Pour André Bercoff la nouvelle défaite du PS aux élections sénatoriales n’ébranlera pas le président de la République. Protégé par les institutions, François Hollande devrait, selon lui, terminer son mandat.
Ingrate Corrèze, méchante Corrèze: qu’un sénateur UMP se fasse élire triomphalement dans le fief de François Hollande est pire qu’un crime: une faute. Que deux sénateurs socialistes se fassent remercier en rase campagne, entre Brive et Tulle, a de quoi décourager les optimistes quant à la nature humaine. Quoi? Le département qui a eu l’honneur d’abriter deux présidents de la Vème République, le roi fainéant Chirac et le brillant chef d’Etat qu’actuellement le monde nous envie, a le front de ne pas voter légitimiste? Les méchants, les cyniques et le cortège des défaitistes entonneront une fois de plus la mauvaise litanie de l’échec comme art de gouverner.
« La Constitution est grande et Hollande son prophète. Circulez, citoyens-électeurs-consommateurs, il n’y a rien à voir. Et si vous n’êtes pas contents, continuez à râler. »
Il est vrai que, depuis près de deux ans et demi, le locataire de l’Elysée n’a pas été gâté: navigation à vue, cocoricouacs, promesses non tenues, engagements non suivis d’effets, une France centrifuge qui part dans tous les sens, au gré des corporatismes et des avantages acquis, des régimes spéciaux et des gouffres de la dette, un pouvoir en mauvais termes avec les mots et en contre-programmation permanente. Hollande est donc impopulaire et entraine Valls dans sa chute: cette banalité de base masque deux réalités au moins aussi essentielles. La première est que la droite, bien que Sarko Zorro soit arrivé, va connaître encore de jolies tensions internes marquées par le poids des egos et le choc des promos. La deuxième est que le Front National, s’il engrange des progrès non négligeables, se heurte à un iceberg européen et économique qu’il a urgemment besoin de dégrossir, et à une image dont les ambiguïtés ne sont pas encore prêtes d’être levées.
Dans ce marigot politique où les partis ne cessent de perdre des plumes, où des syndicats montrent qu’ils se foutent royalement de l’entreprise (Air France), où les damnés d’Afrique montent vers l’Europe, et les nantis d’Europe vers les paradis fiscaux, Hollande peut afficher la solidité absolue de son statut. Il a été élu pour cinq ans, nul désordre ne peut le renverser ; il ne dissoudra pas parce qu’il n’y est pas du tout obligé et que les niches du pouvoir sont faites pour être occupées et entretenues. Billevesées donc que ces sénatoriales autant que les cantonales et régionales de l’an prochain. Jamais un coup de dé n’abolira le hasard, jamais un tsunami dans les urnes n’ébranlera le pouvoir. La Constitution est grande et Hollande son prophète. Circulez, citoyens-électeurs-consommateurs, il n’y a rien à voir. Et si vous n’êtes pas contents, continuez à râler. On verra bien.u
* André Bercoff est journaliste et écrivain. Son prochain livre Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et Moi paraît le 9 octobre 2014 chez First.
Anne sur Journal de l’année 14 de Jacques…
“Très beau commentaire en vérité. Je suis d’ailleurs persuadée que Bainville vous approuverait !”