Par Francis Venciton.
Cet article fait partie d’une suite de neuf. Les 9 articles paraissent en feuilleton, à dater du mercredi 22 septembre et les jours suivants. Fil conducteur : l’écologie. Les auteurs sont de jeunes cadres du mouvement royaliste, engagés à l’Action française. Vous apprécierez leur réflexion. Au besoin, vous en débattrez. Ces articles seront constitués en dossier, toujours consultable ici.
Le dernier de nos articles de cette série écologie se terminait sur cette idée du roi comme pauvre et jardinier de la France. Aux écologistes pastèques (verts à l’extérieur et rouges à l’intérieur), qui dénaturent le beau sujet des ressources naturelles, ne faudrait-il pas opposer ce roi ? Ce point de vue est atypique, c’est vrai, mais cela n’enlève rien à la charge de vérité qu’il peut porter.
L’antimodernisme qu’on attribue généralement au roi est ici sa plus grande qualité. Car l’écologie nous oblige à remettre en cause les grands principes constitutifs de la modernité : l’individualisme égoïste, l’anthropocentrisme dominateur, le grand mythe du Progrès et la négation du passé. Chacun de ces éléments nous enferme dans une grande course effrénée en avant qui piétine et détruit tout sur son passage dans l’illusion d’atteindre le paradis sur terre. Or, si l’écologie diagnostique les tares du modernisme, une vraie réponse écologique doit être antimoderne. A la révolution économique du changement de nos modes de consommation doit répondre une révolution culturelle plus profonde et plus radicale que les COP21 ou les traités internationaux bafouillés en choeur.
Il s’agit donc de rompre avec les institutions présentes. Et c’est là que le roi tout naturellement prend place, comme l’avance F. Rouvillois dans La Clameur de la Terre, son essai sur l’encyclique Laudato si’ du pape François.
Civilisation et démocratie
Avant d’expliquer les ressorts de l’institution royale qui la rendent si favorable à l’écologie, j’aimerais ouvrir une parenthèse sur la question des relations entre civilisation et démocratie. Car il est un préjugé tenace que la démocratie est concomitante à une évolution qualitative des civilisations occidentales, puis mondiales. La démocratie s’étant imposée en Europe, elle serait le meilleur régime politique et le plus conforme au développement civilisationnel. Mais si c’était faux, comme le pense Hans-Hermann Hoppe ? Et si la démocratie était bien moins une avancée civilisationnelle qu’un recul ? Et si le problème écologique dérivait en partie de la démocratie ? (Après tout il n’y avait pas de problème écologique sous l’Ancien Régime, pourrait-on remarquer avec mauvaise foi.)
Car la démocratie, avec son principe « un homme, une voix », permet d’activer politiquement la tendance universelle et permanente à la redistribution des revenus et des biens. Le champ politique devient celui de la réclamation. Il suffit d’avoir une majorité pour que celle-ci soit validée, qu’importe sa légitimité ou sa justice. Cela a pour corollaire une extension indéfinie du pouvoir politique qui se justifiera systématiquement par la prise en compte des besoins de ses membres. Cela pousse donc les régimes démocratiques à toujours chercher à accroître les biens de leurs concitoyens et à être dans des pratiques de prédations.
A l’inverse de cette tendance prédatrice et « dé-civilisatrice », la monarchie est fondamentalement conçue comme devant assurer un équilibre pérenne.
Car le propre de l’institution royale c’est de se projeter sur le temps long. Le roi sait que son mandat commence à sa naissance, même si ce n’est que potentiellement (y compris s’il n’est pas le dauphin), et se prolonge bien après sa mort. Il n’y a pas de « responsable mais non coupable » en royauté.
Le roi doit donc anticiper l’avenir. Il pense et prépare le royaume pour son fils sans espérer le secours à un quelconque progrès illimité mais en s’appuyant sur les continuités. A l’inverse, le président n’est pas capable de voir plus loin que son mandat ou sa réélection. Il est prisonnier d’une forme d’instantanéité.
Pouvoir et transmission
Cette différence de regard sur le temps a aussi son importance sur la manière dont est vécu le pouvoir. S’il est bien connu que le roi est élevé pour diriger, on ne fait bien souvent pas attention que le roi hérite du pouvoir au lieu de le conquérir. Cela signifie donc que la prise du pouvoir n’est pas un investissement. Il ne cherche aucune rentabilité dans l’exercice du pouvoir. Son seul intérêt dans la détention du pouvoir est celle de la bonne transmission du pouvoir au successeur. N’est-ce pas d’ailleurs la forme de transmission la plus naturelle et la plus humaine au monde ? Dès lors, il est dans l’intérêt du roi de préserver les ressources naturelles afin que son fils puisse disposer de ce capital pour le bon fonctionnement de la société et de son économie.
Cette volonté de transmission permet aussi de contredire l’argument de Montesquieu sur la nécessité des contre-pouvoirs. Celui-ci n’a pas vu que le roi est déjà son contre-pouvoir en lui-même. La volonté de durer lui impose de fait de devoir être juste et de servir le bien commun. Car, chaque fois que le roi déroge à ses obligations, il affaiblit son pouvoir et prend le risque de diminuer insensiblement. Enfin, la liberté de ce roi au-dessus des partis lui permet de préférer la préservation des visons d’Europe ou de la tourterelle des bois plutôt que les bénéfices des actionnaires du BTP – par exemple. Il n’est pas bien sûr que ces derniers fassent partie du stock de traditions que les Français aient à cœur de léguer aux générations futures contrairement à la diversité de la faune et de la flore.
Pour terminer, permettons-nous une anecdote : le 13 mai 2017, le prince Jean intervenait au Cercle de Flore sur l’écologie. Il racontait notamment comment il apprenait à son fils, le prince Gaston, à planter des lignes droites de radis. Cela bascula rapidement de radis à radicaliser au sens étymologique de prendre à la racine. Au-delà de ce que l’anecdote peut avoir de touchant, il s’y trouve là l’essence écologique de la monarchie : l’apprentissage par le roi à ses enfants, et par extension aux petits, de l’importance de l’ordre et de toucher l’essentiel. Cette figure du roi jardinier est peut-être celle dont les Français ont le plus besoin, bien plus que celle du président normal ou du chef de la start-up nation. Pierre Rosanvallon, dans un article du Monde du 8 mars 2008, donnait étonnamment, comme référence de protection écologique pour la démocratie, la royauté française… (FIN de cette série) ■
À lire dans cette série Écologie …
Écologie : feu la gauche
Écologie : Pouvoirs et écologies
Écologie : Bête comme un homme antispéciste
Écologie : Les angoissés du climat
Écologie : Le salut par les machines
Écologie : Décroître pour grandir
Écologie : Pour une critique écologiste de l’immigration
Écologie : Écologiste… et républicain ?
Article précédemment paru dans Présent [24 mars 2020]
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source.
Publié le 1er mai 2020 – Actualisé le 1er octobre 2021.
Passionnante série .
Pouvoir et transmission. Covid 19 et grande peur, encore actuelle.
Le peuple de France qui par la prise de la bastille est devenu un peuple soldat vient d’obéir aux ordres incongrus de la république, qui le somme de restreindre sa liberté, au lieu de faire face au danger.
Ce peuple qui a peur de la mort, est il capable de reconstruire un royaume ou l’homme passe avant l’argent et les plaisirs de la mondialisation.