Les informations de SPUTNIK (17.05) sont factuellement intéressantes. Mais au-delà, elles permettent surtout de mesurer les capacités de l’Allemagne à résister aux pressions sans-doute intenses des Américains. Et dans quels cas, elle est prête à le faire. On dit en plaisantant que Merkel préfèrerait se noyer dans la Baltique que de renoncer au gazoduc. C’est qu’il est, pour l’Allemagne, d’un intérêt vital. C’est à lire. Et bon à savoir.
L’Allemagne ne lâche pas prise face aux sanctions américaines dans la construction de Nord Stream 2: la pose de tuyaux pour le gazoduc a été autorisée ce 17 mai par l’Agence allemande de la navigation maritime et de l’hydrographie «sur un tronçon de deux kilomètres dans la zone économique exclusive allemande».
L’Agence allemande de la navigation maritime et de l’hydrographie (BSH) a donné son feu vert à la poursuite des travaux sur Nord Stream 2.
«La BSH a ordonné aujourd’hui la mise en œuvre immédiate du deuxième permis de modification à la construction et l’exploitation du gazoduc Nord Stream 2 sur un tronçon de deux kilomètres dans la zone économique exclusive (ZEE) allemande», indique le groupe dans un communiqué.
La commande d’exécution immédiate du deuxième permis de la BSH du 14 janvier 2021 se limite aux travaux de pose sur un tronçon de deux kilomètres (KP0 à KP2) par un navire approprié équipé d’ancre, tandis que les travaux de construction seront réalisés plus tard.
La BSH souligne qu’elle a pris sa décision «après avoir soigneusement pesé tous les intérêts à prendre en considération».
Elle rappelle dans ce contexte les «procès intentés par des associations environnementales» et le fait qu’il n’existe actuellement aucun droit de construction jusqu’à fin mai. Toutefois, d’après la déclaration de la présidente de la BSH, Karin Kammann-Klippstein, «l’emplacement périphérique de cette courte section ne devrait pas avoir d’effets négatifs importants sur les espèces d’oiseaux protégées ou les objectifs de conservation de la Poméranie».
La construction du gazoduc est actuellement suspendue jusqu’à fin mai après que l’ONG Naturschutzbund Deutschland (NABU) a contesté le deuxième permis du 14 janvier. Par ce dernier, la BSH a approuvé la pose des tuyaux en mer Baltique par navire équipé d’ancre sur 16,5 kilomètres. Selon les écologistes, Nord Stream 2 pourrait présenter un danger pour les habitants des fonds marins.
Le projet « sera matérialisé »
Bien que de nombreux pays, notamment l’Allemagne, soutiennent le projet, les États-Unis, l’Ukraine ou encore les pays baltes s’y opposent farouchement. Washington désire vendre son GNL à l’Europe, tandis que Kiev, Riga, Vilnius et Tallinn craignent un renforcement de l’influence de la Russie sur le marché européen de l’énergie.
Entretemps, le vice-Premier ministre russe Alexandre Novak s’est déclaré certain que le projet sera achevé malgré la réticence de certains pays, étant donné qu’il s’agit d’un projet commercial mis en œuvre conjointement avec des partenaires européens.
«Le projet n’est pas réalisé par la Russie seule, mais par un consortium de grandes entreprises européennes souhaitant mener à bien Nord Stream 2. C’est un projet purement commercial et j’estime par conséquent qu’il sera matérialisé», a-t-il affirmé dans une interview au journal Moskovski Komsomolets.
Il a rappelé que, lors de l’hiver dernier, de nombreux pays européens s’étaient retrouvés confrontés à des situations où ils ont dû demander à la Russie d’augmenter ses livraisons de produits énergétiques.
« À chaque fois, nous avons satisfait ces demandes. Nous possédons de grandes réserves. Nous avons la possibilité d’accroître les livraisons à tout moment. C’est l’un de nos avantages concurrentiels », a-t-il expliqué.
Alexandre Novak a constaté toutefois que certains pays, pour des raisons politiques, ne voulaient pas acheter de produits énergétiques russes et a cité en exemple l’Ukraine qui soi-disant n’achète pas de gaz russe depuis plusieurs années.
« Pourquoi soi-disant? Parce qu’en fait, elle achète toujours notre gaz, mais auprès des Européens […] Ce qui fait que les consommateurs ukrainiens paient aujourd’hui leur gaz environ 30% plus cher que si celui-ci était acheté à la Russie », a-t-il précisé.
« Nous soutenons ce projet »
Le Consul général allemand à Ekaterinbourg, Mathias Kruse, s’est dit lui aussi convaincu que le gazoduc serait achevé.
« À ce que je sache, il reste encore 80 kilomètres à construire. Je ne dispose malheureusement pas d’informations plus détaillées. Nous partons du fait que le gazoduc sera achevé », a-t-il indiqué aux journalistes.
C’est le consortium d’investisseurs qui décide de la mise en œuvre du projet, ce qui fait que toutes les concertations se font en conformité avec le droit européen.
«Cela étant, du point de vue du gouvernement fédéral allemand, nous soutenons ce projet. Nous voyons que ce projet est raisonnable», a-t-il souligné.
Le gazoduc
Le projet Nord Stream 2 prévoit la construction de deux conduites d’une capacité totale de 55 milliards de mètres cubes par an qui relieront la Russie à l’Allemagne par le fond de la mer Baltique. Les travaux ont été suspendus en décembre 2019 après que la société suisse Allseas a renoncé à poser les tuyaux en raison d’éventuelles sanctions américaines. Les travaux ont repris en décembre 2020 à l’issue d’un arrêt d’un an.
Au 1er avril, Nord Stream 2 était prêt à 95%. Il restait alors à poser 121 kilomètres de tuyaux. ■