Fin du quatrième mois de la guerre qui semble entrer dans une phase nouvelle. D’après certaines indications, il se pourrait que l’hiver marquât un ralentissement des opérations. Le général de Castelnau aurait écrit à sa femme que peut-être il viendrait la voir en janvier.
En tout cas, la volonté de tenir bon et de poursuivre la lutte jusqu’au bout est énergique dans le pays malgré les souffrances et la fatigue. Mais il y a nos morts à venger, le territoire à libérer, la Belgique à rendre aux Belges. La passion de l’honneur emporte tout…
Le livre jaune français vient de paraître. Manifestement, il est incomplet, il offre des lacunes. Il n’a ni la belle ordonnance ni la suite du Livre bleu anglais. Avait-on quelque chose à cacher ?… Le chapitre le plus impressionnant est peut-être le premier, intitulé « Avertissements ». On y voit que, dès 1913, notre diplomatie a donné au gouvernement de la République les renseignements les plus sérieux sur l’évolution des esprits dans les cercles officiels allemands, les progrès du parti de la guerre, la résistance, de jour en jour moins forte, de Guillaume II à la pression des éléments belliqueux.
Mais cela, le Président, les ministres et l’état-major pouvaient le savoir. Le véritable souverain, c’est-à-dire onze millions d’électeurs, n’avait pas connaissance des nouveaux rapports Stoffel qui arrivaient rue Saint-Dominique et au Quai d’Orsay.
Quant au reste, le Livre jaune accuse la passivité du gouvernement de la République dans les journées décisives de juillet. La diplomatie française s’y montre dépourvue d’initiative, toujours à la remorque de la Russie et de l’Angleterre, manoeuvrée par ses alliés, intimidée par ses adversaires. Quand M. Cambon, à Berlin, veut élever la voix, il est rabroué avec insolence. Triste livre ! Triste lecture !… ♦
Anne sur Journal de l’année 14 de Jacques…
“Très beau commentaire en vérité. Je suis d’ailleurs persuadée que Bainville vous approuverait !”