Somme toute, Barak Obama a recueilli des Busch père et fils un héritage bien embarrassant, en Irak, alors que les Etats-Unis ont rouvert un cycle isolationniste et que, dans la conscience américaine, Bagdad, l’Irak, le Moyen-Orient, après l’avoir obsédée, sont maintenant redevenus lointains, très lointains. Mieux aurait valu qu’ils le restent ? Sans doute. En tout cas, à Washington, on aimerait bien ne plus avoir à y penser. Mais comment s’en désintéresser tout à fait, quand le chaos que les Américains y ont eux-mêmes semé explose, aujourd’hui, jusqu’aux portes de Bagdad ? Alors John Kerry se rend en Irak et les paroles qu’il y prononce, en parfait décalage avec les réalités dramatiques du terrain, sont déconcertantes de naïveté banale. Sans la moindre chance d’être écouté, il appelle les Irakiens à « dépasser les considérations confessionnelles« , tandis que, de leur côté, les présidents Obama et Hollande plaident curieusement pour un impossible « gouvernement d’union nationale« . Mais quelle union ? Quelle nation ? Comme il est difficile, pour ces gens-là d’oublier leurs schémas politiciens habituels, de prononcer d’autres paroles que vaines, nulles et non avenues !
Pendant que se tiennent ces discours, les entrevues surréalistes du Caire et de Bagdad, les images parlent et les dépêches confirment : l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) continue de renforcer sa mainmise sur l’ouest de l’Irak; au matin du dimanche 22 juin, l’armée irakienne s’est retirée de Raoua, Ana et Routba et l’EIIL a agi rapidement pour que ces trois villes passent sous son contrôle; L’EIIL a pris également le contrôle d’un poste-frontière de la même province, à la frontière irako-syrienne. Al Walid est le deuxième poste-frontière à tomber aux mains des insurgés en 48 heures, après celui d’Al Kaïm dans la nuit de vendredi à samedi; les ambitions de l’EIIL ne s’arrêtent pas là : le groupe sunnite a proclamé son intention de marcher sur Bagdad et sur les villes saintes chiites de Kerbala et Najaf, au sud de la capitale; en revanche, dans les rues de Bagdad, à l’appel du puissant chef chiite Moqtada Sadr, des milliers de volontaires ont orchestré une démonstration de force face à l’offensive de l’EIIL, tandis que l’armée a procédé à des bombardements à Tikrit, ville tenue par des insurgés sunnites depuis près de deux semaines. Et cetera.
A-t-on compris à Washington, Paris, Londres et Berlin que – dans toute l’ampleur du terme et avec les prolongements de tous ordres que cela comporte, y compris, bien-sûr, économiques et politiques – l’on a aujourd’hui affaire, au Moyen-Orient, et, en un sens, dans l’ensemble du monde islamique, jusqu’en Europe et jusque dans nos propres banlieues, à une guerre de religions que nous avons-nous-mêmes allumée, en intervenant par deux fois en Irak ? En renversant le régime qui, malgré ou à cause de sa cruauté, tenait, au moins, ce pays en ordre ? Et que la démocratie que les Etats-Unis et leurs alliés prétendaient y installer n’était qu’une pitoyable illusion ?
La réponse de John Kerry est simple, enfantine, semblable à la celle d’un gamin que l’on aurait pris en train de faire une sottise. A peine arrivé au Caire, il a tout bonnement assuré que son pays n’est « pas responsable » de la crise provoquée par l’offensive fulgurante d’insurgés sunnites. Pas « responsable » du tout, en effet; dans cette affaire, comme d’autres, à travers le monde.
Vous dites des sottises.Bush père et fils avaient une politique diamétralement opposée en Irak.Le fils s’est complètement trompé.
Il est vrai que l’actuelle situation irakienne découle plus directement de l’intervention américaine de 2003, décidée par Busch fils. A laquelle, d’ailleurs, Chirac et Schroeder avaient décidé d’accord commun que ni la France, ni l’Allemagne, ne participeraient.
Quoiqu’il en soit des divers avatars de la politique étrangère des Etats-Unis après guerre, dans son essentiel, la dite politique me semble globalement indéfendable : Corée, Vietnam, Iran, Irak, Kosovo, Libye, Syrie, Afghanistan, ce n’est qu’une longue suite d’erreurs et d’échecs dont nous avons eu, nous aussi, les conséquences.
Je n’ai ni « philée », ni « phobie » à l’endroit des Etats-Unis, mais – à moins d’être un inconditionnel des USA – ce sont là des faits difficiles à nier…
Tout les pays font des bêtises en politique étrangère,et les USA sans doute plus que les autres parce qu’ils sont plus forts et plus riches que nous.Mais,ce n’est sûrement pas notre intérêt de tomber dans « l’antiaméricanisme primaire »,car ce sont nos alliés,plus que les Russes de Poutine,par exemple..ou les Chinois!
Essayons d’être réalistes,imaginatifs et constructifs plutôt que systématiquement contre.
Nous avons plus besoin des USA que le contraire.Déjà,l’orgueil de de Gaulle était tombé dans cette myopie dérisoire.Rappelez-vous ces inutiles amabilités qu’il faisait à Staline, la création du CNR (dont nous souffrons toujours)…,on pourrait en parler pendant des heures !
La France « seule »n’existe plus.Je sais bien que c’est désagréable de s’en rendre compte,mais il faut savoir vivre avec son temps,et ne pas rester dans le rêve perpétuel.
La vérité est que vous aimez les Etats-Unis.
La lecture de vos commentaires, votre indulgence face à une kyrielle d’échecs indiscutables, préjudiciables à de nombreuses régions du monde, le fait que vous soyez si sensible à leur richesse et à leur force, le fait ressentir très nettement.
Ce n’est pas un tort, ni une honte, d’avoir comme une sorte de prédilection pour un pays étranger où l’on a vécu, travaillé, voyagé, rencontré les gens, etc. Mais cela ne fonde pas une politique étrangère.
Nous aurions besoin des Etats-Unis plus que le contraire ? En quoi donc ? Notre commerce extérieur avec eux est déficitaire; depuis l’effondrement du bloc soviétique, leur puissance militaire ne nous protège plus de grand chose; et ils cherchent à nous imposer, aujourd’hui, un traité de commerce dit transatlantique dont les conditions actuelles, en discussion, ont pour objectif essentiel d’accroître les possibilités d’expansion de leurs entreprises en Europe…
Toute alliance est toujours relative aux intérêts, aux évolutions des contractants et aux circonstances. Equilibrer nos alliances ne signifie pas nécessairement une ou des ruptures. Pourquoi se satisfaire, à cet égard, de vues manichéennes ?
Enfin, vous avez trop connu l’Action française pour ignorer que l’antienne « La France, la France seule » n’a jamais exhorté à isoler la France, mais à ce qu’elle soit le seul souci, le seul critère dans la situation terrible où elle se trouvait, après sa défaite de l’été 40 !
Au sens de votre commentaire, la France seule n’a d’ailleurs jamais existé. Vous êtes, là encore, trop bon historien pour en douter vraiment. En ce sens, personne de sensé ne prône une france seule.
Mon cher Luc,
de grâce,ne mélangez pas tout pour le plaisir d’avoir raison.Raison de quoi d’ailleurs?
Vous parlez savamment de la politique étrangère d’un pays que vous ne connaissez pas du tout.
Vous parlez aussi « d’aimer » ou « de ne pas aimer » pour énoncer des sophismes.Vos « philies »ou « phobies » personnelles sont même mises dans votre balance intellectuelle.
En l’occurrence,il s’agit non pas d’émotionnel,mais de raison, et également-par elle- de se mettre dans notre époque,et non pas de rabâcher perpétuellement les mêmes choses du passé.
Ces choses-là peuvent servir notre idéal,c’est vrai,mais pas nécessairement assurer le contact nécessaire avec les éléments du présent,qu’il ne suffit pas de tourner selon ses propres désirs ou sentiments.
Cette rhétorique-là est bien française,mais risque de ne mener à rien, hormis à des erreurs de jugement .
Nous avons à faire à des anglo-saxons beaucoup plus pragmatiques que nous.Leur égoïsme-très individualiste- peut nous choquer,mais il convient de s’en servir plus que de le blâmer sans but pratique précis.
Vous me direz peut-être qu’après tout c’est le droit de chacun d’échafauder des théories,même émotionnelles,comme l’a fait le non regretté Jean-Jacques dans le passé ! Mais, chez lui, son onanisme intellectuel égalait son onanisme physique.
Je crois que vous parlez aussi de « manichéisme ».Cela veut dire quoi au juste? C’est peut-être une accusation,mais de quel péché ?Quoi qu’il en soit,je ne discerne pas très bien ce que le dieu persan Manès vient faire dans votre raisonnement.
Il n’y a qu’une évidence : c’est que les U.S.A. n’agissent à travers le monde que dans dans leurs propres intérêts et s’il y a de désastreuses conséquences, elles sont pour les autres. La seule véritable catastrophe pour eux a été l’attentat du 11 septembre…Ce fut bien sûr imprévu et surtout impensable! On avait osé les surprendre chez eux! Quant à toutes les autres actions de leurs hommes politiques, elles se soldent par les incendies à travers le monde par l’intermédiaire de leurs services secrets ou leurs experts militaires qu’ils envoient sans trop demander l’avis des pays concernés. D’ailleurs on peut dire aussi que M. Obama n’est pas mieux que M. Bush. Plus sournois peut-être.Et il a eu le prix Nobel de la paix avant d’avoir pu prouver quoi que ce soit…
Mon cher Patrick Haizet, rassurez-vous il y a aussi une Amérique qu’on aime.
Cette Amérique-là n’est évidemment ni celle du Capital ni celle des « nativistes » chauvins, des télévangélistes fondamentalistes et des créationnistes délirants. Ce n’est ni celle du New Deal ni celle du maccarthysme. Ce n’est pas non plus celle des « golden boys » des « winners » et des « money maksers », ni celle des « red necks » et des vétérans du Vietnam, moins encore celle des majorettes, des « bimbos » et des » body-builders « . Pour ne rien dire de la bande d’illuminés mystiques, de criminels de guerre et de tueurs en série qui format l’entourage de George W. Bush quand il fut au pouvoir.
L’Amérique qu’on aime a des facettes ou des visages bien différents. D’abord une immense littérature : de Mark Twain et Jack London à Herman Melville, Edgar Poe et tant d’autres. Ensuite bien sûr le grand cinéma américain, avant que celui-ci ne dégénère en une débauche d’effets spéciaux et de niaiseries stéréotypées. L’Amérique des vastes étendues naturelles et des petites communautés humaines. Celle qu’évoquent, à des titres si divers, les noms de Jefferson Davis et de Scarlett O’Hara, de Sacco et Vanzetti, du jeune Elvis Presley et de Ray Charles.
Mais il y a le revers de la médaille. Les Etats-Unis se sont voulus dès l’origine porteurs de la notion de liberté. C’est une notion positive, qu’ils ont immédiatement comprise comme signifiant que « chaque citoyen est roi ». Elle a chez eux donné le meilleur : l’enthousiasme qui découle de la possibilité d’agir sans entraves, la volonté créatrice et l’idéal d’autonomie.
Elle a aussi donné le pire, quand elle s’est renversée en simple égoïsme, en glorification de l’affairisme et du désir d’argent – qui est le désir standardisé par excellence –, voire en alibi de nouvelles formes de conquête et d’oppression.
Et l’esprit de communauté a dégénéré en uniformité mentale, en ce conformisme d’une extraordinaire vulgarité qu’avait déjà constaté Tocqueville.
La tare originelle de l’Amérique, dont l’histoire se confond avec celle de la modernité, est de s’être construite pour l’essentiel à partir de la pensée puritaine et de la philosophie des Lumières. D’où cette prétention à ne pas avoir d’ancêtres, cette volonté déjà proclamée par Thomas Paine dès 1776 de « commencer le monde à nouveau » sous le regard de Dieu, cette constante obsession de la nouveauté, cette inaltérable croyance au progrès (l’idéal de l’illimité). Et d’autre part, cette idéocratie messianique qui tend à regarder les Etats-Unis comme une nouvelle Terre promise et le reste du monde comme un espace imparfait qui doit se convertir au mode de vie américain pour devenir à la fois compréhensible et conforme au Bien. Cet objectif de réaliser une société idéale, qui serait un modèle pour l’humanité et dont l’adoption par tous les peuples mettrait fin à l’histoire.
A Patrick Haizet
Comment pourrais-je répondre à votre commentaire vous n’avez pas répondu au mien ! L’avez-vous lu ? J’en doute car vous y répondez à còté et par des généralités. En tout cas, vous n’avez répondu à aucune des questions que je posais. Je me tais.
Excellente analyse. Bien-sûr, il y a une Amérique qu’on aime.
Luc,
j’ai répondu à votre commentaire.
Je ne vois pas les questions que vous m’avez posées clairement.
A la vérité,j’ai surtout perçu des affirmations d’un homme qui ne connaît pas l’Amérique.Et je ne vous en veux pas pour cela,car ce n’est pas une obligation pour vous.Evitez seulement d’en trop parler,car vous risquez de dire des billevesées.
Mais vous avez tout le loisir de vous défiler pour ne pas répondre aux miennes.