Voilà des jours et des jours que dure cette bataille sur l’Yser* et la mer du Nord. Les Allemands font d’incroyables efforts pour arriver à Dunkerque, Calais et Boulogne, d’où ils veulent menacer l’Angleterre. Pour les Allemands, le grand ennemi, c’est l’Anglais. De tous leurs adversaires, à l’heure présente, l’Anglais est celui qu’ils détestent le plus. Ils seraient disposés à nous accorder des conditions de paix avantageuses pour pouvoir mener contre les Anglais une lutte à outrance. Guillaume II n’a-t-il pas déjà dit qu’avec la France il avait fait partie nulle ? Les journaux allemands sont pleins d’égards et même d’éloges pour l’armée française. Mais la « perfide Albion » est vouée à la haine publique.
On sent que l’Allemagne fera de cette guerre contre une nuée d’ennemis sa grande épopée nationale. Dans son grossier orgueil, elle est fière d’unir tant de peuples contre elle et de penser que ses ennemis appellent des Indiens, des Japonais et même des nègres pour venir à bout de l’invincible Empire allemand. Cette guerre sera pour l’Allemagne ce que la période napoléonienne a été pour la France : l’absurdité même des campagnes de Napoléon 1er a transporté les imaginations pendant plus d’un demi-siècle et rendu la France guerrière. Qui plus est, de nombreux Allemands ont déclaré, chez l’habitant, qu’ils recommençaient le grand Napoléon…
D’ailleurs les illusions se dissipent en France. On ne croit plus à la solution facile d’une Allemagne renversant Guillaume II et proclamant une République pacifique, comme nos socialistes l’avaient si imprudemment annoncé. Plus prudent Gustave Hervé bat en retraite sur ce point-là.
Il est même certain que l’Allemagne est convaincue que les autres peuples l’ont provoquée et obligée à une « lutte pour l’existence ». L’Humanité vient de publier une conversation de socialistes belges avec Karl Liebknecht et Wendel à la Maison du Peuple de Bruxelles, d’où il ressort que, au dire de ces social-démocrates d’extrême gauche, « la guerre est populaire dans de nombreuses parties de l’Empire ». Et ce Wendel, il y a huit mois, avait crié : Vive la France ! en plein Reichstag ! Aujourd’hui, il est sous-officier dans la Landwehr. u
* La bataille de l’Yser : en Belgique, les Allemands avaient traversé l’Yser le 15 octobre entre Nieuport et Dixmude. Les Belges ouvrirent alors les écluses pour inonder les Flandres, les obligeant à reculer.
Cincinnatus sur Une initiative papale qui, curieusement, arrive…
“Nous ne sommes pas capables en France d’une révolution de velours, nous sommes incapables de faire…”