ai vaincu le monde » dit le Christ (Jean XVI 33). L’expérience de l’adversité est une phase nécessaire mais non ultime. C’est pourquoi, le christianisme, comme toute orthodoxie traditionnelle, subordonne le temporel au spirituel, et l’action à la contemplation, Léa à Rachel (cf. la note de René Guénon sur les deux femmes de Jacob p.117 – 118 in “Autorité spirituelle et pouvoir temporel”) et Marthe à Marie.
« Marthe, Marthe, dit le Christ, tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses, alors qu’il n’est besoin que d’une seule. C’est Marie qui a choisi la meilleure part : elle ne lui sera pas enlevée » (Luc 10 41 – 42)
Mais pour autant Marthe n’est pas totalement privée des secours de la Providence.
L’héroïsme divin
Dans ce contexte, la venue du Messie se produit bien « à la fin des Temps ». Non pas comme nous l’insinue une catéchèse anti-traditionnelle issue des spéculations progressistes de Joachim de Flore quand les hommes furent assez « évolués » pour saisir la portée du message chrétien ; mais au contraire dans les bas-fonds de l’humanité déchue. La liturgie situe la naissance du Sauveur au solstice d’hiver, à mi-nuit de la nuit la plus longue…
Sans cette perspective historique où l’héroïsme du Dieu incarné est plus fort que l’infidélité des hommes, l’intérêt du christianisme pour le « Pauvre », la brebis égarée, le fils prodigue, le borgne, le boiteux, le percepteur, le pécheur, le criminel justement condamné à mort, c’est-à-dire pour ce qui reste de l’homme le plus déqualifié — sans cette perspective, cette « préférence pour les pauvres » est incompréhensible, ou plutôt relève d’une perversion des valeurs que Nietzsche a justement fustigée. Si elle n’est pas une façon de permettre que se révèle, par le geste héroïque du Sauveur, la ruse et la force absolue de la Transcendance, la misère humaine n’a aucun intérêt. Et la complaisance pour elle relève d’un misérabilisme morbide.
La « justification » possible de la misère de l’homme, c’est de glorifier la Toute-puissance de Dieu et l’héroïsme de Jésus Christ. « Je me vanterai surtout de mes faiblesses afin que repose sur moi la puissance du Christ » (saint Paul, Corinthiens, XII, 9).
L’Espérance et les espoirs
L’Incarnation et la Rédemption inaugurent un temps paradoxal, car en un sens depuis la Résurrection du Christ tout est joué : la porte du Ciel est ouverte, spirituellement la victoire est acquise.
Mais d’un autre côté, visiblement, la Jérusalem céleste n’est pas encore descendue, les loups continuent à dévorer les agneaux et l’entropie, le désordre, continuent leur course à l’abîme.
C’est le temps de la Foi, la parenthèse ou le salut est déjà là mais encore invisible, sinon à travers le témoignage des martyrs, des héros et des saints.
C’est le temps de la Patience de Dieu, le temps de l’épreuve des hommes ou le « bon grain » pousse avec « l’ivraie » (Mathieu, XIII, 25).
La perversion serait de négliger le Vrai Remède Surnaturel qu’est le Christ et de se glorifier de l’évolution naturelle de l’Eglise en le présentant comme en « progrès ». Car, tout « progrès » venant de l’Humanité n’est que celui des prothèses que l’homme se construit au fur et à mesure qu’il perd ses facultés.
Certes la prothèse n’est pas le mal, elle témoigne de notre infirmité. Encore pourrait-on prendre en considération les réflexions d’Heidegger sur la volonté de puissance qui « anime » le progrès de la technique d’un mouvement vertigineux qu’aucune puissance humaine ne parvient à contrôler. L’impuissance des législateurs à l’égard de la technique biogénétique est tout à fait exemplaire de l’incapacité des hommes à maîtriser les mécanismes qu’ils ont mis en mouvement.
Il est clair que sous cet éclairage, il ne faut espérer d’autre issue à cette tension que celle de la Jérusalem céleste. La seule issue à (la chute dans) l’Histoire est l’Apocalypse, c’est-à-dire la Révélation du sens de cette histoire dans sa fin et son dépassement.
Toutes les traditions l’affirment, cette Révélation viendra quand l’homme sera tombé au plus bas de sa déréliction ; et non pas comme nous le serinent nos curés quand, en retroussant ses manches, l’Humanité aura bâti « un monde plus juste et plus fraternel ». La Jérusalem céleste « descend du Ciel », elle n’est pas œuvre humaine.
Les hommes ne peuvent que bâtir des Temples reproduisant la création et préfigurant le dernier Temple, celui de l’Agneau immolé. Mais ces Temples précaires, ces bulles d’ordre dans un univers de la chute, sont eux aussi destinés à passer. Un certain pessimisme sur nos œuvres est la seule façon d’éviter l’alternance cyclothymique des illusions et des désespoirs.
Faut-il pour autant renoncer à agir parce que les temps seraient mauvais ? Parmi ces vocations, certains sont appelés à la contemplation, d’autres certainement à témoigner de la vérité par l’action et le combat. Certes la fonction de kshatriya (guerrier) est subordonnée à celle du brahmane (clerc contemplatif), comme celle de Marthe l’est à celle de Marie, mais pour maintenir l’ordre du monde — même à travers la chute — cette fonction est irremplaçable.
D’ailleurs, que nous soyons situés à la fin du kâli-yuga, dans le temps le plus sombre de l’âge de fer, ne nous relève en rien de nos devoirs d’état. Si les chevaliers ne guerroient pas, qui protègera la veuve et l’orphelin ? Nous avons des devoirs vis-à-vis de notre cité ; et plus elle est à mal, plus nous avons de devoirs vis-à-vis d’elle, c’est-à-dire vis-à-vis des nôtres et de nous-mêmes.
Nos « chances » — chance est un bien mauvais mot — de parvenir à rétablir une société éthique, communautaire, hiérarchique, catholique et royale dans la post-modernité sont minces, penseront les « marchands » qui calculent… Mais nous avons pourtant les mêmes devoirs qu’une mère de famille qui cuisine avec ce qu’elle a ; même en temps de disette il faut quand même nourrir sa famille.
La cité est de cet ordre, et il faut en tout temps prendre parti pour le moindre mal, combattre pour ces biens relatifs en gardant en conscience qu’ils sont les symboles hiérophaniques du Souverain Bien. Et ces biens relatifs ne sont pas rien !
Et même si, au plan temporel, tout espoir nous était ôté, notre devoir d’état resterait le même et nous ne pourrions sans déchoir être réduits à l’état « d’individus » c’est-à-dire mettre la lumière sous le boisseau[2]. Que seraient des guerriers qui n’accepteraient de combattre que dans des conditions de bon confort pour une victoire temporelle certaine ? (Je dis « victoire temporelle » car la victoire spirituelle, elle, est certaine puisque déjà acquise…)
Les créneaux sur lesquels nous sommes placés sont sans doute périlleux ; mais nous y avons été placés providentiellement. Pouvons-nous refuser d’y combattre ?
D’ailleurs, qui peut nous retirer cet espoir de société traditionnelle quand nous avons vu en plein âge de fer s’épanouir le miracle médiéval de la chrétienté, avec saint Bernard, les cathédrales et le roi très chrétien ? Jeanne d’Arc est possible puisque Jeanne d’Arc s’est déjà manifestée.
Sans doute rien au temporel n’est jamais définitivement acquis ; et les Temples que les hommes construisent sont destinés à être détruits. La cathédrale de Reims sera détruite un jour, d’une façon ou d’une autre, mais nous l’avons bâtie en plein kâli-yuga et nous en jouissons encore et rien ne nous dispense de la restaurer.
Mais la pastorale de nos curés qui prêchent exclusivement l’Amour et le Bonheur promis à l’Eglise triomphante alors que nous nous débattons dans le combat, celui de l’Eglise militante, cette pastorale ne correspond en rien à ce que vivent les fidèles. Elle prend le gout, parfois écœurant, des confitures trop sucrées. La veille de la bataille, ce sont les ennemis qui, pour décourager les troupes, font de la propagande sur la douceur du foyer ou le désir de repos. Ne serait-il pas plus pertinent de prêcher avec Saint Paul de courir “avec endurance l’épreuve qui nous est proposée” ? (lettre aux Hébreux XII- 1/4). ■
______________________________________
[1] La guerre est dans le monde et comme l’Eglise militante est dans le monde. Jésus compare l’Eglise à un filet de pêche où à la fin, les bons poissons sont séparés des mauvais ; Dans la parabole, il l’évoque comme un champ où le bon grain et l’ivraie poussent ensemble et ne seront triés qu’à la moisson. Rêver d’une Eglise en paix est une illusion.
[2] “Nous bâtissons l’arche nouvelle, catholique, classique, hiérarchique, humaine, où les idées ne seront plus des mots en l’air, ni les institutions des leurres inconsistants, ni les lois des brigandages, les administrations des pilleries et des gabegies, où revivra ce qui mérite de revivre, en bas les républiques, en haut la royauté et par-delà tous les espaces, la Papauté ! Même si cet optimisme était en défaut et si, comme je ne crois pas tout à fait absurde de le redouter, si la démocratie était devenue irrésistible, c’est le mal, c’est la mort qui devaient l’emporter, et qu’elle ait eu pour fonction historique de fermer l’histoire et de finir le monde, même en ce cas apocalyptique, il faut que cette arche franco-catholique soit construite et mise à l’eau face au triomphe du Pire et des pires. Elle attestera dans la corruption universelle, une primauté invincible de l’Ordre et du Bien. Ce qu’il y a de beau et de bon dans l’homme ne se sera pas laissé faire. Cette âme du bien l’aura emporté, tout de même, à sa manière, et persistant dans la perte généale elle aura fait son salut moral et peut-être l’autre. Je dis peut-être, parce que je ne fais pas de métaphysique et m’arrête au bord du mythe tentateur, mais non sans foi dans la vraie colombe, comme au vrai brin d’olivier, en avant de tous les déluges” (Charles Maurras “Lettres de prison” Flammarion 1958)