Par Gérard Leclerc.
« Bien sûr que je regrette la civilisation judéo-chrétienne. Pour l’heure, je me bats pour elle. » Michel Onfray
Le cardinal De Kesel, archevêque de Bruxelles-Malines, vient de publier un essai sur la situation des chrétiens dans une société qui n’est plus chrétienne (Foi & religion dans une société moderne, Salvator). Faute de l’avoir lu, je ne me permettrai pas d’interpréter sa pensée.
Je m’interroge néanmoins sur l’analyse qu’il peut faire de cette société. S’il lui accorde des crédits, quels sont-ils ? Peut-être ses jugements sont-ils accordés à la complexité du monde actuel. Mais je me pose tout de même une question. Signale-t-il le basculement spirituel, moral, d’une civilisation qui, de chrétienne, est devenue a-chrétienne ? Un Chesterton, un Bernanos étaient particulièrement sensibles à un tel basculement, car pour eux, un monde qui avait perdu le sens de Dieu, était mûr pour les pires déviations.
Athéisme et christianisme
Ce qui me frappe, aujourd’hui, c’est que ce sont le plus souvent des non-chrétiens, ou des gens éloignés de la pratique religieuse, qui se montrent les plus attentifs au caractère judéo-chrétien de notre civilisation et à la perte irréparable que constitue le naufrage de cet héritage. Le cas de Michel Onfray est particulièrement significatif. Il a commencé sa carrière philosophique à l’enseigne d’un athéisme revendiqué et d’une déconstruction du christianisme. Et voilà qu’il déclare dans Le Figaro du 18 juin : « Je regrette le déclin de la civilisation judéo-chrétienne, je me bats pour elle. » De ce déclin, il nous offre une analyse qui fait plus que froid dans le dos et qui devrait singulièrement alerter tous ceux qui, du côté chrétien, chantent les louanges de notre bel aujourd’hui. Le mieux est de le citer longuement.
« La fin du sacré tuile avec la prochaine civilisation qui sera probablement post-humaniste. Rien ne pourra moralement interdire son avènement qui s’effectue avec d’actuelles transgressions qu’aucune éthique, aucune morale ne saurait arrêter. L’intelligence artificielle qui crée des chimères faites d’humain et d’animaux, la marchandisation du vivant, l’abolition de la nature naturelle au profit de l’artifice culturel, constituent une barbarie qui, un jour, sera nommée civilisation, car toute civilisation nouvelle est dite un jour barbare par les témoins de ceux qui voient la leur s’effondrer. Nous sommes dans le temps nihiliste du tuilage qui tuile la décomposition et le vivant (…). Eu égard à ce qui nous attend, et en regard de l’idéologie “woke“ qui travaille à l’avènement de ce nouveau paradigme civilisationnel, bien sûr que je regrette la civilisation judéo-chrétienne. Pour l’heure, je me bats pour elle. »
Le rôle des non-chrétiens
Voilà qui contraste avec les complicités des chrétiens qui saluent sans regrets « feu la chrétienté ». Faut-il donc un non-chrétien pour mesurer les dégâts irréversibles d’une mutation de civilisation ? Peu importe que je sois en désaccord avec Michel Onfray sur la cause de ce décrochage. Cause qu’il attribue à une Renaissance qui annoncerait les Lumières. Érasme et Pic de la Mirandole sont des génies chrétiens qui attestent combien l’humanisme post-médiéval ne va pas sans un ressourcement aux origines chrétiennes. Fides et ratio marchent de concert. Mais le problème actuel n’est pas là. Il réside dans une déshumanisation consécutive à une déchristianisation. « Ôtez le surnaturel, écrivait Chesterton, et il ne reste plus que ce qui n’est pas naturel. » ■
Gérard Leclerc
Première publication le 26.06.2021 – Actualisé le 22.07.2021
La fin d’un monde ? Ne faudrait il pas ne pas baisser les bras et se battre pour lutter contre ces transgressions qui mèneront à l’ultime échéance :
La fin de l’humanité tout simplement …
Oui, c’est normal, que les agnostiques ou même les athées déclarées, se préoccupent de la disparition d’un monde culturel. Ce sont toutes les racines et repères de leur enfance, souvent encore baignées de christianisme qui s’envoilent, c’est une nostalgie inconsciente au moins de ce monde là. C’est justement, parce qu’il ne sont plus ou pas chrétiens , qu’ils ont besoin de voir les catholiques afficher visiblement leur foi. A ce titre les catholiques qui tirent à boulets rouges contre e ceux qu’ils appellent identitaires , se réjouissent presque de l’effacement des signes visibles ou n’en disent mot, se tirent une balle dans le pied: leur religion est celle d ‘l’incarnation, pas de l’abstraction. Sur ce point , Michel Onfray , avec tout le respect qu’on lui doit pour sa sincérité, est plus catholique qu’eux.
Et une autre citation de Chesterton, qui va dans le même sens : « Quand on cesse de croire en Dieu, ce n’est pas pour croire en rien, c’est pour croire en n’importe quoi ».
Une question à Gérard Leclerc : pourquoi judeo? Chrétienne ne suffisait il pas?
Bien car il s’agit de culture et tradition juive ET chrétienne !
Jésus de Nazareth est né juif, à vécu en juif, son dernier repas est celui de Pessah.
Son message s’adresse aux siens et à l’humanité.
Je suis juif et je déplore le déclin du christianisme en Europe au profis de l’islam notamment.
Vous êtes sûr Escaich de ne pas avoir la réponse ? Allons ! Allons !
JSF ne manque pas d’humour. Si je suis Verdu, il faudrait à ce compte parler d’arabo-islam, d’indo-bouddhisme, de nippo-shintoisme ou de perso-zoroastrisme!
Une personne , israélite , m’expliquait que , les véritables juifs descendaient d’ Abraham ; et donc qu’il était indispensable que leur mère fût juive , la transmission par les femmes étant la garantie ( biologique ) de bien appartenir à la « race d’ Abraham » . Au moins les choses étaient elles clairement dites , dans cette discussion , libre , et de bien préciser , que les convertis « intellectuellement » ne pouvaient être vraiment juifs hors de cette filiation .
Vu sous cet angle , et le sus-dit raisonnement ne pouvant être tenu pour absurde , l’expression « judéo-chrétienne » semble du même ordre que « islamo-gauchiste » : c’est une simplification ; la simplification est parfois nécessaire pour se faire entendre mais , de là à présenter cela , comme « parole d’ évangile » , ça semble un peu poussé .